Lot n° 1399
Sélection Bibliorare

NAPOLÉON Ier (1769-1821) Empereur — MANUSCRITS dictés avec CORRECTIONS autographes de six chapitres des Mémoires pour servir à l'histoire de France sous Napoléon ; 100 pages in-fol. avec béquets, ratures et corrections à l'encre ou au crayon.

Estimation : 30 000 - 40 000 €
Adjudication : Invendu
Description

Important ensemble de manuscrits dictés à Sainte-Hélène et corrigés par Napoléon.

Ces manuscrits, soigneusement copiés par Louis-Étienne SAINT-DENIS dit le Mameluk ALI (1788-1856), second valet de chambre, copiste et bibliothécaire, témoignent d'une relecture attentive de Napoléon, qui a porté de sa main de nombreuses corrections ou additions au crayon sur une cinquantaine de pages, pour apporter des précisions de fait ou de style, rendre sa pensée plus percutante et opérer des suppressions, avec des passages biffés non repris dans l'édition. Ils sont écrits sur des papiers anglais filigranés et datés entre 1813 et 1819.

La plupart des annotations de Napoléon ont été mises au propre par Saint-Denis et le général de Montholon, qui ont ainsi gratté de nombreux paragraphes de la première rédaction, et repassé ou recopié à l'encre les annotations au crayon de Napoléon, les effaçant parfois.

Ces textes ont été publiés, avec des variantes, dans les Mémoires pour servir à l'histoire de France sous Napoléon... publiés en 6 volumes chez Firmin-Didot en 1823-1825, et repris dans les Œuvres de Napoléon Ier à Sainte-Hélène données à la suite de la Correspondance (Imprimerie Impériale, t. XXX, 1869).

Nous ne pouvons donner ici que quelques exemples des corrections de Napoléon.

•A. Deux chapitres des Campagnes d'Égypte et de Syrie (sur papier filigrané JWhatman 1819 Balston& C°).
Chapitre XVI. Kléber (2 cahiers formant 16 p. et 2 ff. blancs, reliés par une cordelette). Sommaire : «I Divers sentimens agitent le soldat [Napoléon ajoute : a la nouvelle du depart de Napoléon]. II Kleber se decide à évacuer l'Égypte et opérer le retour de l'armée en France. III Lettre du Général Kleber du 27 septembre 1799 au Directoire - Réponse du Ministre de la guerre du 12 janvier 1800 reçue au Caire le 4 Mars. IV Evénemens qui se passent en Egypte en Septembre, Octobre, Novembre et Décembre 1799. V Convention d'El-Arich 24 janvier 1800. VI Une copie de la lettre de Kleber du 27 septembre 1799 est interceptée par les Anglais - Effet qu'elle produit à Londres - Résolution en conséquence que prend le cabinet de St james le 17 septembre 1799. VII Bataille d'Héliopolis 20 Mars 1800. VIII Siège du Caire - Capitulation le 25 avril 1800. IX Assassinat du Général Kléber le 14 juin 1800, au même jour que Desaix était frappé à mort sur le champ de bataille de Marengo».

Outre des biffures et l'ajout de marques de ponctuation (parenthèses, guillemets), ce manuscrit présente, dans les interlignes, 77 mots ou parties de mots autographes de Napoléon. On relève ainsi, après la clause «mais lorsque Kléber et son état major se prononcèrent contre le pays», l'ajout par Napoléon de : «parlèrent de réformes en France». Arrivé au récit de Kléber écrivant au Directoire pour dénoncer la mauvaise gestion de son prédécesseur Bonaparte, Napoléon intervient pour placer l'incident sous une lumière plus brutale. On lisait : «Lorsque Kléber eut pris son parti il écrivit au Directoire pour le préparer. Dans cette lettre du 27 septembre il fait un tableau fort rembruni de sa position» ; le texte devient : «Pour preparer le gouvernement a la capitulation qu'il meditait Kleber lui ecrivit le 27 septembre», etc. Un peu plus loin, lorsqu'il parle de Berthier, ministre de la Guerre, jugeant ce «faux exposé» de Kléber, Napoléon ajoute une phrase dévastatrice sur son dénonciateur : «Il se montroit indigne de sa confiance il ne repondoit a l'opinion qu'il avoit conçu de son caractere». Plus loin, Napoléon révise à la baisse le nombre de fusils, sabres et hommes, apporte une précision de date («à la fin de novembre»), et rectifie le nom du Dr «Mohammed» en «Mustapha», etc.

Chapitre XVII. Menou (3 cahiers formant 29 pages et 1 f. blanc, reliés par une cordelette). Sommaire : «I Administration du Général en chef Menou. II Le Ministère Anglais revient sur ses ordres du Conseil du 17 décembre 1799 - il ratifie la convention d'El-Arich. III Siège et blocus de Malte pendant 1798 1799 - cette place capitule le 5 septembre 1800. IV Mesures politiques du Premier Consul pour opérer des diversions favorables à l'armée d'Orient. V Mouvemens maritimes. VI L'état de l'Europe décide le Ministère Angalis à entreprendre la conquête de l'Egypte. VII Plan de campagne du Ministère Anglais - Armée d'Abercromby - Division des Indes - Division de réserve - Armée du Grand-Visir - Division du Capitan Pacha. VIII Le Général Abercromby mouille dans la rade d'Abouqir le 1er mars 1801 - débarque le 8 mars. IX Etat de l'armée française - Manoeuvre du Général Menou. - Combat du 13 mars. - Capitulation du fort d'Abouqir le 18 mars. X Bataille du camp des Romains le 21 mars. Mort du général en chef anglais Abercromby. XI Arrivée à Abouqir du Capitan-pacha le 26 mars avec 6000 hommes - Prise de Rosette le 8 avril. - Capitulation du fort Julien le 19 avril. XII Rupture de la digue du lac Madièh et création du lac Maréotis le 13 avril. Combat de Rahmanièh le 9 mai. XIII Marche du Grand Visir par le désert - il arrive le 27 avril à Salhieh - combat d'El Kanqah le 16 mai. XIV Blocus du Caire le 20 juin. XV Capitulation du Caire le 25 juin. XVI Marche de la division des Indes de l'Indoustan à Alexandrie. XVII Siège d'Alexandrie le 10 août. XVIII Capitulation d'Alexandrie le 2 septembre 1801. XIX Tentative des Anglais en 1807 contre l'Egypte. - Ils y sont battus. XX Observations». Ce chapitre, plus long que le précédent, comporte de nombreuses biffures et d'importantes suppressions. Les modifications indiquées par Napoléon, au crayon, ont presque toutes été effacées lors de leur mise au net à l'encre ; un grand nombre de ces corrections sont d'ordre stylistique, et visent à une plus grande précision.

•B. Deux chapitres de la «Guerre de 1800». Cahier cousu de 16 p. avec béquets, et corrections par grattage, sur papier filigrané Golding& Snelgrove1815 et la «Britannia». Ce cahier, incomplet de sa fin, porte en tête le titre autographe au crayon : «Memoires pour servir à l'histoire de France sous Napoléon», avec le sous-titre «Guerre de 1800». Version primitive, notamment sans intertitres et avec un numérotage de sections non retenu, des chapitres «Ulm. - Moreau» et «Gênes. - Massena» des Mémoires (t. I, pp. 123-156 et pp. 157- 184), repris ensuite dans les OEuvres, t. XXX, p. 467 sqq. et p. 413 sqq.

Armée d'Allemagne [Ulm. - Moreau dans l'édition, pages 1 à 9 du cahier]. Sommaire : «I Situation militaire de la République pendant l'hiver de 1800. II Pacification de la Vendée. III Plan de campagne. IV Commencement des hostilités (25 avril). V Bataille d'Engen (3 mai). VI Bataille de Moeskirch (5 mai). VII Combats de Biberach et de Memmingen (10 mai). VIII Marches, manoeuvres et combats pendant 40 jours autour de Ulm (du 10 mai au 19 juin). IX Passage du Danube (19 juin). X Armistice de Parsdorf (15 juillet). XI Observations». Ce chapitre a été très retravaillé et comporte de nombreuses variantes. Parmi les différences les plus notables, on note plusieurs passages absents de l'édition : une analyse politique (ajout sur becquet), des considérations sur Championnet, et un important développement consacré à la Vendée et à Cadoudal (pp. 2-3 du manuscrit), dont nous citerons le début : «Les désastres des armées de la République en 1799, les vociférations des Jacobins du Manège avaient relevé l'étendard royal dans la Vendée, mais bientôt l'esprit de ces provinces changea par la confiance que leur inspirait le caractère personnel du premier Consul. Plusieurs fois pendant ses campagnes d'Italie, la joie de ses succès avait fait sentir à un peuple égaré qu'ils étaient français, plus d'un cri s'était fait entendre le demandant pour chef, car souvent ils regrettaient de se battre pour des princes qui ne savaient ni les seconder ; ni les diriger. Chatillon, d'Autichamp, Suzannet, l'abbé Bernier chef de l'insurrection de la rive gauche de la Loire se soumirent ; le général Hédouville négocia un acte de pacification qui fut sincèrement exécuté. Napoleon se servit spécialement de l'abbé Bernier, ancien curé de St Lô, homme adroit souple et rusé, ayant une éloquence populaire et beaucoup d'influence sur les habitans de l'Ouest, il l'employa depuis pour négocier le Concordat avec la Cour de Rome et le nomma évêque d'Orléans, où il est mort professant le plus vif attachement à sa personne»... La section liminaire du texte publié, consacrée aux «Défauts des plans de campagne suivis de 1795, 1796, 1797», ne figure pas ici.

Armée d'Italie [Gênes. - Massena dans l'édition, pages 10 à 16 du cahier]. Sommaire : «I Position des armées. II L'armée autrichienne s'empare du col de Cadibone, de Montenotte, de St Jacques ; elle coupe l'armée française de la France et son centre de sa gauche (6 avril). III Le général Massena est investi dans Gênes (30 avril). IV Le feld maréchal Melas entre dans Nice (11 mai). V Reddition de Gênes (4 juin). VI L'armée autrichienne rétrograde sur le Pô à la rencontre de l'armée de réserve. VII Effets de la bataille de Marengo - Le général Suchet rentre dans Gênes (24 juin). VIII Observations». Le manuscrit s'interrompt à l'endroit de l'entrée de Suchet dans Gênes.

•C. Chapitre IV. Notes sur l'ouvrage intitulé Précis des événements militaires ou Essais historiques sur les Campagnes de 1799-1814 - des huit premiers volumes (22 p. paginées 33 à 54, sur papier filigrané Iping1813 et la «Britannia»). Quatre «Notes» commentant des extraits de l'ouvrage du comte Mathieu DUMAS (19 vol. plus 2 d'atlas, Treuttel et Würtz, 1817-1826), publiées au tome XXX de la Correspondance (p. 583 sqq.), avec corrections, suppressions et additions ; le titre «Chapitre IV» indique que ces notes devaient s'insérer dans un ensemble plus vaste. Napoléon commente quatre passages concernant la politique de PITT, le général MOREAU, la question de l'armistice naval dans les négociations de Lunéville, la campagne d'Égypte, à propos de laquelle on relève dans ce manuscrit (pp. 47-48) un curieux développement de plus d'une demi-page, non retenu dans la version imprimée : «St Louis en 1250 débarqua à Damiette avec 60,000 hommes ; s'il se fut comporté comme les français l'ont fait en 1798, il eût triomphé comme eux et eût conquis toute l'Egypte : et si Napoleon en 1798 se fut comporté comme le firent les pieux chretiens en 1250 il eut été battu, défait. En effet St Louis parut devant Damiette le 5 juin, il débarqua le lendemain les Musulmans évacuèrent la ville, il y entra le 6 ; mais du 6 juin au 6 décembre il ne bougea pas. Le 6 décembre il se mit en marche remontant la rive droite du Nil, arriva le 17 décembre sur la rive gauche du canal d'Achmann - vis-à-vis Mansourah y campa deux mois. Ce canal était alors plein d'eau. Le 12 février 1251, les eaux ayant baissé il passa ce bras du Nil et livra une bataille 8 mois après son débarquement en Egypte. Si le 8 juin 1250 St Louis eût manoeuvré comme ont fait les français en 1798 il serait arrivé le 12 juin à Mansourah il aurait traversé le canal d'Achmann à sec puisque c'est le moment des plus basses eaux du Nil, il serait arrivé le 26 juin au Caire, il aurait conquis la basse Egypte dans le mois de son arrivée lorsque le premier pigeon porta au Caire la nouvelle du débarquement des infidelles à Damiette : la consternation fut générale, il n'y avait aucun moyen de résister, les fidèles remplirent les mosquées et passèrent les jours et les nuits en prières. Ils s'étaient résignés ils attendaient l'armée des français. Mais dans huit mois les vrais croyants eurent le temps de préparer leur résistance. La haute Egypte, l'Arabie, la Syrie envoyèrent des forces et St Louis battu chassé fut fait prisonnier. Si Napoleon eût agi en 1798 comme St Louis en 1250, qu'il eût passé juillet août septembre, octobre novembre décembre sans sortir d'Alexandrie, il aurait trouvé en janvier et fevrier des obstacles insurmontables», etc.

•D. Chapitre V [d'abord numéroté IV]. Contenant Six Notes sur l'ouvrage intitulé Les Quatre Concordats imprimé en 1818 (2 cahiers formant 19 p., sur papier filigrané T Edmonds1816 et la «Britannia»).
Commentaire de l'ouvrage de l'abbé baron de PRADT (1759-1837), qui fut archevêque de Malines, aumônier de Napoléon, ambassadeur à Varsovie, sénateur, auteur de nombreux ouvrages, dont Les Quatre Concordats (3 vol., F. Béchet, 1818) : «Cet ouvrage n'est pas un libelle - s'il contient quelques idées erronées, il en contient un plus grand nombre qui sont saines et dignes d'être méditées».

Sommaire :
«I Sur le Concordat de 1801.
II Sur les pièces imprimées à Londres.
III Sur l'enlèvement du Pape.
IV Sur le Concile de 1801.
V Sur les bulles.
VI Sur les prisons d'État».

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