Lot n° 43
Sélection Bibliorare

*Léon BLOY. L.A.S., Bagsvaerd par Lyngby (Danemark) 21 juin 1891, [à Louise Read] ; 4 pages in-8 très remplies d’une écriture serrée.

Estimation : 500 - 600 EUR
Description
*Léon BLOY. L.A.S., Bagsvaerd par Lyngby (Danemark) 21 juin 1891, [à Louise Read] ; 4 pages in-8 très remplies d’une écriture serrée.

Longue lettre sur son retentissant procès contre le Sâr Péladan, sur Huysmans et sur Barbey d’Aurevilly. [En mai 1891, Joséphin Péladan affirma à tort que Léon Bloy et Louise Read avaient laissé mourir Barbey d’Aurevilly sans l’assistance d’un prêtre. Léon Bloy réagit avec virulence dans La Plume et accusa Péladan (mené par « une cupidité ignoble ») et l’amie de Barbey d’Aurevilly Madame de Bouglon (la désignant simplement comme une « salope titrée ») d’avoir assassiné l’écrivain en tentant de s’approprier les manuscrits du mourant. Péladan intenta alors un procès à Bloy, qui, avec l’aide du grand avocat le prince Ouroussov, le gagna en octobre 1891.] Il s’étonne de n’avoir pas reçu les remerciements de son amie, après avoir pris sur lui de faire « à Mme de B[ouglon] à Péladan un sort impossible. […] Ce sont mes imprudences très calculées, je vous prie de le croire, qui ont eu ce résultat infiniment précieux pour vous de vous donner le beau rôle de couvrir d’ignominie vos adversaires, quelle que puisse être pour moi l’issue du conflit ». Il a pu « contraindre Coppée à parler, ce que sa lâcheté proverbiale lui aurait certainement interdit. […] Son devoir strict, au lendemain de l’interview de Péladan, était de donner immédiatement à ce parfait drôle, le démenti le plus éclatant […] le pauvre Coppée n’est pas un paladin, il est même parfois d’une couardise qui étonne [...] c’est pour cela, sans doute, qu’on l’a fourré à l’Académie. Cependant, mis en demeure de donner verbalement son témoignage, il dit la vérité qui écrase vos ennemis en même temps que les miens »… Il ne faut
pas s’inquiéter des conséquences du procès : « Ma seule crainte est de voir avorter ce bienheureux scandale que j’ai préparé avec tant de soin. Sachez que je regarde Péladan comme mon bienfaiteur que ce procès me paraît la chose la plus favorable qui me soit arrivée depuis des années ». Il a un fameux avocat « qui m’a offert spontanément ses services par admiration pour moi (car il y a des gens qui savent que je suis un écrivain) qui viendra de Moscou à Paris tout exprès pour me défendre »… Quant à son article sur Huysmans, il est « d’une modération incroyable. […] ce n’est pas moi qui ai cessé d’être l’ami de Huysmans, mais qu’au contraire, c’est Huysmans qui s’est éloigné de moi contre toute justice, malgré mes efforts pour le retenir, car j’étais assez bête pour lui pardonner le mal atroce qu’il m’a fait. Sa maladresse a été extrême. Il pouvait me paralyser en me continuant ses grimaces d’affection dont j’aurais été la dupe généreuse. Il ne l’a pas fait quand son abominable livre a paru, rien ne pouvant plus me retenir, j’ai dit la vérité tout entière. Dieu merci ! Quant aux bavardages malveillants ou imbéciles qui peuvent vous être débités sur mon compte, vous seriez très aimable de me les épargner. Vous n’ignorez pas la vaillance de mon mépris que je me fiche absolument des opinions des convenances
d’un certain monde dont les idées ou les sentiments sont à mes yeux comme de la boue. […] Mais j’ai le droit d’exiger de vous comme je l’aurais exigé de M. d’Aurevilly lui-même, que mon caractère mon indépendance d’écrivain soient exactement respectés. […] Quand
j’écrirai sur l’auteur du Prêtre marié, soyez d’avance persuadée que je ne consulterai que ma conscience qu’aucune considération de
lâche convenance ou d’étroite sagesse n’agira sur ma volonté. […] Vous savez aussi bien que moi que M. d’Aurevilly était l’homme le plus facile à tromper (preuve Péladan, A. Hayem, etc.) par conséquent tout à fait incapable de se défendre surtout vers la fin. Il était donc nécessaire de le dire pour exprimer l’infâmie du trio d’assassins. [...] J’ai toujours crié ma pensée sur les toits. Ceux donc qui m’approuvent ou m’admirent en ayant peur d’afficher leur sentiment sont pour moi des chiens, des chiens muets, comme dit Isaïe, je bénirai toute occasion de les traiter comme tels. [...] En résumé, je vous demande uniquement d’être juste pour moi, autant que vous fûtes bonne de ne pas me traiter en petit garçon : c’est le moyen d’obtenir beaucoup de moi, l’unique moyen. Vous savez très bien comment je vous aime, pourquoi je vous aime à quel point je vous aime. Cela ne peut pas être effacé. Mais il faut de toute nécessité accepter cette évidence que je n’appartiens pas à vos préjugés mondains que j’échappe sûrement toutes les fois qu’on veut me saisir avec le grappin des convenances. Il faut accepter Léon Bloy tel qu’il est, avec sa main pesante cruelle, si on veut, en considérant que cette main n’est après tout que le prolongement d’un coeur généreux bouillonnant contre l’injustice »…
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