Lot n° 111
Sélection Bibliorare

*Jean COCTEAU. MANUSCRIT autographe de réponses à un questionnaire, et L.S. d’envoi en partie autographe, Saint-Jean-Cap-Ferrat (Alpes-Maritimes) 22 avril 1956, à Georges RIBEMONT-DESSAIGNES ; 7 pages in-4 avec ratures et corrections, et 3 pages in-4 en grande partie dactylographiées.

Estimation : 500 - 600 EUR
Description
*Jean COCTEAU. MANUSCRIT autographe de réponses à un questionnaire, et L.S. d’envoi en partie autographe, Saint-Jean-Cap-Ferrat (Alpes-Maritimes) 22 avril 1956, à Georges RIBEMONT-DESSAIGNES ; 7 pages in-4 avec ratures et corrections, et 3 pages in-4 en grande partie dactylographiées.

TRES BELLE LETTRE. « Jadis on travaillait afin d’embellir le monde et par enthousiasme. On luttait pour vaincre la mort. Aujourd’hui, nous travaillons tous afin d’oublier le monde où nous sommes obligés de vivre. Nous lisons dans le train des livres achetés à la gare. Voilà toute la différence. Elle est énorme. Elle a créé l’optimiste pessimiste dont je suis l’exemple »… Le cas de PICASSO est exceptionnel : « Il s’enfonce dans un royaume dont il est le maître absolu, poussant son impérialisme jusqu’à transformer les objets et les visages, jusqu’à les contraindre (comme Orphée charmant les bêtes) à prendre les formes qui lui conviennent et qui portent les armes de son blason. Mais nous, perdus sur cette vaste île déserte, sachant que le progrès est une farce puisque parallèlement à lui l’âme déprogresse, mais nous, sachant que l’espace-temps s’amuse à organiser des mensonges et d’atroces cache-caches dont nous sommes les dupes, mais nous qui devinons que d’autres dimensions invisibles cohabitent avec les nôtres et nous observent, mais nous qui savons qu’il n’y a ni hier, ni présent, ni lendemain, mais un seul bloc que notre infirmité déroule comme un film sorti de sa boîte, que devenir si nous ne cherchons pas un dérivatif dans un acharnement aveugle à perpétuer la mystérieuse race des œuvres »… Etc. – Dans ses réponses aux questions 4, 5 et 6 du questionnaire, Cocteau condamne les intellectuels et les « clercs de France », parle du paradoxe apparent d’être académicien, et du phénomène dérisoire d’arriver… « Notre époque, cher Ribemont, fut dominée par la peur du beau, par une peur panique de faire preuve de faiblesse en admettant la douceur et le charme. Cette crainte a conduit l’art sur des routes abruptes, parmi les fils de fer barbelés et a ouvert la porte aux monstres. Qui, en 1956 oserait avouer préférer Ariane à Minotaure et une promenade en mer à se perdre dans le labyrinthe. Qui ? Je te le demande ? Personne, et nous voilà de nouveau comme à cette époque où Raymond Radiguet m’apprit que le vrai pessimisme ne consistait plus à tourner le dos au bourgeois mais de le tourner à l’avant-garde […] Il m’avait sauvé de la mode qui n’ose pas dire son nom et se vante de ne pas l’être. Et maintenant, son exemple m’aide encore à vivre et à préférer ma solitude à la morne farandole des intellectuels »…
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