Lot n° 395
Sélection Bibliorare

CÉLINE, Louis-Ferdinand — Manuscrit autographe signé. — S. l., 1957-1959. — 1 565 pages, numérotées, abondamment corrigées, encre bleue sur papiers bleu, blanc et crème. en 4 vol. in-4 (27 x 20,5 cm), maroquin vert, sur les plats...

Estimation : 300 000 - 500 000 €
Adjudication : Invendu
Description
supérieurs est dorée la phrase « Docteur Destouches, 4 rue Girardon, ne nous a semblé atteint d’aucune affection transmissible » en lettres reproduisant une écriture manuscrite, dos lisse (Mercher).
Manuscrit autographe complet de la version finale de Nord.

La rédaction de Nord commence au printemps 1957 et s’achève en 1959. Dans une lettre à Roger Nimier, Céline évoque l’avancement du roman et fait mention d’un manuscrit de 2 600 pages, vraisemblablement une version antérieure à celle-ci.
On sait également que des fragments inédits du roman ont été conservés par la veuve du romancier.

La version dactylographiée remise à Gallimard le 23 décembre 1959, est la stricte transcription du présent manuscrit.

Avec cette oeuvre, Céline continue d’opérer sa métamorphose stylistique amorcée dans Mort à Crédit, en déstructurant la phrase et en l’étirant. 90 mots pour une phrase courante dans Nord contre respectivement 11 et 16 mots pour Mort à Crédit et Voyage au bout de la nuit (François Richaudeau, « Les phrases de Céline ou la cohérence dans le délire », Communication & Langages, 1984, p. 53-75).

Nord est le deuxième ouvrage de la trilogie allemande célinienne composé de Rigodon et D’un château l’autre.

L’intrigue de Nord se situe quelques mois après la libération de Paris en 1944. Hitler décide d’installer le gouvernement vichyste en exil dans le château allemand de Sigmaringen. Parmi les partisans du régime, on retrouve Lucien Rebatet, l’acteur Robert le Vigan et enfin Céline qui va se nourrir de cet épisode historique pour échafauder sa trilogie.

Nord décrit une Allemagne en ruines et décimée par les bombardements. De Baden Baden à Zornhof au nord ouest de Berlin, le narrateur tente d’échapper à l’Épuration. Entouré de Lili, Bébert ou encore La Vigue, il raconte non sans humour noir ses manoeuvres, ses désaveux, ses subterfuges pour atteindre le Nord, et fuir par le Danemark.

Les très nombreux mots ou passages biffés, corrigés ou ajoutés, témoignent de la personnalité minutieuse de l’auteur qui retravaillait inlassablement ses brouillons. Il entoure, rature et appose des croix à côté des mots ou des tournures qui lui déplaisent. « lecteurs, spectateurs, vrais de vrais demandent qu’une chose, qu’on vous suspende ! et vite ! haut, court ! pas de mystère ! gibet ! Je vous serai éloquent tel quel ? Vous vous balancerez ? » qui devient « lecteurs, spectateurs, vrais de vrais demandent qu’une chose, qu’on vous suspende ! et vite ! haut, court ! Vous vous balancerez ? »

Certains extraits raturés sont écrits avec plus de fièvre encore.
« La petite Anne Franck avait le monde entier pour elle, nous le monde entier contre… La petite Anne Franck rigolait dans son grenier d’Amsterdam, nous on a passé pour d’autres ! On nous as pas tourné un film, la propagande ce qu’elle fait du pognon et honneurs […] », qui devient après rature, « La petite Anne Franck préparait son film dans les greniers d’Amsterdam, nous on a rien
tourné […]. »

Certains mots sont réécrits, probablement par Marie Canavaggia, qui était la secrétaire littéraire de Céline et en qui il avait une confiance absolue.
« Mais il faut me garder Marie Canavaggia. Ah j’y tiens absolument ! Elle fait partie du travail. » (Lettre du 13 janvier 1952, Lettres à la N.R.F. : 1931-1961, Paris, Gallimard, 1991, p. 143. Probablement adressée à Claude Gallimard.)

─ Envoi autographe signé :
« Hommage à Renée Cosima Bollore [sic] maman d’Anne. Meudon 6 juin 60 LF Céline », sur la dernière page.

Une demi-douzaine de « languettes » manuscrites numérotées sont intercalées entre les feuillets.

♦ Document exceptionnel, à la fois manuscrit de travail et version définitive du roman. Sentant la mort arriver, Céline a préféré avancer rapidement et ne pas rédiger de nouvelle version au propre de son manuscrit. Cette hâte explique l’écriture parfois saccadée des dernières pages.
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