Lot n° 23
Sélection Bibliorare

BRETON ANDRÉ (1896 1966) 12 Lettres autographes signées adressées à Valentine HUGO Paris 1930-1934, 12 pages in-4 ou in-8 à l'encre sur papier, enveloppes conservées. Très belle correspondance à l'artiste et l'amie, qui fut aussi, en 1930, sa maîtresse. 29 juillet 1930.

Estimation : 2 000 - 3 000 EUR
Adjudication : 3 690 €
Description

Elle ne l'a pas blessé. «La vérité est que cette vie, qui est la mienne et que vous vous défendez inutilement de vouloir changer, est en ce moment si faible, en vaut si peu la peine que je ne la trouve capable de se composer avec rien. Il me paraît déjà bien beau que cette barque vide fasse semblant de tenir la mer. Mais si vous saviez comment je passe le temps: j'erre, presque toujours dans le même quartier de Paris, en attendant que le soir vienne, je ne fais, je ne vois presque absolument rien qui vaille. Le moyen, dans ces conditions, d'avoir même une conversation avec vous, qui attendez quelque chose de moi ! Autant demander aux papillons de s'envoler en plein hiver»...
Pourtant il lui parle avec abandon... «Mais je sais ce qu'est l'expérience, non pas du bonheur certes mais de la non-solitude, quelque visage qu'elle emprunte - il en est de charmants, de tolérables - je l'ai eue... je l'ai perdue. Je suis [...] tout à fait rejeté sur l'autre rive»...
30 juillet. L'impossibilité de la voir ne vient pas de lui. «Je suis très mécontent de prolonger ainsi vis-à-vis de vous mon séjour dans l'ombre. Mais les événements persistent à disposer de moi de la manière la plus bizarre»...
1er septembre. Il lui est impossible de remettre des rendez-vous qu'il a ce soir pour la revue: «je ne peux pas venir. Tout à fait à contrecoeur j'ai dû faire descendre la fougère dans la cour mais je me mets plusieurs fois par jour à la fenêtre pour la regarder»...
6 septembre. «Je crois que ce qui se passe, malgré tout, est bien, que la fierté à laquelle vous tenez autant que moi ne peut être placée que beaucoup plus loin, - la vraie fierté, car l'autre ni vous ni moi n'en saurions que faire. Et toute autre manière d'être avec vous, en raison même de l'importance que j'attache à vous, n'eût été jusqu'ici de ma part que confusion volontaire et que légèreté»...
Mardi [20 septembre 1932]. «Je déplore ce qu'il peut paraître y avoir d'inhumain dans le fait de vous retourner ces lettres sans les lire, mais je vous avais demandé de les reprendre avant mon arrivée. De grâce ne m'obligez plus à de tels gestes soit en m'écrivant soit en cherchant à me rencontrer dans la cour de cette maison. Il n'est pas possible que nous consentions à nous faire encore plus de mal»...
15 février 1933. «Naturellement je ferais figurer votre nom au bas de toute protestation à laquelle pourrait donner lieu l'affaire du “De
Zeven Provincien”. Il est à craindre que rien ne soit fait en ce sens, l'A.E.A.R. [l'Association des Écrivains et Artistes révolutionnaires] par exemple se réservant pour d'autres sujets d'intervention et l'activité surréaliste se trouvant faute de revue réduite au minimum. [...] j'ai de nouveau mal à l'oeil et il m'est très pénible de suivre le tracé d'une phrase. Je verrai sûrement un jour vos dessins qui, je suis sûr, sont parfaitement beaux: le tout est que je sois en état de les voir»...
23 juin 1934. «Pardon de ne pouvoir venir mais Mme Ferry a dû partir de très bonne heure pour Joinville et il est extrêmement probable que les “artistes de la mise en scène française” la retiendront jusqu'à sept ou huit heures, de sorte que nous n'irons pas à Saint-
Brice non plus»...
27 juin 1934. «Je n'ai su comment vous parler hier soir de ce que vous m'avez fait offrir par
Paul [ÉLUARD] en échange de si peu de chose. Vous savez que ce n'est pas sans une certaine angoisse que je songe à ces feuillets d'écriture allant rejoindre tant d'autres feuillets semblables: ai-je bien le droit de vous les laisser préférer à tant d'autres choses beaucoup plus précieuses et même, je crains, à tant d'autres choses nécessaires ? J'en suis plus particulièrement alarmé vers le milieu de cette très singulière année 1934 où l'équilibre tend à se faire entre le mieux et le plus mal, inespérable et le parfaitement décourageant»...
Il revient sur une toile qu'ils regardaient hier, désagréable de près, captivante à distance.
«Le personnage caligaresque de l'auteur n'est d'ailleurs pas pour me faire affermir mon jugement»...
29 septembre 1934. Il propose de venir mardi soir chez la duchesse Dato. «Peut-être serat- il temps encore de proposer à Madame
OCAMPO de passer un jour prochain chez moi, puisque vous pensiez que cela pourrait l'intéresser un peu. J'espère que vous viendrez aussi»... 25 août 1935 1 h. du matin.
«Je vous ai priée très explicitement l'autre soir de ne pas intervenir dans les tractations relatives au Congrès des écrivains. Je ne comprends pas qu'après cela je puisse recevoir d'André MALRAUX un pneumatique comme celui que je reçois, et qui ne me renseigne même pas sur l'essentiel. Il était bien convenu que vous me laisseriez me “débrouiller”, suivant une expression curieuse que j'ai retenue, tout seul. J'estime que votre démarche, si bien intentionnée qu'elle puisse être, me met dans une situation ridicule. Je proteste contre elle et contre le fait que vous ne m'ayez pas même mis au courant. [...] j'entends rester maître de mes actes. J'insiste donc à nouveau pour que vous n'y preniez pratiquement aucune part»...
L'on joint une L.A.S. (minute) de Valentine
HUGO, Paris 10 juillet 1933, protestant contre l'exclusion d'André Breton de l'A.E.A.R., et blâmant les «sympathisants dont la flamme révolutionnaire est de la couleur de la pluie et du beau temps», ainsi que les arrivistes.
L'ont joint également une photographie originale de Valentine Hugo et André Breton, assis côte à côte sur les marches d'un jardin méridional (palmier et cactus), avec l'ombre du photographe Paul ÉLUARD.

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