Lot n° 12
Sélection Bibliorare

LIVRE D'HEURES (À L'USAGE DE PARIS). — En latin et en français, manuscrit enluminé sur parchemin. — France, Paris, vers 1460. — Avec 7 miniatures par le Maître de Coëtivy (actif à Paris de 1450 à 1485) et un petit médaillon enluminé...

Estimation : 130 000 - 150 000 €
Adjudication : 269 760 €
Description
par un artiste non identifié. 167 ff., précédés d'un feuillet de parchemin, a priori complet (les Heures de la Vierge sont illustrées d'une seule miniature) [collation difficile car reliure très serrée, les deux premiers cahiers (i2, ii12), suivis de cahiers a priori de 8 feuillets], écriture gothique à l'encre brune, réglure à l'encre rouge pâle (justification : 60 x 90 mm), texte copié sur 15 lignes, rubriques en rouge pâle, bouts-de-ligne à l'or bruni et peinture bleue et rose avec rehauts de couleur, initiales à l'or bruni sur fond bleu et rose foncé avec rehauts blancs (une ligne de hauteur), initiales peintes en rose foncé ou bleu avec rehauts blancs sur fond à l'or bruni sertis de feuilles de vigne de couleur (2 à 4 lignes de hauteur), bordures enluminées dans les marges extérieures des feuillets sur fonds réservés avec feuilles d'acanthe bicolores, fleurs et fruits et petits disques à l'or bruni, quelques feuillets avec ces mêmes bordures sur trois côtés (e.g. fol. 16, 21, 24v, 39v et passim), avec 7 grandes miniatures de format cintré entourées de bordures enluminées sur quatre côtés. ─ Reliure de plein maroquin rouge du XVIIIe siècle, dos à 5 nerfs cloisonné et fleuronné avec dans les entre-nerfs en alternance IHS [Ihesus] et MA [Maria], décor à la Duseuil sur les plats, encadrements de triple filet doré, fleurons aux angles extérieurs de l'encadrement central, monogramme IHS inscrit dans une couronne d'épines frappé au centre du plat supérieur, monogramme MA inscrit dans une couronne d'épines frappé au centre du plat inférieur, guirlande dorée sur les coupes, tranches dorées et gaufrées. Inscription à l'encre sur la contre-garde supérieure avec un décompte des miniatures et une proposition (erronée) de datation au XIVe siècle : «On croit ces heures du temps du roy Jean en 1360». Boîte de conservation articulée, demi-maroquin grenat, lettrage doré, intérieur doublé de velours rouge (Etiquette de «Brockmann, Binders, Oxford, England»). ─ Très bel état de fraîcheur, quelques décharges ou traces d'oxydation (e.g. ff. 38v, 39). Mors un peu frottés, coins un peu émoussés, quelques petites éraflures au plat inférieur, sans gravité. ─ Dimensions : 130 x 190 mm. ─ Ce livre d'heures est peint par le Maître de Coëtivy, l'un des principaux acteurs de la vie artistique parisienne dans la seconde moitié du XV? siècle et qui «peut être considéré comme le troisième peintre de la France royale de son temps, après Fouquet et Barthélémy d'Eyck car il a apporté des éléments vraiment originaux dans la période de création exceptionnelle que fut le milieu du XVe siècle» (N. Reynaud in Avril et Reynaud, Les manuscrits à peintures en France 1440-1520, Paris, 1993, p. 58). L'artiste est nommé d'après le commanditaire d'un livre d'heures peint pour le chambellan de Charles VII, Olivier de Coëtivy, et son épouse Marie de Valois (manuscrit éponyme : Vienne, ÖNB, Cod. 1929 ; rappelons que c'est Paul Durrieu qui, autour des Heures Coëtivy/Valois, entreprit un recensement des manuscrits attribuables à celui qu'il identifiait comme Henri de Vulcop (Durrieu, 1921)). C'est un artiste dont le talent s'exerça également dans d'autres domaines, en particulier en fournissant des modèles et patrons pour le vitrail, la sculpture et la tapisserie (on conserve les «petits patrons» ou maquettes de la tenture de la Guerre de Troie au département des arts graphiques du Louvre). De toute évidence de formation nordique, le Maître de Coëtivy exerce à Paris et travaille notamment pour la cour de France. Outre une trentaine de manuscrits, ce peintre polyvalent réalise des cartons de vitraux (notamment pour trois verrières de l'église Saint-Séverin à Paris). Nicole Reynaud a proposé de l'assimiler à Colin d'Amiens (dit aussi Nicolas d'Ypres), fils de l'enlumineur André d'Ypres, fixé vers 1450 à Paris où il est documenté de 1461 à 1488. On connait un document de 1479 dans lequel Colin d'Amiens est qualifié d'«hystorieur et enlumyneur, bourgeois de Paris» et qui précise qu'il est le fils d'André d'Ypres, lui-même, de son vivant, «hystorieur et enlumyneur» à Paris. Colin d'Amiens effectue des travaux de «paintrerie» aux obsèques et aux funérailles de Charles VII (voir Oget, 2017). Sur le Maître de Coëtivy, voir F. Avril et N. Reynaud, Les manuscrits à peintures en France 1460-1520, 1993, pp. 58-69 ; D. Thiébaut et al., Primitifs français, Découvertes et redécouvertes, 2004, pp. 97-102). Les différents travaux et recherches autour du Maître de Coëtivy ont révélé que cet artiste appartenait très certainement à une triade de miniaturistes, dont la filiation exacte demeure incertaine, mais dont les liens stylistiques sont clairs. Le premier de ces artistes est celui nommé Le Maître de Dreux Budé (André d'Ypres ?). Sur ces attributions, voir Reynaud, 1993, p. 53, 58 et 265.
Le présent manuscrit est à rattacher aux premières années de production du Maître de Coëtivy (Colin d’Amiens), proche de la qualité que l’on trouve par exemple dans un livre d’heures à l’usage de Saint-Jean-de-Jérusalem, conservé sous lacote Paris, BnF, latin 1400 : « Quelques-unes des miniatures sont parmi les plus exquises de l’artiste qui use de très belles couleurs intenses... » (Reynaud, in Avril et Reynaud, 1993, p. 59). Cette appréciation peut s’appliquer au présent livred’heures qui présente une belle palette aux teintes saturées et un hachurage d’or qui rajoute à l’éclat des figures. On trouve des similitudes de modèles entre les manuscrits : par exemple, la Virgo lactans (ce manuscrit, fol. 149) rappelle celle de Paris, BnF, latin 1400, fol. 24v ; la représentation de la Trinité (fol. 155), entourée d’une mandorle d’anges séraphins(rouges) et chérubins (bleus) n’est pas sans rappeler le Paradis dans un manuscrit de Dante (Paris, BnF, Italien 72 ; voir reproduction dans Avril et Reynaud, 1993, p. 62).

Le manuscrit, d’une grande finesse et pureté, est conservé dans une élégante reliure du XVIIIe de maroquin rouge avec un décor à la Duseuil.

─ Provenance
•1 - Manuscrit copié et peint à Parisce que confirme l’usage liturgique etle calendrier (Office de la Vierge et office des morts à l’usage de Paris ; calendrier parisien) et les éléments stylistiques (sept miniatures peintespar un artiste parisien à savoir leMaître de Coëtivy (Colin d’Amiensou Nicolas d’Ypres), actif à Paris de1450 à 1485).
•2 - Antiquariat Bibermühle Tenschert,Tenschert H. et E. König, Paris monamour : 25 Studenbücher aus Paris1380-1460, H. Tenschert (2015),Katalog 80, band II, no. 20, pp. 522-537 : « Ein unbekanntes Meisterwerkvom Coëtivy-Meister », attribué au« Meister des Olivier de Coëtivy :Henry de Vulcop ».
•3 - Collection particulière.

─ Texte
ff. 1-1v, feuillet blanc ;
ff. 2-3, Eléments de computecclésiastique, en français :« Querés prime lune apres lesnonnes de janvier et contés .x.jours... » ;
f. 3v, feuillet blanc ; ff. 4-15v, Calendrier, à l’usage de Paris, en français, avec en rouge Geneviève (3 janvier), Vincent (22 janvier) ; Martin (4 juillet) ; Denis (9 octobre) ; Marcel (3 novembre) ;
ff. 16-20v, Péricopes évangéliques ;
ff. 21-24v, Obsecro te, avec désinence féminine, « ... et michi famule tue... » ;
ff. 24v-28, O intemerata ; f. 28v, feuillet blanc ;
ff. 29-78v, Heures de la Vierge, à l’usage de Paris, avec matines (ff. 29-39) ; laudes (ff. 39v-50); prime (ff. 50-55v), avecantienne, Benedicta tu et capitule, Felix namque ; tierce (ff. 55v-59v) ; sexte (ff. 60-63v) ; none (ff. 63v-67), avec antienne, Sicut lilium et capitule, Per te dei genitrix ; vêpres (ff. 67-73v); complies (ff. 74-78v);
ff. 79-79v, Feuillet blanc réglé ;
ff. 80-97, Psaumes de la pénitence suivis de litanies et prières ;
ff. 97v-101, Heures de la Croix ;
ff. 101v-104v, Heures du Saint-Esprit ;
ff. 105-148v, Office des morts (usage de Paris suivant le relevé de Leroquais), avec les leçons suivantes : (1) Qui Lazarum ; (2) Credo quod ; (3) Heu michi ; (4) Ne recorderis ; (5) Domine quando ; (6) Peccantem me ; (7) Domine secundum ; (8)Memento mei ; (9) Libera me ;
ff. 149-154v, Quinze joies de la Vierge, en français, « Doulce dame de misericorde... » ;
ff. 155-165, Sept requêtes du Christ, en français, « Doulx dieu doulx père... », suivi des sept « Biau sire dieu regardés... » ;
ff. 165v-167v, feuillets blancs réglés.

─ Illustration
Ce manuscrit contient un petit médaillon rapporté et sept (7) grandes miniatures avec encadrements enluminés. Les grandes miniatures sont attribuables au Maître de Coëtivy (voir supra). Il ne manque pas de grandes miniatures, le nombre restreint s’explique par le fait que les Heures de la Vierge sont illustrées d’une seule miniature, avec la section introduite parl’Annonciation au commencement des Heures de la Vierge (matines) et les heures suivantes s’enchaînent sous forme detexte avec les grandes divisions marquant les autres heures canoniales ponctuées d’initiales ornées de quatre lignes dehauteur et un encadrement sur les quatre côtés.
f. 2, Pietà, petite miniature, médaillon de parchemin contrecollé dans la marge supérieure du feuillet (hauteur du médaillonde forme ovale : 20 mm) ;
f. 29, Annonciation (grande miniature : 90 x 60 mm) ;
f. 80, David en pénitence (grande miniature : 90 x 65 mm) ; f. 97v, Crucifixion (grande miniature : 95 x 60 mm) ;
f. 101v, Pentecôte (grande miniature : 92 x 60 mm) ; f. 105, Office funèbre (grande miniature : 90 x 60 mm) ;
f. 149, Virgo lactans (grande miniature : 90 x 60 mm) – à titre de comparaison, on citera une composition semblabledans le livre d’heures à l’usage fort rare des Hospitaliers de St-Jean de Jérusalem, conservé à Paris, BnF, latin 1400 ; f. 155, Trinité (grande miniature : 90 x 60 mm) ;

─ Bibliographie
•Avril, F. et N. Reynaud, Les manuscrits à peintures en France 1460-1520, Paris, 1993.
Durrieu, P. « Les Heures de Coëtivy à la bibliothèque de Vienne », Bulletin de la Société nationale des antiquaires deFrance, 1921, pp. 301-317.
•Grodecki, C. « Le « Maître Nicolas d’Amiens » et la mise au tombeau de Malesherbes. À propos d’un document inédit »,Bulletin monumental, 154, 4, 1996, pp. 329-342
•Oget, N. « Le cas du Maître de Coëtivy (Colin d’Amiens ?), peintre, enlumineur et cartonnier à Paris dans la secondemoitié du XVᵉ siècle », Publication en ligne, Sorbonne (2017).
https://124revue.hypotheses.org/tag/maitre-de-coetivy
•Martin, H. « Les d’Ypres, peintres des XVᵉ et XVIᵉ siècles », Archives de l’art français, 8, 1916, pp. 1-16.Pächt, O. and D.Thoss, Die illuminiertenHandschriften und Inkunabeln der Osterreichischen Nationalbibliothek:Französische Schule II, Vienna,1977.
•Plummer, J. The Last Flowering: French Painting in Manuscripts 1420-1530, New York and London, 1982.
•Thiébaut D. et al, Primitifs français, Découvertes et redécouvertes, 2004, pp. 97-102.
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