Lot n° 146
Sélection Bibliorare

[AFFAIRE DREYFUS] - VAUGHAN (Ernest). — L’Aurore Littéraire, Artistique, Sociale. — Paris, Jeudi 31 octobre 1897-31 octobre 1899. — 742 numéros en 4 volumes grand in-folio, 606 x 440.

Estimation : 3 000 - 4 000 €
Adjudication : 16 250 €
Description
Demi-percaline, recouverte postérieurement de velours vert pour les tomes 1, 2 et 4, dos lisse (reliure de l’époque).

Très rare tête de collection comprenant les 743 premiers numéros, sauf le 97, soit les deux premières années de ce journal républicain socialiste créé par Ernest Vaughan. Ce dernier avait eu pour ambition de « créer un journal où toutes les opinions libérales, progressistes, humanitaires, si avancées qu’elles fussent, puissent être librement exposées » (Ernest Vaughan, Souvenirs sans regrets : la constitution de l’Aurore, L’Aurore, 16 avril 1901, p. 1).

L’ensemble des numéros de ce journal parut entre le 31 octobre 1897 et le 2 août 1914. Y collaborèrent notamment Paul Adam, Jean Ajalbet, Paul Alexis, Georges Clémenceau, Lucien Descaves, Gustave Geffroy, Urbain Gohier, Camille Mauclair, Octave Mirbeau, Laurent Tailhade, Zo d’Axa et bien sûr Émile Zola.

Il devint le principal porte-parole des partisans de l’innocence du capitaine Dreyfus et de la révision de son procès. Nombres de numéros seront consacrés à cette affaire et le plus célèbre est le 87 du 13 janvier 1898 contenant le J’accuse…! d’Émile Zola.

Cet article parut deux jours après l’acquittement d’Esterhazy par le conseil de guerre, alors que le lieutenant-colonel Picquart venait de prouver qu’il était l’auteur du fameux bordereau ayant servi de pièce-maîtresse dans l’accusation contre Dreyfus. Les espoirs d’une révision du procès s’éloignant, Zola, écœuré par cet acquittement, écrivit cette lettre que Clémenceau publia dans L’Aurore sous le titre de J’Accuse…!.

Zola y donne l’historique du procès en montrant notamment que le second conseil de guerre, celui qui acquitta Esterhazy, était « forcément criminel. » Il termine par une série d’accusations concernant les généraux et autres officiers responsables de l’erreur judiciaire, ainsi que les experts en écritures coupables de « rapports mensongers et frauduleux. »

Zola fait enfin cette courageuse conclusion : « l’acte que j’accomplis ici n’est qu’un moyen révolutionnaire pour hâter l’explosion de la vérité et de la justice. Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière, au nom de l’humanité qui a souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n’est que le cri de mon âme. Qu’on ose donc me traduire en cour d’assises et que l’enquête ait lieu au grand jour ! »

L’article eut un effet considérable, de nombreux intellectuels signèrent une pétition en faveur de la révision du procès. Cependant Zola fut condamné à plusieurs reprises et s’exila en Angleterre pendant onze mois pour échapper à la prison, jusqu’à ce que l’arrêt de révision renvoyant Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes soit rendu le 3 juin 1899.

C’est réellement avec ce texte paru dans L’Aurore que commença la véritable Affaire Dreyfus, celle qui passionne encore tant de gens.

Outre les affaires politiques nationales et internationales, le journal traite de littérature, d’art, de sport et propose des romans en feuilletons, notamment Belle-Rose d’Amédée Achard, Par étapes de Maurice Guillemot, Je pardonne.! de Paul Alexis, La Croyante de Jean Psichari, Fécondité d’Émile Zola, etc. On y trouve également des illustrations de Steinlen, Henry Oulevay, André Gill, Louis Bochard, Hinard, Ibels, etc., présentes essentiellement dans les premiers numéros.

Exemplaire composé ainsi :
- Volume 1 : du numéro 1 du 31 octobre 1897 au numéro 194 du 30 avril 1898. Le volume est complet du numéro spécial accompagnant le numéro 7 du 25 octobre 1897, relié en tête, contenant « tout ce qui a paru des deux feuilletons en cours » jusqu’à cette date, soit les premiers chapitres du Neveu du comte Sérédine de Charles-Edmond. Il ne manque que le numéro 97 du 23 janvier 1898.

- Volume 2 : du numéro 195 du 1er mai 1898 au numéro 378 du 31 octobre 1898, sans manque. Les numéros 375 et 377 sont complets de leur supplément.

- Volume 3 : du numéro 379 du 1er novembre 1898 au numéro 559 du 30 avril 1899. Le numéro 397 est en double. Volume complet des suppléments aux numéros 406, 407, 408, 410, 411, 412, 413, 414, 415, 416 et 417, contenant la liste des « noms des citoyens qui ont envoyé leur protestation en faveur du colonel Picquart », ainsi qu’à ceux des numéros 480, concernant le dossier Mazeau, 482 (conférence de F. de Pressensé), 501 (affaire Picquart), 535 (déposition du général Roget), 543 (en feuille et portant la date du 15 avril au lieu du 14), 544, 545, 546, 547, 548, 549 et 555 (ces derniers proposant des dépositions de la Cour de cassation). Il n’y a pas le supplément annoncé en tête du numéro 551.

- Volume 4 : du numéro 360 du 1er mai 1899 au numéro 743 du 31 octobre 1899. Complet des suppléments aux numéros 589, 590, 591, 592, 593 sur les audiences de la cour de cassation dans l'affaire Dreyfus, ainsi que du feuillet de pétition demandant la justice pour Dreyfus joint au numéro 702. C'est dans ce volume que se trouve l'édition pré-originale de Fécondité d'Émile Zola, parue à partir du numéro 574 du 15 mai 1899 jusqu'au numéro 716 du 12 octobre de la même année. Le numéro 595 a été relié à l'envers avant le 594.
Il est très rare de trouver actuellement un ensemble aussi important de ce journal. Les reliures sont très abîmées, les dos des volumes 1, 2 et 4 ayant été remplacés postérieurement et maladroitement par du velours vert qui est par endroits arraché. Les numéros du journal sont quant à eux très bien conservés, avec d'inévitables traces de pliures et des rousseurs sans gravité. Le supplément du n° 7 placé en tête du premier volume est dérelié ainsi que la première garde.
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