Lot n° 86

GAUGUIN PAUL (1848-1903). — L.A.S. «Paul Gauguin», Papeete 12 janvier 1899, à Daniel de MONFREID ; 3 pages in-8 à en-tête Établissements français de l'Océanie, Travaux publics et cadastre. Bureau du Chef de Service (infime manque à un coin...

Estimation : 8000 - 10000
Adjudication : 18 200 €
Description
au dernier feuillet sans toucher le texte) ; sous chemise maroquin vert. — Intéressante lettre sur ses dernières années difficiles à Tahiti, et sur son tableau Nevermore.
[Ce célèbre tableau, aujourd'hui à Londres, au Courtauld Institute of Art, a été vendu, par l'intermédiaire de Daniel de Monfreid, 500 francs en 1898 au compositeur anglais Frederick DELIUS (1862-1934).] «Je ne saurais trop vous remercier de l'envoi que vous venez de me faire : cet argent arrive à temps pour me permettre de rentrer dans mon domaine. Depuis un mois je ne parvenais pas à gagner plus de 15 journées par mois tellement mon pied me fait souffrir. Quand guérirai-je ?
Vous avez bien fait de lâcher à Delius le tableau Nevermore : il le paie plus cher que Vollard. Ce Vollard autrefois achetait à [Émile] Bernard des tableaux de moi de Bretagne plus cher que maintenant. N'importe vaut mieux vendre bon marché que pas du tout. Vous souvenez-vous que vous m'avez reproché d'avoir mis un titre à ce tableau : ne croyez vous pas que ce titre Nevermore soit la cause de cet achat. Peut-être !
Quoi qu'il en soit je suis très heureux que Delius en soit propriétaire, attendu que ce n'est pas un achat de spéculation pour revendre mais pour l'aimer, puis une autre fois il en voudra encore un surtout si des personnes visiteuses lui en font compliment, ou bien encore le font discuter à ce sujet.
De mon dernier envoi vous ne me dites rien comme appréciation ; est-ce une mauvaise impression ou bien la précipitation de vos affaires en ce moment.
Il me semble que le Crédit Lyonnais fait payer à Chaudet 1 % tandis que vous en payez deux ; en tous cas j'y gagne parce que le commerce à Tahiti m'en donne 3 %. Dès maintenant je crois que ma situation s'éclaircit, je n'ai plus de dettes, un peu d'avance, quelques espérances ; aussitôt que mon pied me laissera un peu tranquille je me remettrai au travail. D'ici là inutile de toucher un pinceau, je ne ferais rien de bon, sans esprit de suite, et grandes interruptions, du reste quand je suis dans les conditions ordinaires et que j'ai de l'entraînement j'abats très vite de la besogne. Puis en ce moment étendu sur le lit je travaille en pensée et arrivé à un certain moment propice, tout cela se concentre et l'exécution est rapide.
Et vous mon cher Daniel, vous allez toute une année, tracassé d'affaires, quitter aussi un peu la peinture et en souffrir ; écrivez-moi comme par le passé, sinon affaires, au moins tout ce qui vous intéresse, vous occuppe.
Paris n'est pas nécessaire à l'art, autant que la jeunesse semble le supposer ; (se tenir au courant dit Pissarro). Bien dangereux pour les ½ personnalités. - Pendant 50 ans les jardiniers font des dahlias doubles puis un beau jour reviennent aux dahlias simples.
Bien des choses aimables aux amis, et tout à vous de coeur»...

L.A.S. "Paul Gauguin", Papeete January 12, 1899, to Daniel de MONFREID ; 3 pages in-8 headed Établissements français de l'Océanie, Travaux publics et cadastre. Office of the Head of Service (tiny missing corner on the last page without affecting the text) ; in green morocco folder. — Interesting letter about his last difficult years in Tahiti, and about his painting Nevermore. [This famous painting, now in London at the Courtauld Institute of Art, was sold, through Daniel de Monfreid, for 500 francs in 1898 to the English composer Frederick DELIUS (1862-1934). "I cannot thank you too much for the consignment you have just sent me : this money has arrived in time to enable me to return to my domain. For a month I have not been able to earn more than 15 days a month, so much does my foot suffer. When will I get better? — You did well to let Delius have the painting Nevermore : he is paying more for it than Vollard. This Vollard used to buy paintings of me from Brittany from [Émile] Bernard at a higher price than now. Anyhow, it is better to sell cheaply than not at all. Do you remember that you reproached me for having given a title to this painting : don't you think that this title Nevermore is the cause of this purchase. Perhaps! — In any case I am very happy that Delius is the owner, since it is not a speculative purchase to resell but to love it, and then another time he will want another one, especially if visitors compliment him on it, or even make him discuss it. — You say nothing about my last letter in terms of appreciation ; is this a bad impression or is it the haste of your business at the moment? — It seems to me that the Crédit Lyonnais charges Chaudet 1% while you pay two ; in any case, I win because the Tahitian trade gives me 3%. From now on I believe that my situation is becoming clearer, I have no more debts, a little advance, and some hopes ; as soon as my foot leaves me a little peace, I will start working again. Until then I need not touch a brush, I shall do no good, without a spirit of continuity, and great interruptions, besides, when I am in the ordinary conditions and have the drive, I get the job done very quickly. Then at this moment lying on the bed I work in thought and arrived at a certain propitious moment, all that concentrates and the execution is fast. — And you my dear Daniel, you are going to spend a whole year, bothered with business, also leave painting a little and suffer from it ; write to me as in the past, if not business, at least everything that interests you, occupies you. — Paris is not necessary for art, as much as youth seems to suppose ; (to keep up to date says Pissarro). Quite dangerous for ½ personalities. - For 50 years gardeners make double dahlias and then one fine day return to single dahlias. — Many kind things to friends, and all yours from the heart"...
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