Lot n° 190
Sélection Bibliorare

PORT-ROYAL. Antoine LE MAISTRE (1608-1658), janséniste et homme de lettres, premier solitaire de …

Estimation : 2 000 - 2 500 EUR
Adjudication : Invendu
Description
PORT-ROYAL. Antoine LE MAISTRE (1608-1658), janséniste et homme de lettres, premier solitaire de Port-Royal des Champs, frère de Lemaistre de Sacy. L.A., 8 décembre 1657, [à Antoine Singlin (1607-1664), janséniste, directeur spirituel de Port-Royal et de Blaise Pascal] ; 3 pages et demie in-4 remplies d’une petite écriture avec quelques corrections.

Rare et très belle lettre de ce solitaire de Port-Royal.
« Mon tres cher pere, Enfin il a pleu à Dieu de bénir les reproches que vous me fistes dans vostre penultieme voyage de ma froideur & de ma contrainte avec mon frere qui par la tentation du Diable laquelle me paroist maintenant toute claire, avoit passé en une espece d’éloignement. Vous ne scauriez croire combien il ma falu gemir & prier pour attirer l’esprit de Dieu dans mon ame & y faire un renouvellement effectif en changeant une froideur & une indifference de 20 ans en une amitié plus que fraternelle & en une tendresse toute de charité. Je n’en serois jamais venu à bout si je n’avois appellé à mon secours celle de nos Meres et de mon frere mesme à qui j’en avois fait parler par elles. Leurs exhortations de me faire violence mont esté inutiles. Car je scay par plusieurs expériences que de vieux maux que le Diable envenime encore, ne se guérissent en moy que par l’infusion de l’esprit de Dieu qui change mon cœur et non par des efforts humains qui ne me changent jamais le cœur quoy qu’ils me remuent l’esprit. Je l’ay éprouvé réellement & sensiblement en cette rencontre. Et je nay pas senty plus sensiblement les premiers & plus ardens mouvemens de penitence que Dieu me donna il y a 20 ans que j’ay senty ces derniers d’une affection & d’une cordialité qui sest respandue dans mon âme au milieu de ma priere & de beaucoup de larmes lesquelles coulent encore. Mais ce qui ma fait voir encore plus sensiblement que lesprit de Dieu me changeoit & me chauffoit c’est qu’entendant la Messe & estant devant Dieu, je me sentis tout d’un coup échauffé d’une nouvelle affection pour vous mon cher pere quoy que je ny pensasse pas alors. Sans cela jaurois douté de la verité de ce don de Dieu parce que Dieu ne detruit jamais un bien pour détruire un mal. Je vous avoue que ce tesmoignage de sa bonté & sa miséricorde envers moy, me confond & me touche sensiblement. Car cest une chose prodigieuse que celuy qui a fait le ciel et la terre se laisse fleschir par les prières de misérables creatures & vienne actuellement & sensiblement imprimer dans le cœur dune personne l’amitié tendre et ardente quil luy demande prosterné en terre pour une personne quil doit aimer plus que soy mesme & quil n’aimoit presque point en effet & d’une affection seulement humaine. C’est en ces rencontres où jeprouve que rien ne nous fait connoistre davantage la grandeur infinie de Dieu que l’infinité de sa bonté & de son amour envers les hommes & qu’il ne demande qu’une humilité profonde & une absolue reconnoissance de nos impuissances & de nos faiblesses pour nous faire sentir la puissance de sa grace & la douceur de son Saint Esprit qui nous attendrit dans une si longue dureté de cœur sans que nous nous fassions aucune violence humaine pour ce changement, lequel nous sentons nous estre impossible parce que nous ne sommes point plus forts que nous mesmes. Cest à luy quil veut qu’on fasse violence par l’importunité et la violence des prières quon luy offre. Je ne doute point, mon cher pre, que les vostres & ce dsir de vostre cœur que vous mavez tesmoigné en tant de rencontres sur ce sujet n’aient fortifié celles de nos Meres et de mon frere. Car estant pauvre comme je suis javois besoin destre assisté de vous tous »…. Etc.
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