Lot n° 20
Sélection Bibliorare

MONET (Claude). Lettre autographe signée « Claude Monet » [à son épouse Alice Raingo]. …

Estimation : 1 000 - 1 500 EUR
Adjudication : 8 500 €
Description
MONET (Claude). Lettre autographe signée « Claude Monet » [à son épouse Alice Raingo]. Pourville-sur-Mer, « mercredi soir pour jeudi » [1896 ou 1897]. 5 pp. in-8, en-tête imprimé à son adresse de Giverny. BELLE LETTRE SUR SON TRAVAIL DANS LES PAYSAGES DE FALAISES AUTOUR DE POURVILLE-SUR-MER, où il vint à trois reprises, en 1882, février-avril 1896 et janvier-mars 1897. « Ma bonne chérie, je veux commencer, mon courrier par toi, l'ayant écrit très à la hâte ces deux jours derniers. Mais d'abord laisse-moi te dire mon étonnement de n'avoir pas eu de tes nouvelles ce matin. Je ne veux pas m'inquiéter, certain que tu as dû m'écrire. Mais je crois qu'il serait prudent de remarquer par qui sont mises les lettres qui ne parviennent pas. Je me porte tout à fait bien malgré ce rude temps extrêmement dur ici, et je le maudis, ce temps, non pas tant à cause du froid, mais c'est que le vent très violent me gêne absolument. CES DEUX JOURS PASSES, NE POUVANT ABSOLUMENT PAS TENIR AUX ENDROITS OU J'AVAIS ENTREPRIS MES MOTIFS, J'AI DU EN CHERCHER D'AUTRES OU JE PUISSE ETRE UN PEU ABRITE, ET J'AI DU FAIRE N'IMPORTE QUOI, QUE J'AI DU EFFACER APRES. J'ai voulu aujourd'hui m'installer quand même en plein vent mais c'était impossible. ET AVEC CELA DE GRANDES VARIATIONS DE TEMPS, aujourd'hui tout à coup le ciel s'est couvert, sans que le vent s'apaise. ET PUIS J'AI UN MAL TERRIBLE A FAIRE CE QUE JE VEUX, cela ne va pas te surprendre et je vous entends tous dire que cela a toujours été ainsi, mais moi je sens bien une différence. NE T'EN ALARME PAS AUTREMENT, JE ME SENS PLEIN DE COURAGE et j'arriverai certainement à faire quelque chose mais il me faut encore plus de temps qu'avant, aussi je ne veux pas m'embarquer dans trop de choses, ni aller trop loin. Je déplore bien cette semaine passée au Havre car cela devait être très beau ici à ce même moment. J'AI ECRIT AVANT-HIER A LA PETITE [JULIE] MANET AINSI QU'A [EDGAR] DEGAS et j'attends leurs réponses pour savoir quand je partirai pour Paris. J'irai, comme nous l'avons dit, directement, si je suis certain de t'y trouver, c'est-à-dire que je ne veux que tu y ailles que si tu te sens réellement bien. Nous voilà, ma pauvre chérie, arrivés à un moment où il nous faut absolument être prudents et nous soigner, sinon pour nous, au moins pour tous nos enfants. Enfin, j'espère, demain, avoir peut-être deux lettres qui me donneront de bonnes nouvelles de toi et de tous à Giverny comme de Paris. J'ETAIS FURIEUX HIER SOIR DE LA VENUE A PAREILLE HEURE DES THAULOW car j'avais bien des lettres à faire. Ils se sont carrément invités à dîner avec toutes sortes d'excuses, prétendant n'avoir pas voulu venir plutôt dans la crainte de me gêner, m'invitant du reste à leur venir demander à dîner quand je voudrais. Ce sont des type qu'il faut plus connaître pour les juger, elle pure Norvégienne, buvant, fumant, très libre, bien sans être jolie, mais paraissant en effet plus intelligente que son mari. Je suis enchanté d'avoir apporté du beurre, il me parraît meilleur ici. Les Thaulow, du reste, y ont fait une brèche. [Le peintre impressionniste norvégien Frits Thaulow séjournaient alors avec son épouse et ses enfants à Dieppe, non loin de Pourville. C'est lui qui, en 1890, avait convaincu Claude Monet de participer à l’Exposition d’automne de Christiania (Oslo), ce qui avait conduit à l'achat d'une de ses toiles par le Musée national des Beaux-Arts de Norvège.] Mme Eugène [au service de Claude Monet] fait, je crois, tous ses efforts pour que je sois content, et, ma fois, ça peut aller, j'ai du poisson et de la crevette à tous les repas ; avec cela, je n'ai pas à me plaindre, et je serai enfin content si cette lutte mène au travail, si [cesse] ce sacré vent qui matériellement m'empêche de travailler où je veux. Enfin, ce contretemps ne peut durer, et le vent peut tourner. Il est vrai que la pluie ne vaudrait guère mieux. Enfin, ne t'inquiète pas de moi, je suis prudent, je me couvre des pieds à la tête et ne m'aperçois guère du froid, qui doit être vif, car il n'y a pas de thermomètre ici. Pense à m'informer de ce que doivent faire les enfants, qui doit venir, etc. Je les embrasse bien fort tous, et t'envoie à toi toute ma tendresse, tout mon cœur. Ton mari qui t'aime... »
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