Lot n° 428
Sélection Bibliorare

Jeanne Louise Genet, Madame CAMPAN (1752-1822) lectrice de Mesdames filles de Louis XV, secrétaire et confidente de Marie-Antoinette, institutrice et pédagogue, elle dirigea la Maison d’éducation de la Légion d’Honneur d’Écouen.Lettre...

Estimation : 2 000 / 2 500
Adjudication : 2 000 €
Description
autographe, Mantes sur Seine 19 juillet 1816, à une « chère et bonne élève » ; 8 pages in-8 (légère brunissure au 2e feuillet).Belle et longue lettre autobiographique.Sa lettre la plonge dans ses souvenirs… « Après une vie fort laborieuse et que j’ai cherché à rendre utile, tourmentée par les événemens, fatiguée comme on ne peut manquer de l’être, d’avoir à rencontrer ici bas tant d’injustes procédés, je vis tranquile dans une jolie petite ville à 15 lieues de Paris, là les affections de l’âme viennent se représenter plus doucement et tout aussi profondément à la mémoire ; […] je jette mes regards sur mes deux carrières terminées, sur ces premiers vingt ans de Lectrice et de première femme auprès des vertueuses Princesse filles de Louis XV, et de la belle, et de la bonne, et de la touchante et infortunée Reine Marie-Antoinette, comblée par ces augustes Princesses, leurs bienfaits qui s’étendirent sur les miens »… Mais la faveur dont Mme Campan jouissait à la Cour lui valut une foule d’ennemis et de calomniateurs ; cela ne l’a pas empêchée de rester fidèle à la famille royale « jusqu’aux derniers instans où j’ai pu le faire, prête à périr à la funeste et exécrable journée du 10 août où je ne quittai point mon auguste maîtresse. J’eus ma maison incendiée et pillée et la totalité de mes revenus annulés. – Cachée deux ans après, je me vis heureusement dégagée des quatre gendarmes qui me gardoient à la campagne et devoient me conduire à la Conciergerie le jour même de la chutte du Tiran Roberspierre. Malheureusement il ne tomba pas assés tôt pour que son odieuse puissance ne m’ait coûté la vie d’une sœur chérie [Madame Auguié, qui, devenue folle, se suicida] et celle d’un beau-frère qui laissa une autre de mes sœurs et cinq enfans sans pain »… Elle se décida alors à « former un grand Etablissement d’Education qui put pour le moins supléer à la destruction des monastères. Je choisis la ville de St Germain, pour me tenir éloigné du centre des intrigues, des plaisirs licencieux de ce temps, et du siege d’un gouvernement qui ne pouvoit être ni estimé ni aimé. Mes succès passèrent mes espérances. Au bout de 6 mois 60 élèves, au bout d’une année 80 et enfin 125, ma fortune indépendante ! due à mon seul travail étoit faite sans la rupture du traité d’Amiens », provoquant le départ des Anglaises et d’autres élèves ; mais d’autres étaient annoncées d’Amérique, de Berlin, de Calcutta. Alors des êtres jaloux, notamment « les anciens partisans des cloîtres », se répandirent en calomnies… « Enfin la renommée de mon établissement m’attira la fille et la nièce de Me de Beauharnois qui alors ne connaissoit pas le général Bonaparte. Un an après elle le connut et l’épousa, il fit venir sa dernière sœur Caroline […] et me la confia, ainsi que la nièce de sa nouvelle épouse, Mlle Stéphanie de Beauharnois, toutes ces élèves entrées chez moi du plein gré de leurs parens, sans intrigue, sans sollicitation de ma part » ; plusieurs sont montées sur des trônes : « je pouvois les suivre dans leurs palais, je le refusai, je restai dévouée pour le reste de mes jours à l’instruction publique ». La poursuite de la guerre menaçant sa maison de faillite, elle se décida à la quitter « pour prendre la direction d’Écouen […] j’éprouvai mille peines pour le choix des Dames, et la sévère conscience m’ordonnant impérieusement d’en faire remercier plusieurs, je me brouillai avec mon grand chancelier qui seul avoit eu le droit de nomination accordé par l’Empereur. – Je fis de mon mieux à Écouen, on craignit que mon nom d’Institutrice estimée en Europe n’attirât trop la confiance particulière sur la seule maison d’Écouen, et le Ministre et les membres des Bureaux de la Légion la sacrifièrent à la nouvelle maison de St Denis. Voilà ma triste histoire »… Le Roi lui a conservé sa pension, et elle vit « paisible et solitaire à Mantes ». Sa chère élève devra elle aussi « suporter des peines et des injustices » ; elle-même a été calomniée dans « un infâme libelle » par un misérable, mais a été défendue au tribunal par le comte de Lally et l’avocat du Roi…Ancienne collection Patrice Hennessy (6-7 mai 1958, n° 105).
Partager