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les collections aristophil
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APOLLINAIRE GUILLAUME (1880-1918)
Choses et gens de Courlande,
manuscrit autographe
S.l., [1918]. 10 pages in-4 montées sur onglets sur feuillets de
papier vélin, avec transcription en regard. Bradel demi-veau
rose, dos titré (Lavaux).
5 000 / 7 000 €
Manuscrit et notes préparatoires pour son article Choses et gens
de Courlande (L’Europe Nouvelle, 1
er
juin 1918) ; deux pages de cet
ensemble sont écrites sur une enveloppe du Mercure de France
adressée à Guillaume Apollinaire (cachet postal du 18 mars 1918), et
deux autres sur une bande d’adresse de la Nation Tchèque. Apol-
linaire présente la situation : « La Courlande est de nouveau érigée
en duché et la diète de Courlande a offert la couronne ducale à
Guillaume II. Voilà un fait. Les autres faits n’importent guère. Que la
diète de Mitau se soit réunie par ordre et que les députés en aient
été triés sur le volet pour des fi ns allemandes. La chose importe peu.
Il n’importe pas non plus que Guillaume II ait refusé cette couronne
ducale du moment qu’un de ses hommes-lige l’acceptera. On sait
que si la population de la Courlande est en majeure partie lettonne,
la noblesse est allemande et que la Courlande est considérée par ces
nobles comme une province irrédente ». Suivent des notes d’après les
Souvenirs de la duchesse de Dino, Courlandaise d’origine qui devint,
par alliance, nièce de Talleyrand. Apollinaire recueille des détails sur
l’ascendance de la duchesse et sur le sort de sa famille lors du dernier
partage de la Pologne, ainsi que sur leur château, dont une partie
était devenue hôpital militaire et une autre le logis de Louis XVIII, et
sur Mittau, capitale au courant des mouvements intellectuels de toute
l’Europe... Puis il résume ou copie des remarques de la duchesse
sur son voyage en Courlande, en 1806, pour retrouver sa mère après
Iéna : « Elle trouve sur sa route un bon accueil des anciens sujets des
Duc de Courlande. Cependant ces contrées, déjà couvertes de neige,
me paraissaient bien tristes. [...] La manière dont ils se jetaient à mes
genoux, dans la neige, pour me baiser les pieds, m’était odieuse. Je
souffrais j’étais humiliée de tant d’abjection ».
Il décrit le séjour de la duchesse chez un oncle maternel, dans un
grand château du nord où étaient réunis depuis un mois cinquante
gentilshommes avec tous leurs gens et leurs chevaux « pour chasser
l’élan et faire 8 ou 10 repas par jour. Je n’ai jamais vu autant et si
souvent manger qu’en Courlande ; on mange parce qu’on a faim,
on mange parce qu’on s’ennuie, on mange parce qu’on a froid,
enfin on mange toujours. Les soins agricoles, la chasse, les courses
en traîneaux, voilà ce qui remplit la vie des hommes. Les femmes
presque toutes jolies, extrêmement ignorantes et très ennuyeuses,
sont d’excellentes ménagères et des mères de famille parfaites. Ma
tante, malgré ses 30 000 livres de rente, surveillait sa cuisine [...] Tout
le luxe est dans l’abondance ; la bonhomie tient lieu de grâces et les
qualités se montrent à nu comme les défauts ».
Apollinaire ajoute encore quelques notes : « Elle écrit en 1822. Voir
l’année de la mort de Talleyrand. – Servage aboli en Courlande en
1817. Allemagne irredenta ».