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remonter la moisissure qui envahit les églises et les chapelles du pays. Elles sont en effet arrivées à diriger les prêtres et non à être
dirigées par eux. […] Les hommes assidus aux offices sont rares et par le phénomène que j’expliquais au commencement, ils sont
d’une mentalité spéciale, ce sont de vieux enfants de chœur. Ils ont le même état de cervelle, les mêmes goûts que les femmes ».
Huysmans vitupère contre ces « dévotionnettes », et les prêtres qui « sont devenus nigauds. Ils ont fait du catholicisme on ne sait
quoi, ils ont dénaturé la religion, en la sucrant. C’est la pâtisserie de la piété, et quelle pâtisserie ! […] L’Église a tout perdu le jour
où elle a perdu le peuple et si elle ne revient pas à la pratique qu’elle a complètement oubliée des Évangiles, j’ai bien peur que ce
ne soit pour jamais. Le peuple est simpliste. Il ne voit le prêtre que dans trois cas, le baptême, le mariage et l’enterrement, et on
le carotte ! Il constate que lorsqu’il s’approche de Dieu, c’est comme lorsqu’il entre dans une boutique, il faut payer ». Le peuple
voit le prêtre comme « un homme d’affaires […] un simple bonhomme qui, l’heure venue, ferme sa boutique et s’en va dîner. […]
Dans le temps jadis, j’ai écrit une nouvelle,
À vau l’eau
, l’histoire d’un célibataire en quête d’un restaurant possible, j’ai parfois
rêvé d’écrire un M. F
olantin
à la recherche d’un restaurant spirituel possible, d’un confesseur ».
Huysmans évoque ses souvenirs personnels de confessions où il a eu la sensation d’être devant un saint. Mais ces prêtres-
là sont rares. Il y a les prêtres implacables qui rendent la confession pénible, et même odieuse, les confesseurs qui « écoutent
indolemment, ne voyant d’ailleurs qu’un seul péché qui compte, le péché de chair. Celui-là excepté, les autres ne comptent plus.
[…] Quelle aberration et comme ces idées sont loin de N.S. qui a surtout honni les hypocrites, les médisants, qui a été si doux pour
la Madeleine, si dur pour les Pharisiens ! Et personne n’échappe à l’emprise de cette illusion, prêtres et fidèles. Moi-même qui en
parle, je suis, le premier, victime de ce mirage religieux dont je me rends pourtant compte ». Si l’œuvre de chair est grave parce
qu’elle détourne de la religion et du devoir, elle est surtout « la pierre d’achoppement des jeunes. Une fois que le jeune homme a
goûté de la femme, il se confesse une fois, deux fois, et comme c’est toujours à recommencer, il lâche tout ». Huysmans insiste sur
l’aberration de la religion qui absout un libertin qui se confesse, et ne peut absoudre un homme qui vit avec une femme honnête
qu’il ne peut épouser. « Il n’y a pas à le nier, il faudra bien que l’Église plie sur certains points, se rende compte de l’aberration
de ses systèmes, si elle veut garder des adhérents. La théologie n’est pas l’Évangile ; elle est une science purement humaine
inventée de toutes pièces, n’en déplaise aux sectaires du catholicisme. Jésus n’a jamais émis des théories pareilles. Et la question
est plus grave encore lorsqu’elle touche à ce que l’on appelle “les fraudes conjugales” ». Huysmans pose le problème du nombre
d’enfants, des subterfuges contraceptifs, de la continence masculine : « Ici encore, la théologie se dresse tout d’une pièce, se révèle
implacable, et c’est grâce à elle que tant de familles chrétiennes quittent l’Église ou sont rejetées par Elle ».
Huysmans s’insurge aussi contre le principe de la fréquente communion, recommandée par les Jésuites au contraire des
Jansénistes. : « Il est bien rare, hélas ! que les résultats de ce gavage panifuge soient heureux. Les gens qui communient tous les
jours, valent-ils mieux que les autres ? Il est permis d’en douter. Ils finissent par en faire une habitude, par avaler l’hostie, comme
ils avalent, le matin, leur café ». Cela lui parait un abus, tout comme la dévotion au Sacré-Cœur : « D’abord, il ne s’agit pas d’un
viscère, mais bien du symbole que représente ce viscère dans d’immondes statues et de creuses images religieuses, l’amour. Puis,
si l’on songe au moment où le Christ apparut à Marie Alacoque, si l’on sonde ses paroles, il semble bien que cette dévotion
s’explique, a, en tout cas, sa raison d’être ». Si le Moyen Âge a tenu les hommes par la peur, riches et pauvres, la dévotion au Sacré-
Cœur « est un rappel de la Rédemption, un symbole du Bon Pasteur. »
Fermement catholique, mais anticlérical, Huysmans s’en prend au désir de domination de l’Église : « Je voudrais une chose
bien simple, la liberté pour tous, mécréants et fidèles, mais personne n’accepte plus ces idées, pas plus les francs-maçons que les
catholiques. Le besoin d’opprimer les autres est à l’état d’endémie, dans tous les camps. […] Et malheureusement, cette ambition
de régenter l’univers ne s’est jamais éteinte au Vatican. L’infaillibilité papale promulguée, malgré les efforts de ce que le parti
catholique contenait de gens intelligents, aimant la liberté, les Dupanloup, les Gratry, les Darboy, les de Broglie, les Cochin, les
Montalembert, en est une preuve ». La formule « “Mon royaume n’est pas de ce monde” n’est point malheureusement la devise
accréditée de Rome, pas plus que la pauvreté si chère, si vantée par le Christ. Lui, eut une robe de pourpre, en dérision, les
cardinaux ne la portent pas précisément pour ce motif... […] Oui, certainement, il faut un maître, il faut un pape. En dehors même
des Écritures qui l’enseignent, le bon sens l’affirme. Car autrement c’est la débandade, c’est le protestantisme avec ses croyances
variées, qui n’en sont plus. Du moment que chacun est libre d’interpréter la Bible à la fantaisie et de se former des dogmes à son
usage, c’est le tohu-bohu, l’insécurité, c’est l’erreur et le mensonge ». Mais il faut restreindre son pouvoir. Et il conclut : « Le
catholicisme en France se meurt de n’avoir pas de saints. Ah ! ce ne sont pas les conférences, les discours du Sillon, qui changeront
le monde. Tout cela est sans issue sur le peuple et se passe dans un placard. Ce sont des mots et du vent... Le peuple ne croit
qu’à ce qu’il voit et à l’exemple ». Et Huysmans de citer pour finir « un exemple typique, celui de ce saint homme que fut le père
C
hevrier
, à Lyon. ».
82.
Max JACOB
(1876-1944). L.A.S. « Max », Saint-Benoît-Sur-Loire 25 avril 1925, [à Giovanni L
éonardi
] ; 2 pages petit
in-4.
250/300
Il va envoyer à A
ynaud
trois gouaches dès qu’il les aura achevées. « J’ai bien des remords quand je pense à toi : tu n’es pas
riche et je devrais trouver un moyen de t’aider – bien qu’on me dise que tu te débrouilles très bien […]
Je veux
,
j’exige
que tu me
dises carrément un jour bientôt : “Max ! Je suis embêté, envoie moi deux cents francs ou trois cents !” et moi je t’enverrai comme
je pourrai à ce moment. Il faut que cela soit ainsi entre nous car tu as été ainsi avec moi autrefois ». Il économise pour aller à Rome
pour le Jubilé, et c’est le moment de lui demander de l’argent… Il ajoute : « C
ingria
est ici. Il me dit que tu voudrais avoir toujours
une ou deux gouaches de moi à vendre ! Et j’ai L
evel
qui me prend presque tout ! ».