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Il relate alors « une aventure qui me valut les faveurs d’une des plus jolies femmes de Paris », Mme B., « jeune et charmante
femme », épouse d’un fermier général de 75 ans, et sœur de la célèbre Madame H. et L. ». Elle l’avait remarqué à la pension, « non
pas assurément que ma figure mérita cette attention ; la petite vérole a détruit chez moi tous les dons extérieurs de la nature ; mais
je ne sçais quoi de piquant et de singulier, dans ma phisionomie, m’a toujours attiré des regards, dont mon amour propre se seroit
souvent bien passé ». Il s’étonne cependant « qu’une très jolie femme de vingt quatre ans, environnée d’une cour nombreuse, se
donna la peine d’agaçer un écolier de dix sept ans. […] Madame B. venoit me chercher tous les jours, et j’étois de toutes ses parties.
[…] Jamais cependant une aussi flatteuse conquête n’avoit excité mes désirs. Madame B. belle et jolie, régulière et piquante, grande,
faite à peindre, possédoit également les beautés d’une figure noble et régulière, et les attraits d’une phisionomie étincelante et
voluptueuse ». Mirabeau raconte son entreprise de séduction : « je jouai avec beaucoup de vérité l’amour timide ; quoiqu’au fonds
je ne fûsse ni
amoureux
, ni
timide
. Je plaignis avec attendrissement le cruel esclavage, sous lequel on gémissoit ; j’admirai
la vertu
,
la patience
,
la douceur
, d’une femme qui
n’étoit ni douce, ni vertueuse, ni patiente
. Nous étions devant une glace, et j’observois les
impressions que faisoient mes tendres flatteries. [...] Je baisois cependant tendrement une main qu’on ne retiroit pas. Madame B.
voulut s’asseoir, et je ne quittai pas cette main ; mais la mienne, en suivant
maladroitement
le mouvement de madame B. s’arrêta
fort
adroitement
sur une gorge formée des mains de l’amour... Alors la violence du désir m’emporta de bonne foi. Je ne voulus
point être entreprenant, mais je le fus, renverser Madame B., la vaincre, et jouir d’elle, se succédèrent si rapidement, qu’elle eût
été fort embarassée pour se défendre, si tel eût été son projet. Mais elle me prouva bientôt qu’elle avoit vû arriver l’instant de sa
déffaite, sans vouloir retarder ma victoire. […] Madame B. me prouva bientôt qu’elle partageoit tous mes plaisirs »... Mais Mirabeau
accroche par mégarde le cordon de la sonnette, et la femme de chambre interrompt ces ébats « dans la position du monde la moins
équivoque »… Il raconte également une partie de campagne dans « une maison enchantée » à Bercy : « Là, pour la première fois, je
pus passer des nuits dans les bras de ma divinité. Là s’ouvrit une nouvelle carrière à mes plaisirs. Que de beautés ! quel corps ! que
de volupté ! que je m’ennivrai de mon bonheur. Fougueux, emporté en amour, je n’avois connu jusqu’alors de jouissance que la
jouissance elle même. Ces caresses ravissantes qui la précèdent, et l’emportent peut-être sur elle, me sembloient une perte de tems.
Je désirois toujours, et je me satisfaisois sans cesse. Madame B. avoit un tempéramment ardent, mais presqu’autant de volupté. Elle
m’initia bientôt dans ses plus doux mystères, et m’apprit à ajouter beaucoup à mes plaisirs, en n’accordant pas tout à mes désirs »…
Autres exploits lors d’un nouveau séjour à Bercy : « Huit fois j’offris mon hommage à l’amour ; et ma fervente maitresse surpassa
de beaucoup mes vœux et mes offrandes »…
Mirabeau quitte alors la pension de l’abbé Choquard pour Saintes, où il doit rejoindre un régiment. Lors du voyage en
carrosse, malgré la surveillance du domestique G. [G
révin
], chargé par son père de l’espionner, il réussit à séduire une jolie
Baronne allemande. Il arrive à son régiment à Saintes, sous les ordres du marquis de L
ambert
, « un des
faiseurs de riens
à la mode
[...] J’apperçus encore, avec un véritable chagrin, que mon père selon une louable coutume particulière à lui, et qui ne s’est jamais
démentie, avait inspiré à M. de Lambert les préventions les plus sérieuses sur mon compte [...] C’étoit une méthode infaillible pour
me perdre ; car ma tête bouillante, qui n’a jamais pu tolérer l’injustice et le despotisme, devoit se révolter »... Après un bref séjour
en prison, Mirabeau peut se livrer à de nouvelles conquêtes féminines : « Le plus étonnant effet de l’imagination, est selon moi
la disposition de l’homme aux plaisirs de l’amour. Sans parler des excès dont il est capable, il est certain que les plaisirs habituels
d’un homme ordinaire épuiseroient tout autre être plus vigoureusement constitué qu’aucun individu de notre espèce ; mais
dépourvu de ce foyer embrasé que nous avons appelé
imagination
. Jamais on n’en reçut de la nature une plus enflammable que la
mienne, et mes sens lui obéissoient avec facilité, surtout alors. Rose n’avoit que quinze ans, et madame de Br. était une des femmes
les plus ardentes que j’aye jamais trouvée »... Une de ces aventures lui vaut de se battre en duel avec un officier. Peu après il fait
la rencontre de Mme de Se., puis de la jeune Adélaïde, et il raconte avec bien des détails piquants ces aventures, menées de front,
et ses prouesses galantes… Le manuscrit s’arrête lors du récit de son aventure avec Madame de la T.D.P. [L
a
T
our
du
P
in
], « une
des femmes de ce siècle que le débordement de ses mœurs a rendu la plus célèbre, dans la classe des femmes perdues [...] J’étois
bien aise d’éprouver ce que l’expérience pouvoit ajouter de plaisir au phisique de l’amour. [...] Un jour qu’elle m’ennuyait d’une
dissertation sur le sentiment, (c’étoit son sujet favori) :
Ma foi
, lui dis-je,
Madame la marquise, je ne suis pas grand métaphisicien,
et la phisique expérimentale est plus analogue à mes talens et à mes gouts
. [...] Je lui plaçai vivement la main, de manière qu’elle ne
pût pas douter que je ne lui en imposois pas... Cette démonstration n’étoit pas faite pour laisser de sang froid une telle femme, et
bientôt les
expériences
firent en effet place aux
raisonnemens
 ».
115.
Marie-Geneviève de Vassan, marquise de MIRABEAU
(1725-1794) mère du grand orateur. L.A.S., 29 juin 1784,
à
son
fils
, le comte de M
irabeau
 ; 3 pages et demie in-8, adresse, cachet cire rouge (brisé).
700/800
T
rès
violente
lettre
contre
son
fils
. Elle l’accuse d’avoir tenu lui-même les propos à Mme de Saint-Ouen, qu’il attribue à un
homme d’honneur, plus honnête que lui. « Vous mavez dit a moi que la femme dun homme dont vous devriez baissé les pas estoit
folle de vous et quelle vouloit toujours vous avoir aupres delle mais que vous ne vouliez pas nous brouillée avec nos amis [...] je vous
croit capable de tout dapres vos propos et votre conduite, oui monsieur vous lavez dit a Mde de St Ouen et vous lui avez dit aussi des
horreurs de Md. de Monier [Sophie M
onnier
] quelle couchoit avec le confesseur de la maison et le chirugien pour vous excuser de
lavoir abandonné et de lavoir perdue et reduitte a douze cent livres de rante pour excuser votre conduite envers elle, dailleurs vous
vous este tout permis même les amis de vos sœurs ayant dit a m de St Ouen que vous aviez couché avec elle »... Mirabeau l’accuse
d’emprunter de l’argent, mais elle ne l’a fait que pour lui, ses amies pourront en témoigner. Elle exige la destruction de l’acte qu’il a
fait faire en son nom à elle. « Dieu me vangera de vos attrocittes je ne vous connois de ma vie et je vous donne ma malédiction dont
vous este bien digne. Allez fils ingrat et pervers vous ne trouverez pas un pouce de terre a reposer vos pieds vous este incapable de
faire du bien et le mal que vous ditte servira deloge. Vous navez ni foi ni loi ni religion ni parolle et chaque mot prononcez par vous
est un mensonge, vous este un monstre [...] votre malheureuse mere gemit de vous avoir donné le jour »...