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sublime bienfaiteur de l’humanité »…
31 décembre
, envoyant quand même ses
doléances « pour que tu me juges tel que je suis et que tu voies combien je puis
être égoïste et insupportable »…
1906
.
Paris
21 janvier
, racontant la fin de sa liaison avec Bob, pour laquelle il
n’a que mépris : « Depuis deux ans, elle n’a cessé de mentir et de dissimuler.
[…] Ce chapitre de ma vie est achevé. […] Il faudra bien que je songe à
recommencer ma vie. Il m’est impossible de rester seul. Ne connaîtrais-tu pas
une Argovienne qui voudrait bien d’un monsieur vieux, laid, malade, sale,
brutal, lubrique, lâche et avare ? »…
28 janvier
. Hermann le supplie de venir
à Aarau, et il ira. « Je me réserve de nouveaux chagrins, car il faudra bien
vous quitter, n’est-ce pas ? Et puis le spectacle de votre bonheur conjugal me
fera d’autant plus souffrir de ma solitude. Mais tant pis ! Si tu crois que ma
présence peut t’égayer un peu, je me sacrifierai, petite égoïste. Moi, partout où
je me tourne, je ne puis récolter que de la souffrance »… Sa soirée, la veille,
au Bal Tabarin, l’a fait penser pour la première fois au suicide. « Ah ! mon
Dieu, Clairette, si tu savais tout ce qu’un homme met de rêve sous un visage
de femme ! »…
30 janvier
, réflexions amères sur son mariage, sa femme, et
la fidélité « que depuis bien longtemps – oh ! bien avant ton arrivée – elle
n’observait plus. […] Bob me haïssait ». Elle est folle et raconte « que je lui avais
demandé de l’appeler Clairette dans l’intimité »…
2 février
, confidences sur
Bob, son amant Lucien Vallée, et la conduite de cette « détraquée » : « N’est-
elle pas allée jusqu’à raconter qu’elle m’avait surpris avec Hélène Berthelot, et
une autre fois avec Mme Fort, en posture galante dans mon bureau ? »…
11
février
, il est soulagé d’avoir « liquidé la situation » avec Bob, « quoique j’aie
encore des crises atroces de désespoir »…
[14 février]
. Il espère rester à Aarau
une semaine, s’il n’est pas rappelé à Paris pour faire une traduction des
Joyeuses
Commères de Windsor
pour le Théâtre Antoine…
11 mars
, récit de sa soirée
« aux Lilas, où Paul Fort était déjà saoul et où Moréas parlait beaucoup pour
ne rien dire »… Il va changer de milieu : « Jeudi je dîne chez le philologue
Michel Bréal, de l’Institut, en compagnie du musicien Cortot. Je vais
bientôt faire la connaissance d’Anatole France »…
12 mars
, visite de son ami
le poète Francis Vielé-Griffin, et visite à Paul Fort, « qui me dit que
Vers et
Prose
marchent mal et qui réclame de l’argent, le monstre » »…
13 mars :
« Que
te raconter, sinon que je pense toujours à toi, jolie fleur ? Et que je pense
presque
autant […] au bon ami Hermann, grâce à qui j’ai connu ces deux semaines
de calme et de bonheur à Aarau ? Je vois encore tes petites attitudes lasses sur
le divan, et j’entends ton ronronnement. Ou bien je me plais à rappeler ton
geste gracieux et penché quand tu guettais tes amis les oiseaux »…
14 mars
,
amusante relation d’une soirée avec Moréas, « un grand poète »…
15 mars
,
contemplation des photos de Claire, supplice de Tantale qui lui donne envie
d’accourir à Aarau avec une paire de chaussettes et une chemise de nuit…
20
mars
, questions d’Hélène Berthelot : « Hélène m’a demandé, si tu m’aimais
bien. J’ai répondu que je ne croyais pas que tu t’attachais beaucoup aux gens,
et que ma seule prétention était de te distraire un peu. Or, au contraire, je suis
bien sûr de ta précieuse amitié. Je ne cache à personne que je t’admire, mais je
ne parle de toi qu’aux Gillet et aux Hérold »…
21 mars
, à son prochain séjour
à Aarau, il tâchera de « résister au plaisir d’être ton trop heureux esclave » :
matinées travailleuses, promenades... « Si tu t’ennuies, je te donnerai des vers
à recopier. Oh ! alors tu t’endormiras sûrement ! »… Réflexions envieuses sur
le bonheur d’Hermann…
29 mars :
« Je suis si content à l’idée de te revoir, que
j’en suis tout muet, et que je ne sais pas que te dire. Je parie que je serai tout
baba devant toi samedi […]. J’ai une envie folle de t’embrasser bien fort. J’ai
également une envie folle de te tenir sur mes genoux pendant qu’Hermann
jouera du Schumann. C’est de beaucoup la manière la plus agréable d’entendre
Schumann »…
10 mai :
« Je t’imagine ce matin à ton piano, et le joli mouvement
de tes yeux quand tu déchiffres ta musique. Hermann comprendra combien
je regrette de ne plus pouvoir te surprendre chaque matin à ce moment, et de
recevoir ton “bonjour, Papa” en même temps qu’un bon baiser »…
22 mai :
« Pas de nouvelles d’Hermann, depuis une lettre qui exprime pour toi la plus
grande affection et où il manifeste son intention d’aller te voir à Forest. Je lui
ai dit de venir ici, seul ou avec toi, selon le résultat de votre entrevue. Je ne
saurais assez te répéter ce que je t’ai toujours dit : réfléchis longuement sur ta
décision »… Il parle des Bréal, des Berthelot et de Fort, de démarches qu’il
va faire en faveur de Gillet, du comité pour un moment à Bernard Lazare,
« un ami de collège qui est mort jeune et qui, à lui tout seul, a mis en branle
toute l’affaire Dreyfus »…
Interlaken
7 juillet
. Longue lettre de conseils pour
la procédure de divorce. Il insiste beaucoup pour qu’elle ne demande pas trop :
« Hermann a raison : lui seul peut demander le divorce, et lui s’opposant,
tu ne pourrais l’obtenir. Il n’y a aucune raison pour douter de la bonne foi
d’Hermann. […] Hermann est un parfaitement honnête homme, et Dieu
sait si je suis malheureux de ne pouvoir lui dire que je t’épouserai. Mais une
telle confidence servirait d’arme à sa mère. C’est elle qu’il faut craindre avant
tout »… Il écarte tout motif cupide de la décision de Claire : « tu ne l’aimais
pas, et je crois que tu ne l’as jamais aimé. Ce mariage a été un malheur sans
nom. La perfidie la plus basse de Bob a été de ne me quitter qu’après qu’il eut
été accompli, car elle savait assez que je t’aimais ! »…
Grindelwald 28 juillet
 :
il ne se rendra pas au rendez-vous que lui propose Hermann ; en attendant de
la retrouver, il a des « imaginations » bizarres…
8 août
, il hésite à se rendre
à Forest : « Les voisins de Forest seraient capables de me recevoir à coups de
carabine »…
1907
.
Paris 1
er
avril
 : nuit affreuse : « oppression, étouffements, sifflements,
toute la lyre »… Au matin, il va mieux après « la lettre de mon petit boustrinch
en sucre, de mon rollmops du paradis »…
6 juin
. Paris est une « potinnière !
Marguerite Hérold est allée l’autre jour chez Mme Hirsch, et il paraît
qu’on parlait de nous – oui, de nous, et Hélène y était. Or voici ce qu’on
racontait : que je t’avais enlevée, que nous avions passé l’hiver ensemble et
que tu divorçais »… Réflexion faite, il s’est tracé une ligne de conduite : « il
faut prendre une attitude absolument franche »…
Vevey
3 août
. Il s’occupe
de trouver quelque trace de sa naissance à Hampstead…
13 août
, rencontre
inopinée de Jeanne Jacquemin à Vevey, avec détails sur la « petite réputation »
de la pastelliste, femme du peintre Lauzet. Après son veuvage, « Jacquemin
s’amusa à s’afficher avec Georgette Leblanc. On les voyait partout enlacées et
se conduisant vraiment comme deux amoureuses »… Piquants détails sur les
prétendues conséquences de sa guérison de la morphine…
19 août :
« Je ne sais
pas pourquoi j’ai une envie folle de te gratter tout le corps, puis de l’embrasser
pour faire partir les marques »… Etc.
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