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changer dans ce bas monde ». Si on interdit les journaux français, il reprendra ceux de « la dernière exposition.
J’habillerai la religion en figure de la liberté, jemettrai une cocarde tricolore à tousmes héros, et j’aurai lu tout ce qu’on
aura pu dire. À propos de cocarde, est-ce qu’on est aussi bête après les grandes journées que pendant la restauration ?
Est-ce qu’on aurait empêché d’exposer ma bataille de Fontenoy par la même raison qu’on refusait Jemmappe ? S’il en
est ainsi, vous avouerez qu’il y a pusillanimité, et qu’on pourrait appliquer à ceux qui déblatéraient si fort contre une
mesure absurde, tout ce qu’ils disaient de juste lorsqu’elle me fut imposée. Quant à moi je ne regrette qu’une seule
chose, c’est que mon ouvrage le plus important ne soit pas livré au jugement de la masse en passant par les mains du
public. Les leçons qu’elle donne sont aussi bonnes pour les peintres que pour les rois. C’est à la multitude qu’il faut
livrer les œuvres si on veut échapper à la banalité des compliments ou éviter de se tromper sur les critiques qui ne
sont souvent acerbes que parce qu’elles expriment un sentiment personnel. Le Roi n’aura sans doute pas été consulté.
Je l’espère au moins »… Il aimerait venir au Salon, mais il est prisonnier de Rome, où les Français « sont plus mal
vus que jamais. Pour être toléré il faudrait dire et faire comme le groupe de mécontents qui a fui la patrie pour venir
organiser un Coblentz apostolique » ; il a donc renoncé au monde : « Pour toute distraction, lorsque parfois je quitte
mon atelier, je vais me cacher dans les forêts », comme celle entre Albano et Netuno, où il voudrait vivre comme
un sauvage… Les travaux des pensionnaires de l’Académie de Rome vont bientôt être envoyés pour arriver avant
la fin du Salon : « Il serait essentiel que plusieurs des ouvrages y fussent exposés […] il s’agirait que vous voulussiez
presser l’exposition de l’école des beaux arts afin que les tableaux et la sculpture puissent jouir quelques instants des
honneurs du Louvre »… Il espère que les efforts de l’année seront appréciés : « Véritablement il est impossible de
trouver autant d’hommes réunis qui soient mus par un meilleur esprit, c’est à qui produira le plus et le mieux sans
qu’aucune idée de rivalité vienne gâter la noble émulation qui les anime »… Il évoque leur attitude réservée pendant
la révolution de Juillet, pour ne pas blesser les Italiens…Etc.
58.
Ennio-QuirinoVISCONTI
(1751-1818) archéologue italien. L.A.S., Paris 21 février 1812, àMonseigneur ;
3 pages in-fol.
300/400
Longue lettre sur l’authenticité de la statue de Pompée de la collection Spada.
« On prétend que la Statue de Pompée, placée maintenant dans le palais du Prince Spada, présente des attributs si
peu equivoques de la puissance souveraine, qu’il est impossible de la reconnoitre comme un monument du rival de
César. Lorsque j’eus l’honneur d’exposer à Votre Excellence les motifs
qui me faisoient envisager cette figure comme une statue authentique
de Pompée, je ne devois pas craindre cette objection ; puisque je
supposois qu’on n’auroit tiré d’inductions, pour ou contre l’opinion
énoncée, que de ce qui existe d’antique dans ce monument : et j’avais
observé que plusieurs restaurations mal faites le dégradoient. Une de
ces restaurations est ce globe qu’on a placé dans la main gauche de la
figure. Ce seroit sans doute, tel qu’il est, un symbole de monarchie
qui ne conviendroit pas à Pompée, personnage revetu, il est vrai, de la
plus grande puissance ordinaire et extraordinaire dans la République,
mais qui garda toujours l’apparence d’un simple magistrat de Rome.
Le symbole dont il s’agit n’est pas antique. Si le mouvement du bras
gauche et la disposition des parties antiques qui l’avoisinent peuvent
faire supposer que la figure portoit quelque chose dans la main, je suis
persuadé qu’elle portrait une petite statue de la Victoire faisant allusion
aux conquêtes et aux triomphes de ce grand homme. Mais ce globe
tout simple, vrai symbole de monarchie, n’est que le produit d’une
restauration moderne mal dirigée ; et par conséquent il ne sauroit
être pris en considération dans le cours d’une discussion critique
sur l’authenticité et le sujet d’un monument. L’épée suspendue au
baudrier qui descend de l’épaule gauche au flanc droit de cette figure ;
et la chlamyde qui de ce même coté est relevée sur l’épaule, sont des
accessoires qui conviennent aux statues des guerriers et des héros : et
on a vu que cette figure de Pompée est dans le genre héroïque »…