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
.
Louis-Bertrand CASTEL
(1688-1757) savant jésuite. L.A.S., vendredi soir [printemps-été 1735], à
M
ONTESQUIEU
; 4 pages in-8 remplies d’une petite écriture. [CM 420]
. ⁄ .
I
MPORTANTE LETTRE SUR SES RECHERCHES SUR L
OPTIQUE DES COULEURS ET SUR SON CLAVECIN OCULAIRE
. [Le père
Castel préparait la publication, dans les
Mémoires de Trévoux
, d’août à décembre, de ses
Nouvelles expériences
d’optique et d’acoustique
, sous la forme de six lettres adressées à Montesquieu.]
Il attend les objections de Montesquieu : « Un art nouveau, une science nouvelle ne s’établiront jamais sans coup
ferir, je le sens bien. Vous ne goutés pas mes raisons morales, j’ai tort, je les supprime d’un trait de plume […] Pour
ce qui est des experiences de M. N
EWTON
, je vous prie de croire que je ne les ai qu’effleurées dans tout ce que vous
avez vu.
In cauda venenum
, attendés la fin s’il vous plait. Mais en attendant je vous prie de remarquer que, soit que
son systeme soit vrai soit qu’il soit faux, cela ne fait rien à mon affaire, et que c’est encore par surabondance de droit
que j’en parle. […] Son affaire est une speculation purement inutile pour la pratique. Que les couleurs des
teinturiers donnent des rayons purs ou impurs que m’importe ? Il ne s’agit pas des rayons, il s’agit des couleurs
radicalement prises en elles memes et de leur simple perception soit que cette perception se fasse par des rayons ou
par des especes ». Il n’a cité Newton que pour « refuter le bruit qu’on a affecté de repandre que j’avois travaillé dans
son gout et d’après son systeme. Il n’est pour rien dans mon travail »… Il admet avec Montesquieu « que le noir est
une privation de couleur. […] Il faut toutes les couleurs pour faire du noir quoiqu’il ne soit qu’une privation de
couleur […] le blanc n’en est pas moins une privation de couleurs. […] Toute mon affaire presente se reduit à une
comparaison pratique de la musique ordinaire prise dans toute son étendüe et dans toute sa profondeur avec les
couleurs, ou plutot dans létablissement d’une musique nouvelle de couleurs, parallèlement à l’ancienne musique des
sons ». Il regrette que, pour la plupart des musiciens, la musique est « non une science ni meme un art, mais un
métier sur lequel on ne se pique d’avoir que du sentiment et peut etre uniquement des sensations, sans
presqu’aucune connoissance d’art et de théorie. […] je n’ai encore vu que R
AMEAU
seul qui soit un peu au fait de
quelque raisonement en ce point. Or je ne puis demontrer ma nouvelle musique que par le métier, par l’art ou par
la science, c’est à dire par la sensation, la fabrique ou le raisonnement. Je ne le puis par la sensation que lorsque tout
sera fait et parfait et qu’on aura eu le tems de s’y rendre sensible. La fabrique n’est connue que des luthiers et
facteurs qui encore ignorent bien des choses, et pour la mienne encore faut il etre peintre et teinturier. […] Que faire ?
je n’en sais rien si ce n’est achever mon ouvrage, prendre patience, et me consoler de l’événement Peut etre quelqu’un
aura le sentiment assez fin pour sentir cette harmonie dès qu’elle paroitra, en attendant la diversité des couleurs
amusera comme on s’amuse à jouailler sur un clavecin sans en savoir jouer. Le bruit, le mouvement, la diversité
amusent toujours. Rien de cela ne manquera à mon nouveau clavecin, parce que je suis absolument résolu d’y
joindre un petit clavecin ordinaire. L’oreille aidera à l’œil, et les deux sens réunis rempliront une partie de l’attente.
Mais tout le monde goute la musique, me dit on, sans etre musicien. Et moi je reponds que tout le monde en
France, en Europe est musicien. Nous naissons au milieu du chant, nous entendons partout du chant, et sans cesse
nous chantons aussi. […] Tout ce que je demande donc ce n’est pas qu’on sente tout d’un coup la beauté de ma
musique chromatique, mais seulement qu’on sente que c’est de la musique. […] Enfin mes couleurs sont faites, et
la machine avance doucement »...
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