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Handschriften & Archivalia
312 — (Manuscrit biographique, Militaria & Histoire) 
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Extraordinaire témoignage
de la Campagne d'Égypte puis d'une longue captivité en Crète par les Turcs ou
"Journal Depuis Le 17 floréal an 6 -époque de mon départ-, jusqu'à mon arrivée
à Marseille Le 1
er
prairial an 9".
"Départ 6 maÿ 1798. 21 maÿ 1801".
In-8° : [2]-72 pp.
Cahier de l'époque : demi-toile, papier décoré (dos abîmé et dérelié -joint-, coupes fort frottées).
Est.
 : 
500/ 600 €
Incroyable relation
de quelques années de la vie d'un
Français
parti en frégate pour la
Méditerranée en tant que secrétaire d'un commissaire de guerre (la destination et le but
final de la
Campagne d'Égypte
avaient été gardés secrets pour éviter toute fuite vers
les espions anglais). Après la Corse où le général Vaubois rejoint la flotte et l'attente des
convois de Civitavecchia (400 bateaux au total), notre homme assiste à la Bataille de
Malte (entrée de Brueys et du Directeur Bonaparte dans le port, attaque de la forteresse,
bombardement de la ville, état de prisonniers maltais et de quelques chevaliers et "ensuite
toute l'Armée débarqua au son de L'artillerie et de la Musique, tous les vaisseaux firent de
suite pavoiser à chaque mât" !). Il prend ensuite la route vers l'Égypte où ont lieu nombre de
combats contre les Bédouins, Mamelouks, Arabes, Turcs au fur et à mesure de l'avancée
des troupes françaises. Après Alexandrie, le désert et Gizeh, les Français arrivent au Caire
où le Cheik leur remet les clés de la ville, témoignant sa "joie [...] d'avoir chassé de leur pays
les Beys et leurs mamelouks qu'ils disaient leurs ennemis, et promirent fidélité aux français"
(p. 12). S'ensuivent les destructions de mosquées, les félonies de part et d'autre, diverses
morts (dont Sulkowskiet) ainsi que les exécutions des meneurs ennemis. Ne participant
pas aux batailles mais montant en grade, notre homme tombe alors malade, démissionne
et décide de rentrer en France par Alexandrie où règne la peste (p. 16).
Avec d'autres Français, dont un certain Giraud, il part sur un vaisseau espagnol mais il prend
l'eau, les obligeant à revenir à Alexandrie bombardée par les Anglais. Presque naufragés
à Rosette, ils sont alors guidés par une caravelle turque vers Chypre où ils sont arrêtés
par des janissaires qui, sous voile espagnole, les font prisonniers. Obligés de travailler
comme marins sous peine de coups de bâton sur les pieds, notre homme et Giraud sont
débarqués à Candie [Héraklion en Crète] et
vendus comme esclaves
pour 100 piastres.
Ils atterrissent à
Lacheronitissa
chez un maître où travaillent aussi une "négresse [...] et
un noir qu'on appeloit Barca aux travaux duquel on m'associa" : conduire les chèvres,
trier du coton, battre du chanvre, garder des moutons en montagne, chercher l'eau à la
fontaine, etc. Cette pauvre existence, lors de laquelle notre homme dort dans l'écurie et
est peu nourri, fait pitié aux Grecs de l'île qui tentent de l'aider mais aussi à quelques
Turcs (dont certains de la famille de son maître). Peu à peu, il apprend le grec et s'habille
à la grecque (cheveux courts, moustaches, turban). Alors qu'il prépare une
évasion
de
l'autre côté de l'île dans un village grec d'où il prendrait une barque pour Smyrne, un firman
[décret] de la Porte annonce que bientôt "une escadre espagnole qui escortoit un convoi de
30.000 hommes français devoit venir dans le courant de l'été pr assiéger l'isle" (p. 38), ce
qui signifie que les Français esclaves pourraient être dangereux en cas de défaite turque
et qu'il faut donc les tuer ou les enchaîner. Mais l'escadre n'accostant pas, la vie d'esclave
reprend. Profitant d'une noce à laquelle se rendent ses maîtres, il improvise le 6 octobre
1800 sa fuite, avec Giraud, par la montagne vers "Esfacha" [Sfakia ?] (p. 44). Fuyant dans
les bois, sans sentier tracé, errant dans les neiges des sommets montagneux, frôlant des
"précipices effroyables", évitant les bêtes sauvages, ils marchent la nuit ou s'attachent de
grosses pierres aux pieds pour ne pas rouler le long de la pente en dormant. Ils évitent
cependant d'être repris malgré plusieurs mauvaises rencontres. Arrivés à Rourelie [= Agia
Roumeli ?], ils sont cachés par un constructeur de navires qui leur donne des noms grecs
(p. 54) et finalement, de cache en cache et de peur en peur, convoitent de partir vers Cerigo
[Cythère] après un mois d'accueil chez ces braves gens dont le beau-frère est consul
français. Le jour du départ, le pavillon russe et turc flottant côte à côte sur la forteresse