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Tableaux anciens - 23 MARS 2012 -
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Grazio COSSALI (Orzinuovi 1563 – Brescia 1629) et atelier
La Madone du Rosaire célébrée par les vainqueurs de la bataille de
Lépante
Toile
240 x 169 cm (Manques). Sans cadre
Provenance :
- collection privée, Midi de la France
- collection privée, Milan
8 000 / 12 000
À l’origine, ce grand tableau ornait très certainement l’autel d’une chapelle pri-
vée d’une église lombarde. Stylistiquement proche de la manière du peintre Luca
Mombello de Brescia, à qui il a été longtemps attribué, ce tableau doit définiti-
vement être rattaché à la production du peintre Grazio Cossali, si l’on en croit le
jugement du professeur Luciano Anelli, le spécialiste du peintre.
Actif entre la fin du XVI
e
siècle et le début du XVII
e
siècle à Brescia, Crémone,
Venise et dans tout le Piémont, Grazio Cossali est réputé pour ses compositions
spectaculaires dans lesquelles il combine la richesse et le sens de l’
horror vacui
du
dernier maniérisme avec le style simplifié de la Réforme Catholique. Un chroma-
tisme typiquement vénitien et précisément lié à la manière de Tintoret ; des images
de dévotion simple et immédiate ; de vastes scènes où s’accumulent les person-
nages religieux et politiques. Il en ressort une sorte de naïveté suave mais toujours
sincère, une expression d’ensemble souvent archaïsante car voulue expressément
par les commanditaires ; une sensibilité toute naturaliste et, au final, un niveau
élevé de qualité. Autant de caractères que le peintre a mis ici au service de l’Église
triomphante.
L’espace de notre tableau se sépare en deux plans nettement identifiés. Dans la par-
tie supérieure, règnent la Vierge et l’Enfant, eux-mêmes entourés de deux anges,
tandis que le monde temporel est représenté par un groupe de personnages age-
nouillés en adoration. Les médiateurs entre le Ciel et la Terre sont saint Dominique
et sainte Catherine de Sienne qui contemplent directement le Christ et la Vierge
couronnée. Parmi les personnages au premier plan, le profil de saint Charles Borro-
mée est immédiatement reconnaissable, à l’extrême gauche. Près de lui, au centre
de la composition, figure un pape et, image construite en symétrie, celle d’un grand
commandant en armure, à sa droite. Un schéma de composition presque identique
à celui d’un autre retable de Grazio Cossali, représentant
Saint Pie V attribue à
la Madone du Rosaire le mérite de la victoire à la bataille de Lépante
(1597) et
conservé dans l’église Santa Croce à Bosco Marengo.
Dans ce retable, on reconnaît saint Dominique et sainte Catherine de Sienne ainsi
qu’un pape agenouillé au premier plan. Les traits du pape du retable de Bosco
Marengo et ceux de notre peinture coïncident : il s’agit bien du pape Pie V Ghis-
lieri (1566-1572). La représentation de la Vierge est identique dans les deux
tableaux, se référant à l’image de la Vierge du Rosaire. En effet, cette iconographie
a été largement exploitée par la Réforme Catholique depuis qu’une bulle de Pie V
-
Consueverunt Romani Pontefices
(17 Septembre 1569) – a renforcé les dévotions
particulières au Rosaire. Mais ce culte s’est renforcé à la suite de la victoire navale
de Lépante (1571), qui est en fait le vrai sujet du tableau. Et pour preuve, il n’y a
qu’à voir derrière le pape, son neveu, le cardinal Michele Bonelli, celui qui a dirigé
personnellement les négociations pour former la Ligue des États chrétiens contre
les Ottomans. Si le roi Philippe II d’Espagne a été représenté comme le grand vain-
queur de Lépante sur le retable de Bosco Marengo, notre tableau a choisi de mettre
en scène Don Juan d’Autriche, l’amiral de la flotte catholique, ainsi consacré aux
côtés de Pie V comme l’ardent défenseur de la Foi.
Nous remercions le professeur Luciano Anelli pour avoir confirmé l’attribution et
suggéré le sujet de ce tableau en examinant la photographie.
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