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18
juillet
1772
: « Je compte estre sous huit jours a Malaca, ville apartenante aux Hollandois, j’atant avec impatiance la relache car c’est la ou commenceront
les affaires d’interés que je doit faire dans mon voiage, il faut ma cher amie qu’en partant de la j’ay au moins pour
10000
# de marchandises de bonne qualité.»
25
août
1772
: « C’est pour cette fois cher Julie qu’il faut crier victoire, par ma fois nous arrivons au moment même, je viens de voir tous les vaissaux de la
rade, nous avons salué de
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coups de canon, toutes la nations nous les ont rendue, c’est une petite guerre qui est agréable a voir (...). L’endroit ou nous somme
ce nome Wampoux, c’est une tres belle rade ou sont les vaissaux de toutes les nations, Englois, Hollandois, Suedois, Danois etc., nous etablissons tous les
voiage une maison sur l’isle Wampoux ou nous metons notre hopital et toute les affaires des vaissaux... »
22
septembre
1772
: « ... Le asard m’ayant mené sur une des montaigne de cette isle je me suis reposé sur un beau tapis vert que la nature semble avoir
formé pour les amans séparés; la, entouré de buissons, a l’abri du solleil, ayant pour perspective une rade remplie de vaissaux de toutes nations, et une riante
campagne a perte de vue, j’ai resté plus de
20
minutes dans une espece de délice et de contentement que je n’avois pas éprouvé depuis bien longtemps. Mille
idées me sont passés par la teste sans avoir pu en approfondir une, tu devine aisément ou cela m’a mené, il me falait absolument ma Julie pour mettre le
comble a ce moment de satisfaction, mais me réveillant comme d’un songe et ne la trouvant point a mes cautés j’ai eu un peu d’humeur... »
26
octobre
1772
: « ... J’ai regardé, carressé et baisé ton aimable portrait pendent une heure ... »
26
novembre
1772
: « Je te dirai pour toutes nouvelles qu’il fait ici une pluie averce, chacun se tient dans son coin et moi je profite de ce moment pour dire
un mot a mon adorable Julie, ma position est toute a fait singuliere, nous sommes
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dans une chambre qui n’est pas deux fois plus grande que la tienne, l’un
lit, deux autres jouent, et moi j’ecrit, je ne puis m’enpecher de rire en te depaignant ce tablaux, surtout le mien qui est le plus ridiculle, je suis assi sur un lit
les jenoux bien haut pour me servire de pupitre et en meme temps cacher ce que j’écrit, l’on me parle souvent, j’envoie promener tout le monde et puis je rie,
l’on m’intéroge, et pour toute réponce je dis que j’écrit a ma bonne amie, personne ne le veut croire car l’on ne se figure pas que quelqu’un ay jamais fait un
journal d’amour, et que d’alieur l’on écrit point des lettres sur un cayer; enfin cher amie, en disant la vérité personne ne me crois, et si je faisois autrement l’on
me devinerois peut estre, mais il faut pour tant finir car la curiozité de ces compaires la augmente; et il me promettent de le voir par force aussitot leur parti
finis, ils ne savent pas combien ils perderons leur temps et que je suis résolu a me battre comme un chien plustot que de les contanter ... »
11
décembre
1772
: « O ma cher Julie, ai pitié de ton pauvre Jozé, et pardonne lui toutes les betize qu’il va te dire, il est d’une collere de chien contre ces
maudit coquins de chinoix, imagine toi chere amie que trois de ces voleurs la (je ne puis les nommer autrement) qui ont mon argent depuis deux mois, m’ont
manqué de parolle pour toute mes soiries en piesse ... »
28
janvier
1773
: rêve de la mort de sa mère.
29
janvier
1773
: « Le beau temps vient enfin de nous prendre et nous avons gagné depuis hier au soir une isle que l’on nomme Cracata, nous sommes
présentement a l’abris de ce grand vent qui ne nous a pas laissé une heure de tranquilité depuis
8
jours. Cette endroit paroit le plus jolie du monde, nous
contons y passer
8
jours pour y prendre de l’eau et du bois, s’il fait aussi beau demain qu’aujourd’huit je me propoze d’aller i faire un tour et promener dans
cette sombre forest mon humeur mélancolique, la je pourai réver encorre une fois a mon aize a ma cher Julie, je vousdrois estre seul du matin au soir, tout me
déplait dans ce maudit vaisseau, et quand je pense qu’il faut encorre i passer
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mois avans d’avoir des nouvelles d’une merre et d’une femme que je cheris au
dela de toute expréssions, je tombe dans un abbattement et un mal aize qu’il faut sentire pour en avoir une idée ; tout contribut dans cette abominable sejour a
me faire haire l’ettat que j’ai pris et je suis au désespoir qu’en je pense que je ne puis le quiter avant plusieurs annés ; ma raison sufit a peine pour me rapeller a
mon devoir, il faut pourtant oublier toutes ses réflextions, et se résoudre a passer le plus beau temps de ma vie a l’autre bout du monde, privé de tout les plaisirs
et suretout du bonheur de te posséder et d’estre au milieu d’une famille cherie, demande moi pour quoy, parce que nous n’avons point de quoi vivre, parce
qu’il faudras pourvoir a l’éducation de nos enfans, parce qu’enfin il viendras un temps ou je ne serai plus en état d’en gagner, et qu’àlorce personne ne nous en
donnra, voila cher amie a quoy tu t’est expozé en t’atachant a un marin, ou pour mieux dire a un homme qui n’a a t’offrir qu’un cœur vertueux et amoureux,
ce sont deux belle qualité mais ceal ne sufit pas pour vivre heureux. Et je crois très vrai le proverbe qui dit (que quand le foin manque au ratellier les chevaux
se battent), ne nous attendons pas cher amie a passer les premiers annés dans la satisfaction et le plaizir, en acceptant ma main tu doit y avoir renoncé, trop
heureux si dans
10
ans je peux te rejoindre pour ne te plus quiter, ebien cher amie dans
10
ans tu n’en aura que
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, a cette age les plaisirs bruyant sont passés,
mais c’est le vrai temps des plaisirs honneste, des plaisirs de l’ame, c’est a cette age la qu’on jouit veritablement, consolons nous donc cher amie si a ce but
nous pouvons estre heureux, quel satisfaction si dans le temps nous pouvons nous passer de tout le monde, si au lieu d’estre a charge toute notre vie aux autre,
nous pouvons dans nos derniers jours estre favorable aux malheureux, et surtout si nous ne devons notre tranquilité et notre bien estre qu’à nos travaux et a
notre bonne conduite. A cher amie, cette perspective ranime mon courage, oui ma cher Julie, oui ma bien aimé Julie, l’espérance d’avoir pour récompence de
mes peines une longue suite d’annés a passer dans tes bras sans te jamais quiter sans te perdre de vüe un seul instant, est au dessus de tout ce que je soufre ... »
31
janvier
1773
: « Je m’empresse cher amie de venir te souhaiter le bonjour et te raconter une partie de ce que j’ai fait hier ; je suis parti a
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h. du matin
pour aller a terre, et n’en suis revenu qu’a
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h du soir, pendant le temps je me suis occupé a prendre connoissance des jens du païs, du terrain, et de ce qu’il
pouvoit y avoir de remarcable;
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ou
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hommes est tout ce que peut contenir les vilage, quoy qu’il y est des femmes nous n’en avons point vüe; mais dix a
douze enfans, nous prouvent qu’ils nous les ont caché, le peuple qu’on nomme mallais est tres affable, ils nous ont bien recu, et fait mainte present, le chefe
du lieux m’en a fait un avec toute l’honnesteté possible, enfin nous avons eu sans difficulté tout ce dont nous avions besoin, le paÿs est genérallement couvert
de bois d’un bout a l’autre, nous avons trouvé une source d’eau mineral chaude dont j’ai fait prendre provision pour faire des expériance, du reste je n’ai rien
vu de rare qu’un bois tres epais que j’ai eu toute les peine du monde a traverser, l’on dit qu’il ÿ a des tigres, et des sangliers, je n’en ai vu aucun quoi que j’aie
fait plus de
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lieux dans le bois, j’étois avec Mr Legrand mon ami dont je t’ai parlé, armés chacun d’un ... fusil, et nous n’avons vu que des trasses de sanglier
et nulement de tigre, enfin cher amie nous nous sommes beaucoup promené et meme lassés sans avoir trouvé de quoi tirer un coup de fusil, voila comme c’est
passé la journée d’hier, nous avons quelque fois parlé de Julie, je me suis meme assi dans un endroit que j’ai trouvé assé jolie pour me faire désirer de t’i voir,
enfin cher amante je t’ai tenu parole voÿant qu’il n’i avoit aucun risque a courir la forés seul, j’ai laissé mon compagnon a la tente et je suis allé m’enfoncer
dans le bois, il me serois dificile de te dire tout les folies que j’ai faites ni les progest que j’ai formé, ce qu’il y a de sur c’est que trois heur se sont passé sans
que je m’en sois apercu, pendant le temps tu ne m’a pas quité d’une minute, j’ai eu le plaisir de dire a haute voi «j’aime Julie»... »
émouvant & précieux « journal d’amour » et de voyage