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Don de Chambord au duc de Bordeaux
La France donne le domaine de Chambord au jeune duc de Bordeaux, tenu par sa mère la duchesse de Berry. Lyon, vers
1822
.
Broderie sur soie, enserrant des carnations peintes (
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x
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à la vue) ; dans son cadre d’époque Restauration, et sous sa vitre ancienne aux reflets
irréguliers.
Tissage lyonnais, probablement sorti, selon M. Benoît Derouineau, des ateliers de Hoeth.
La France, représentée par une femme casquée vêtue à l’antique, s’avance devant la duchesse de Berry assise qui tient son fils, le duc de Bordeaux, sur
ses genoux et sa fille sous son bras droit. Elle lui offre les titres de propriété du domaine de Chambord, visible au fond à droite, et dont trois enfants
présentent le plan. La scène se passe sous le regard tutélaire d’Henry IV, dont le buste trône sur un fût portant le mot « RESUREXIT »; en fond, une
tenture bleue fleurdelisée accrochée à des branchages, inscrite de la symbolique nominale « A DEO DATUS », un écu fleurdelisé reposant contre un
fût sur lequel on discerne, voilé, un buste qui doit être celui du feu duc de Berry. A droite, pousse une tige de lys blancs, et dans le bleu du ciel flotte,
hissé sur le plus haut clocheton de Chambord, la pure blancheur du drapeau de la monarchie restaurée.
Cette représentation, à la fois allégorique (la France) et réaliste (la duchesse de Berry et les Enfants de France), révèle l’un des épisodes les plus touchants
de l’histoire de la Restauration. En février
1820
, le duc de Berry, héritier présomptif du Trône, fut lâchement assassiné par un révolutionnaire
fanatique, laissant une fille (Louise de France) et sa femme grosse ; à la Saint Michel prochaine, la duchesse donna naissance à un fils qui reçut le nom
d’Henri Dieudonné (
A Deo datus
) et le titre de duc de Bordeaux. Sitôt après, une souscription nationale fut lancée, afin que le domaine de Chambord
fût offert au jeune Enfant : l’enthousiasme des Français fut à son comble, et rapidement le domaine put être offert à celui qui, exilé dix ans plus tard
suite aux troubles fomentés par l’orléannerie, tint à porter, jusqu’à sa mort en
1883
, le titre de « comte de Chambord ».
La naissance du fils posthume du duc de Berry avait suscité la plus grande joie dans tout le royaume, car elle semblait annoncer que le Ciel donnait
un héritier, et donc un avenir, à la monarchie française. L’histoire montrera cruellement que ce n’était qu’une illusion de plus, car cette monarchie,
à l’instar de l’Empire qui la précéda et des divers régimes qui la suivirent, reposait non pas sur le principe réel traditionnel (la royauté du Christ)
mais sur le principe idéologique révolutionnaire (la souveraineté du peuple). Comme quoi ce sont les principes qui comptent, et non les formes du
gouvernement !
Sedet Rex dum volvuntur regna
.
Cette broderie est restée inconnue jusqu’à nos jours, même aux plus grands connaisseurs de l’iconographie de la famille royale. Religieusement
conservée par un collectionneur monarchiste lyonnais, elle est aujourd’hui présentée pour la première fois.
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