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3
) « Août. Compte-rendu des missions accomplies du
1
er au
31
Août
1944
par le groupement de la Vienne du Sud ».
Quatorze feuillets, écrits au crayon au verso d’un formulaire de la Kriegsmarine.
Par exemple :
date
maquis
mission
résultats
pertes FFI
4
/
8
Le Vigeant est encerclé.
19
otages civils fusillés dont
3
enfants.
1
jeune fille violée. Une partie du Vigeant
est pillée et incendiée.
pertes sensibles (une cinquantaine
de morts)
18
tués
4
/
8
Les allemands incendient le bois puis se rendent au
Vigeant où ils sont de nouveau attaqués.
40
tués,
75
blessés.
18
tués,
5
blessés
13
/
8
Cne Simon (SAS) à l’E de Chauvigny
1
camion pris,
3
aviateurs tués,
5
femmes prisonnières
24
/
8
Cram
Attaque du groupe Cram attiré dans une embuscade
par Mme Wagner au lieu-dit Les Varennes.
7
maquisards fusillés à Ingrandes
7
tués
26
/
8
Jean Paul
Mission de ravitaillement à Montalembert
35
russes prisonniers,
2
hindous
prisonniers, armes et munitions
26
ou
27
/
8
Accrochage près de Romagne, au carrefour de
Pressac
En représailles, les allemands
fusillent des paysans
2
blessés
4
) gros dossier de lettres envoyées au Colonel Blondel par d’anciens maquisards. Il s’agit principalement de demander au Colonel qu’il établisse des
attestations de présence au maquis, dans le but que les intéressés obtiennent qui une pension, qui une médaille, qui une carte de combattant, qui
une facilité pour être démobilisé plus vite, qui un argument administratif pour ne pas partir en Indochine, qui une solde pour le temps de présence
dans les maquis etc. Ces nombreuses demandes, auxquelles le Colonel Blondel semble avoir toujours répondu, nous font connaître un grand nombre
de maquisards “de base” et détaillent leurs actions depuis leur engagement (certains dès
1941
ou
1942
, la plupart depuis l’été
1944
); à ce titre, elles
donnent un éclairage plus humain qu’administratif sur la vie et les faits de ces hommes.
Certaines pièces sortent du lot :
• dossier de Mme Micheline Jouvet, née Poure, déportée à Ravensbrück, qui épousa à son retour un autre déporté (Léon Jouvet, arrêté dès
1941
,
emprisonné à Clairvaux, Rouillé, Royan, La Rochelle, Compiègne, déporté à Neuengamme, mort en juillet
1946
des suites de sa déportation) dont
elle eut une fille posthume.
• deux lettres du « capitaine Fracasse » (Abel Pinaud) :
- «
J’ai la ferme conviction que notre rôle est mal pris d’une population qui a oublié et le sacrifice consenti par nos martyrs et l’idéal qui nous animait tous. Devant
un tel état d’esprit j’ai pensé à quitter le Montmorillonnais ...
» (
20
septembre
1946
).
Montmorillon est donc redevenu le «grand village» que j’avais connu jadis avec son égoïsme grandissant, ses querelles de clocher et ses attaques hypocrites (...).
Qu’avons-nous constaté après ces élections ? Beaucoup de collaborateurs plus ou moins avoués, être élus avec des majorités respectables. Bref, la municipalité par
13 élus contre 10 est passée à la «Collaboration». Personnellement, j’ai été élu conseiller municipal dans de bonnes conditions
» (
3
décembre
1947
).
• lettres de Mme R. Louvain, veuve d’Alfred Louvain, combattant volontaire FFI capturé par les Allemands et fusillé sur la route d’Availles à l’Île
Jourdain en juin
1944
: «
J’habite ici, le quartier neuf de Brest qui s’est trouvé éloigné des combats et par là épargné. Autrement tout n’est que ruines ! ... J’ai fait une
petite expédition chez les paysans bretons et je ne me sens aucune envie de partager leur vie. Peut-être connaissez-vous ce milieu ? un sol de terre battue, des toits de chaume
chez les plus pauvres, une cuisine abominable. Je suis surtout demeurée stupéfaite devant les aménagements intérieurs des logis. Ces lits-clos, quelle chose surprenante !
comment ces gens lorsqu’ils sont enfermés dans ces cabanes n’étouffent-ils pas, et à quoi occuper les tristes soirées d’hiver sinon, le chapelet en main, entre deux prières, à
faire des enfants ! Ils ne s’en privent pas ! ... Dire que certains écrivains hypocrites s’extasient sur la discrétion de ces petits réduits !
» (
12
août).
«
Peut-être avez-vous sur que le 28 juillet dernier un bateau norvégien chargé de nitrates explosait en rade de Brest faisant de nombreuses victimes. L’aîné de mes enfants
a été atteint par un éclat du bateau à la colonne vertébrale : 3 vertèbres furent écrasées. Je l’ai fait transporter à Paris pour qu’il y reçoive des soins compétents. Sa vie
aujourd’hui après des jours d’incertitude parait être sauve, mais on craint qu’il ne reste paralysé des jambes. Cest évidemement un coup terrible pour moi. A la mort de
mon mari le 17 juin 1944, j’ai toujours pensé que je serai capable d’élever mes enfants. Les évènements aujourd’hui me font envisager l’avenir sous un autre jour. Vous
savez que nos pensions sont insignifiantes ...
» (
15
août
1947
).
• dossier relatif à la remise de la Légion d’honneur, par le général commandant l’Ecole militaire de Saint Maixent, à L***, ancien milicien et agent de
la Gestapo ... (
1955
). Cela avait causé un certain scandale parmi les anciens résistants ...
Afin de sauvegarder la tranquilité de la famille, on n’indique pas ici
le nom de cette personne. Cette liasse ne sera pas présentée à la vente : elle sera probablement remise à un dépôt d’archives publiques, sous pli scellé à n’ouvrir qu’en 2055.
• dossier relatif à la famille d’André Cubaud, jeune maquisard de L’Isle Jourdain tué au combat. Cette famille de Millac désirait abandonner ce nom
(une demoiselle Cubaud, travaillant aux Galeries Lafayette, «
fait l’objet de plaisanteries de mauvais goût
») pour adopter celui de « Augry Laudonnière »
sous lequel était connu ledit maquisard et qui était le nom de son grand-père maternel.
• dossier de Victor Potreau, membre du maquis de l’Isle Jourdain dès octobre
1943
, arrêté par l’ennemi et déporté à Dachau, dont il revint. Il évoque
une somme de cent vingt millions de francs, parachutée dans la Vienne pour la solde des FFI, mais dont les maquisards n’ont pas vu la couleur...