Page 87 - cat-vent_millon29-06-2012-cat

Version HTML de base

87
• échange de lettres relatives à Henry Ferrasse, entré dans la résistance en juillet
1944
pour «
se faire blanchir
», et qui a «
commis des erreurs énormes dont
une des conséquences fut la dramatique affaire de Le Vigeant
».
• détail des actions de Georges Coutault (de Chauvigny), pour obtenir la médaille de la résistance (
1958
), depuis
1942
(interné à Poitiers après avoir
été aperçu en train de faire franchir la ligne de démarcation à
14
prisonnniers sénégalais évadés; pendu par les pieds et roué de coups...) jusqu’en
1944
(embuscades meurtrières, combat du Vigeant, occupation de la préfecture de Poitiers etc.).
• dossier des sœurs Georgette & Germaine Bernheim : elles avaient été arrêtées par la Gestapo le
28
avril
1944
, à Mauprevoir, sur dénonciation d’un
certain Bercy, pour des actions relatives au maquis. Internées à la prison de la Pierre Levée, à Poitiers, elles furent interrogées, et ensuite transférées
au Camp de la route de Limoges «
où étaient dirigées les personnes arrêtées pour raison raciale. Les sœurs Bernheim étaient en effet d’origine israélite
». Suite à
leur arrestation, leur mère avait été déportée à Auschwitz où elle mourut. Connaissant la langue allemande, les sœurs Bernheim écoutaient ce que
disaient les soldats allemands et transmettaient au Père Fleury, aumônier du camp, des renseignements utiles pour le maquis. Elles furent ensuite
libérées du camp. La question, en
1961
, était de savoir si les sœurs Bernheim avaient été arrêtées en raison de leur qualité d’Israélites, ou en raison
de leurs relations avec les maquisards. Dans sa lettre de janvier
1951
(
1961
 ?) Germaine Bernheim, seule survivante (sa sœur étant morte en février
1945
) soutenait que c’étaient pour la seconde raison, ce qui lui permettrait d’être reconnue, ainsi que sa sœur, comme «internée-résistante». Quant
au colonel Blondel, il écrit : «
Il est exact que les sœurs Bernheim se soient refugiées à Mauprévoir au début de 1944. Elles furent logées par les soins du maire, à
l’époque Monsieur Flamant. Encore aujourd’hui, je ne sais que penser des sœurs Bernheim. Etaient-elles résistantes, travaillaient-elles pour le compte de la Gestapo. Je
ne saurais le dire et le préciser. Il est exact que j’ai pris personnellement contact avec elles, à diverses reprises, à Mauprévoir. J’ai toujours été intrigué par l’intérêt qu’elles
portaient à nos maquis et aux FFI de la Vienne en général, c’est dire avec quelle prudence de ma part se faisaient ces contacts. Il ne m’est donc pas possible de déclarer
que les sœurs Bernheim aient été arrêtées parce qu’elles avaient eu des contacts avec les formations de la résistance de la Vienne. Je pense que les Allemands les auraient
maltraitées plus inhumainement encore qu’ils ne l’ont fait, heureusement d’ailleurs.
» (minute de lettre,
24
janvier
1961
).
• dossier sur les neuf otages fusillés dans le parc de Laudonnières, à Gençay Saint Maurice, fin août
1944
, en représailles de l’attaque par les FFI d’un
convoi allemand.
• dossier du docteur Paul Resnier (à Brigueil le Chantre), dont une longue lettre (
1946
) détaillant les «
activités de résistants
» de lui et de sa femme
Depuis 1940 nous avons résisté aux ordres de Vichy et de Pétain ...
» !) et demandant une décoration. Il s’agit en fait d’une résistance toute médicale...
• dossier relatif à la réquisition d’office et à la consommation de
921
bouteilles de vin par les
250
résistants du groupe Adolphe, à Poitiers (
1944
-
1945
). Menu du
11
octobre
1944
pour le « maquis D
2
Bayard » (potage crème, ris de veau, marcassin à la crème, poulets aux marrons ...).
• liste de membres du maquis de la Vienne, du maquis Michel. Ordre du jour du
24
décembre
1944
.
• nombreuses pièces concernant : André Cusson (capitaine « Le Chouan »), Norbert Colin (« capitaine Adolphe »), Pierre Aubry, Richardot, Georges
Ribadoux, Édouard Roy, commandant Anselme Lamothe, Eugène Hamann (« Guy »), Félix Marcel Robichon, sergent Marcel Lipinski, Robert
Bourdache, capitaine Louis Sardet, lieutenant Duplaix, Gabriel Braconnier (« capitaine Bertrand »), Jean Worms, de Brisenoy, Robert Guionnet,
veuve Georges Guion, lieutenant Guénot, « La Chouette », « Popol », « Amilcar », Lucien Rousseau, Raymond Tourade, Pierre Gebel (pour son fils
Marcel), André Dujardin, Mme Bachmann, et autres.
***
Ensemble très intéressant pour l’histoire des combats menés dans la Vienne durant l’été
1944
, durant lequel les troupes allemandes furent constamment
harcelées et attaquées par des
maquis
remarquablement bien entraînés, au point de rendre très difficile leur remontée vers le nord de la France. Comme
l’indique le Colonel Blondel (compte-rendu du
26
-
27
août), ce harcèlement constant eut pour conséquence les représailles exercées sur la population
civile : incendies de fermes ou de bourgs, exécution d’otages etc. La « dramatique affaire du Vigeant » rappelle, dans le Poitou et le Limousin proche,
celles d’Oradour et de Maillé.
Les nombreux événements rapportés par ces documents originaux se recoupent avec ce que l’on sait déjà sur l’action armée des maquis limousins.
Certains renseignements d’apparence anodine prennent tout leur sens lorsqu’on les inclut dans l’ensemble des faits et gestes du maquis : par exemple,
les « cinq femmes prisonnières » mentionnées au
13
août, sont ces jeunes auxiliaires allemandes de la Luftwaffe qui, après leur capture par les
maquisards
, furent livrées durant trois semaines aux sauvages orgies d’une horde de soudards, et furent lâchement assassinées par ces “héros” début
septembre
1944
, le long du mur du cimetière de Saint-Cyr près Châtellerault ; cette honteuse affaire fut récemment révélée par un jeune historien
indépendant, M. Laurent Busseau.
Ce qui est très surprenant dans ces documents, c’est qu’ils brossent un tableau extrêmement contrasté des hommes et des événements :
• à côté d’authentiques résistants de la première heure (
1942
), on trouve des personnes qui protestent de leur « résistance aux ordres » dès
1940
(par exemple, un médecin de campagne qui en réalité n’a fait que son strict devoir professionnel, à savoir soigner les blessés qui se
présentaient ...), et d’autres encore qui semblent s’être réveillés en
1946
ou
1947
...
• tantôt on note des combats héroïques et efficaces, tantôt on voit des embuscades sans aucune utilité militaire mais qui eurent comme conséquences
d’atroces réprésailles sur la population civile...
• ici on est ému par de vrais soldats de la résistance qui donnèrent leur vie pour leur cause (et dont la mémoire est justement honorée, à notre
époque, par des stèles & monuments), là on est pour le moins stupéfait du comportement de quelques soudards avinés qui ont préféré se frotter
aux Allemandes plutôt qu’aux Allemands ...
Sans parler des agents de la Gestapo, qui après-guerre reçurent la Légion d’honneur !
Bref, les choses ne sont pas simples, et surtout pas binaires. L’histoire sera encore longue à démêler et à écrire.
Précision : ces documents sont les archives personnelles & privées du colonel Blondel. Il ne s’agit pas des archives des FFI ou des maquis en tant que tels. Le caractère
purement privé de ces archives est incontestable. Elles sont donc librement cessibles.