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249. HARDY
René [Mortrée, 1911 - Melle, 1987], écrivain et résistant français, technicien de la SNCF célèbre pour son implication
dans l’énigme Jean Moulin.
Importante et rare correspondance adressée à Mme Rolande Delguste. Ensemble de 23 lettres datées de la prison de Fresnes ;
de mai 1947 à mars 1949 ; 36 pages in-4° et 17 pages 1/2 in-8°, avec le cachet de la censure, quelques lettres abîmées.
Nous ne pouvons intégralement retranscrire cette correspondance, voici quelques passages : «
Ne vous excusez pas d’une
intrusion quelconque dans ma vie, à l’heure actuelle, il n’est pour moi qu’un plaisir, c’est de recevoir des lettres, c’est le seul lien
qui me rattache au monde.
» ; «
Il est évident qu’il est difficile d’écrire ainsi dans le vide, mais n’y a-t-il pas quand même un
étrange charme ? Le voile se lève peu à peu, à travers, les mots, le mouvement de la pensée écrite, l’esprit et le coeur se découvrent.
Puis l’imagination, cette immense force du prisonnier s’appuyant sur les intuitions, crée tout un personnage.
[…]
Je vis ici dans
l’ambiance tragique du quartier des condamnés à mort et quelquefois au petit jour on emmène un homme au supplice, il y a une
minute de silence
» ; «
Un homme ce matin a été fusillé. Trois ce soir sont arrivés avec les chaînes. J’ai un nouveau voisin. J’entends
le tintement de ses fers. J’ai vécu là encore ou plutôt je vis des heures extraordinaires
[…]
à l’aube la mort arrive comme un voleur
dans un piétinement de pas inquiétants rapides et sonores que maintenant je reconnais entre tous.
» ; «
Il me faut vous parler de
ces visites afin que vous n’ayez aucune déception mon amie. Elle se passent dans un indescriptible brouhaha, chacun de nous
assis dans deux petites cages grillées séparées d’un mètre
» ; «
Cette folie qui est la guerre apporte avec elle un dérèglement
des esprits, des consciences, une instabilité mentale et affective chez les êtres faibles, une sorte d’excitation malsaine, de folie
collective, et des millions de foyers ont été lésés par cette hystérie générale, ce goût pervers de la destruction qu’elle engendre
dans la conscience de la nation comme dans la conscience individuelle
», etc.
Magnifique correspondance.
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