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13.
Émile BOURGEOIS
(1857-1934) historien. 50 L.A.S., 1884 et 1894, à Henri Monod, directeur de l’Assistance
publique ; environ 190 pages la plupart in-8, plusieurs en-têtes de la
Faculté des Lettres de Lyon
.
200/250
Intéressante et abondante correspondance à son « cher patron ». Bourgeois l’entretient avec déférence mais
résolument de santé, de voyages, de littérature – latine et française –, d’enseignement, d’Édouard Drumont, d’Émile Augier, de
Michelet (dont il réédite la
Jeanne d’Arc
), de Jules Lemaitre, de Paul Bourget... Les événements politiques du moment sont
évoqués, parfois de manière feutrée, et de citer Brisson, Floquet, Ribot, Savorgnan de Brazza... La concurrence de l’anglais le
préoccupe. Il s’investit lui aussi dans la vie publique : quelques demandes d’influence, création d’associations d’étudiants, projet
de participation à la vie lyonnaise, mais le découragement le prend parfois. Au cours de leur échange, quelques griefs se font
jour, vite rejetés. Le « Maître » est au-dessus de ces contingences, et leurs épouses respectives entrent elles aussi en amitié – il
faut noter la pudeur et la délicatesse touchante avec laquelle il entretient Monod de sa future femme.... Etc.
On joint un ensemble lettres adressées à Monod ou à sa femme par divers correspondants : les peintres Alfred Agache (7),
Gustave Courtois (3) et Allan Osterlind, Henri Baudrillart, Ernest Courbet (14), Jean Cruppi, etc.
14.
Joe BOUSQUET
(1897-1950). Cahier autographe ; cahier in-8 de 157 pages (20,8 x 13,4 cm) à l’encre bleue,
rouge, verte ou violette sur papier quadrillé (dérelié).
6.000/8.000
Précieux cahier de notes de lecture, réflexions, citations et méditations sur le langage et l’écriture. Nous ne
pouvons en donner qu’un rapide aperçu.
Le cahier commence par une réflexion sur la rhétorique, puis cette pensée : « S’attacher à rendre toute saison inoubliable,
comme si c’était le seul moyen d’en édifier le souvenir à l’image de la vérité »… « La nouveauté n’est qu’une condition. Il ne
faut pas croire que le romancier fasse son métier en nous apportant une connaissance nouvelle ; mais il intègre cette nouveauté.
C’est la sensation d’une connaissance plus étroite qu’il nous donne. Il oriente nos sensations sur une idée plus pénétrante du
réel. Il fait de la vérité une machine sensible, nous enfonce dans l’illusion que l’on peut “être” avec un bénéfice pour la vérité. La
vérité n’est pas à connaître mais à incarner »… «
Un mot très important : …“le vrai d’un événement, l’urgence d’une pensée
suffisent assez bien à nous faire oublier les phrases que nous connaissions à leur propos.”
»… « Il faudrait ici, coûte que coûte,
trouver un mythe. Car le mythe agit efficacement sur la rhétorique : et je crois que Jean Paulhan a usé d’arguments rhétoriques
quand il a voulu passer de l’écrivain au lecteur »… Sous le titre
Le tour de roue ou la Journée intellectuelle
, Bousquet fait la
liste de lectures faites ou à faire, avec références à des cahiers ou piles de papiers : Shakespeare, Raymond Lulle, Plutarque,
Swedenborg, Hegel, Fabre d’Olivet, Aristote, Lautréamont, Rilke, Sainte-Beuve, Éluard, Ovide, Tacite, Littré, Paulhan… Il
analyse les « neuf prédicats des accidents » (quantité, qualité, action, passion, etc.), l’« accommodation des éléments à tous
les genres de causes », des « prédicats finaux » (vertu, vérité, gloire)… Certains passages comportent des références de pages :
« 80. Puisqu’il appartient à la nature des choses qui l’engendrent et se corrompent de désagréger d’abord par parties toute
chose corruptible ; et ensuite d’agréger les parties en toute chose engendrable : comme il est manifeste dans toute génération et
corruption dont les causes sont la haine et l’amitié : la haine en effet agit dans les choses pour dénuder les formes de leur sujet,
alors que l’amour est la cause de leur union avec lui »… Ailleurs, Bousquet suit l’enseignement de Raymond Lulle : «
Ars
magna
. P. 227 », se rapportant à la définition des principes. « La bonté est un élément par la vertu duquel le bien produit le
bien. […] La durée est le principe en raison duquel la grandeur, la bonté etc. durent. La puissance ce par quoi bonté, grandeur et
les autres modalités peuvent exister et agir. La sagesse est la propriété par la vertu de laquelle le sage comprend. La volonté, ce
qui transforme bonté, grandeur et leurs semblables, en des faits de désir », etc. D’autres notes se rapportent à l’
Opusculum de
auditu kabbalistico
du même théologien ; elles sont suivies d’un pense-bête : « Chercher lettres Paulhan et Gala »… Ailleurs,
Bousquet s’essaie à la traduction, et au commentaire de passages en latin : « Le goût de la connaissance est inné dans les hommes
comme une ardeur naturelle qui les pousse à saisir la vérité enfermée dans tous les objets de savoir, qu’Aristote le premier en a
porté témoignage soutenant dans sa métaphysique qu’il appartenait à quelques-uns d’admirer toute espèce et qu’ainsi fallait-il
leur reconnaître une concupiscence naturelle de savoir et de comprendre la vérité de toutes les choses connaissables, mais à tous
les hommes, ajoutait-il, il appartient d’admirer »…« Et c’est ainsi que nous admettrons que plus une chose est haute plus elle
est digne d’être sue à cause de sa croissante proximité avec le vrai »… D’autres pages sont consacrées à la Kabbale, l’orgueil,
la méchanceté, « la colère déduite par les principes », la navigation… Le cahier se termine par un texte inachevé : « Orateur,
élève ta conscience dans ton allocution, et forme en le discours par les principes et les règles et en agissant ainsi atteins par eux
à la contrition. Et si tu appliques les principes et les règles à discourir de la contrition, tu détermineras le mouvement du cœur
d’où s’élèveront les soupirs et les gémissements. Du cœur jusqu’aux yeux l’eau s’élèvera, mouillant ta face, tes mains et tes
vêtements, et cette eau te fera sentir sa chaleur car elle est issue d’une source chaude et fervente, et cette eau sainte sera l’agent
de ta confession »…