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28.
Léon BLOY
. 67 L.A.S. et 2 P.A.S., Paris, Montmartre, « Chameaux-sur-Seine », Créteil, Le Tréport, Bourg-la-Reine 1905-1917, à Léon B
ellé
,
libraire-imprimeur à Lagny (Seine-et-Marne) ; 110 pages formats divers, la plupart avec enveloppe ou adresse, montées sur onglets en
un volume in-4, rel. maroquin rouge, dos à nerfs, contreplats doublés de maroquin noir, gardes de soie rouge moirée, étui (
Semet &
Plumelle
).
12.000/15.000
T
rès
belle correspondance à
l
imprimeur de
L
agny
(« C
ochons
-
sur
-M
arne
 »)
devenu un ami de
B
loy
. Pleine de fougue, d’humour, de férocité et
souvent de pathos, elle témoigne de l’activité littéraire intense de l’écrivain, de sa détresse matérielle, son optimisme, sa foi ardente,
et sa pitié pour le pays en guerre. L’auteur du
Désespéré
se déclare « l’homme le plus espérant qu’il y ait au monde ». Nous ne pouvons
donner ici qu’un rapide aperçu de cette magnifique correspondance, publiée en mai-juin 1951 dans le
Mercure de France
.
1905
.
4 juin
. « L’affiche [pour
Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne
] est amusante. Mais pourquoi veut-on, à toute force,
que Cochons-sur-Marne soit Lagny & non pas Meaux ou Château-Thierry ? à qui faire croire que les pourceaux sont tellement rares
sur les berges de l’antique Matrona qu’on ait pu les localiser dans l’unique trou honoré, 4 ans, de ma littéraire présence ? »… Oublier
qu’il est « une espèce de romancier » peut exposer à des gaffes ridicules… Bloy se moque avec verve des imbéciles : « Ignorants de la
littérature & de l’art autant que les plus fangeux tapirs, mesurant l’âme d’un
Ecrivain
à leurs basses âmes & se sentant avec cela fort
merdeux, ils ont dû croire idiotement & salopement – comme il convenait – que j’avais employé les 4 susdites années à épier avec
soin leurs turpitudes. Il ont cru que j’allais divulguer leurs canailleries boutiquières, leurs adultères, leurs incestes, leurs infanticides
ou parricides
ignorés
, leurs ignominies à faire dégueuler des hippopotames…
L’œuvre d’art
qu’est mon livre les a tous trompés »…
Il invite Bellé à faire l’usage qu’il voudra de cette lettre…
10 juin
. Demande d’aide pour trouver un libraire à Meaux qui prenne son
livre en dépôt : « j’imagine que mes
Cochons
seraient surtout achetés par les prêtres du diocèse, vous savez pourquoi »…
[11 juin]
.
Il regrette que Bellé n’ait pas écrit lui-même l’article du
Briard 
: « vous n’auriez pas fait la gaffe très-provinciale de souligner tout le
temps ma
misère
, ce qui est maladroit et désobligeant. Vous auriez compris que ma “mendicité” est beaucoup moins une réalité qu’un
panache »…
26 juin
. Envoi d’une lettre à insérer dans
Le
Briard 
: « Ce n’est pas “la réponse multiple à toutes les turpitudes signalées”.
À quoi bon ? » Félicitations sur l’affiche pour Meaux ; il a su par un ecclésiastique que des
Cochons
circulaient au séminaire…
27 juin
,
amusant post-scriptum additif à sa lettre ouverte, le rédacteur ayant confondu
scatologie
et
obscénité
...
7 juillet
. Il se plaint d’un
nouvel article dans
Le Briard 
: le journaliste se sert de Bloy contre ses ennemis, et dénature sa pensée en altérant le texte cité : « “un
urinoir
d’ignominie”, au lieu d’un
miroir 
! Il serait enfantin de supposer une coquille. Votre voyou de Provins a cru faire une trouvaille
en rapprochant de ce mot le Nom de Jésus. J’appelle ça du goujatisme »…
23 juillet
. Apprenant qu’on fait une plainte et une enquête
contre l’auteur de
Cochons
, il s’afflige que le personnage de l’abbé Galette soit « privé, par l’indifférence ou l’hostilité bête du parquet,
de la grandiose volée de coups de pied au cul qu’un procès en diffamation lui vaudrait infailliblement »…
27 juillet
. Explications sur le
sort de
Sueur de sang
, soldé par le successeur de Dentu, et des conséquences contractuelles mal entendues : « Pour ce qui est de mon
“autorisation formelle”, faudra-t-il que je l’envoie, scellé d’une bulle d’or de Basileus byzantin, contresignée par trois cents notaires
impériaux & portée par une ambassade fastueuse, puissamment armée »…
1906
.
6 janvier
. Bloy reproche à Bellé de ne pas se décider à être son ami « 
simplement
, sans phrases ni excuses, sans humilité
absurde, sans m’écrire des lignes ou des pages où vous avez l’air de demander pardon d’être un pou sur une tumeur, […]
vous me plaisez
& j’estime que c’est la plus sans réplique & la plus forte raison qui puisse être donnée d’une amitié »…
3 octobre
. « Non seulement
le vrai Marchenoir, votre ami, n’est pas mort, mais encore il s’emmerde, ce qui suppose une indiscutable vitalité »…
1907
.
4 janvier
.
Explications sur l’affaire du
Gil Blas
, où il n’a pas perdu l’occasion de dire son mépris complet pour l’Académie Goncourt… « Je tiens
à ne pas ignorer ce que H
uysmans
dit de moi. C’est un mauvais homme qui me hait d’autant plus qu’il me doit beaucoup. Je tiens à ne
pas le perdre de vue »... La protestation de Bellé au
Matin
devait être vaine, car ce journal « ne me déshonore pas de son estime. Il y a
qq mois, cette feuille voulut m’utiliser pour diverses immolations. Je fis entendre à ces crapules que je n’étais pamphlétaire que pour
mon propre compte & que je me foutais des griefs ou
combinaisons
des autres. Donc, je ne suis pas aimé au bordel »…
11 mai
, au sujet
de la préface de C
oppée
au livre de Retté [
Du Diable à Dieu, histoire d’une conversion
], « où l’ineffable gaga met T
ailhade
au nombre
des récentes acquisitions de l’Église ? Ah ! il faudrait une rallonge à mes
Dernières Colonnes
 ! »…
1908
.
2 janvier
.
L’Invendable
, 4
e
tome de son
Journal
, est en chantier : « Galette & Sacamer peuvent souscrire. Je compte lancer ce
foudre vers le commencement de juin. En attendant, je corrige les épreuves de
Celle qui pleure
, livre exclusivement religieux dont la
concomitance étonnera ceux qui me connaissent moins que vous »... Il raconte l’histoire « singulière » de cet ouvrage entrepris en 1879,
publié enfin grâce à « un généreux » ; « c’est la guerre à un tiers de l’Épiscopat français & à la masse des prétendus fidèles […] Ce livre est
une provocation à la tempête. S’il est lancé de manière à atteindre ceux qu’il vise, le déchaînement pourra être inouï, car je vais jusqu’à
l’extrémité du scandale »…
29 juin
. Le projet d’affiche n’est pas en harmonie avec l’œuvre, qui est « religieuse et grave », et il ne veut pas
paraître défier tels ou tels ecclésiastiques ; le sous-titre,
Notre-Dame de la Salette
, est indispensable à la publicité...
12 juillet
. Il croit
au succès de
Celle qui pleure
, et rédige un communiqué de presse qui blâme la conspiration des évêques pour étouffer la Révélation
du 19 septembre 1846, et qui cite l’éditeur catholique B
loud
au sujet des « iniquités épiscopales » que Bloy stigmatise…
24 juillet
. Il ne
maudit pas les médecins, « acte des plus dangereux au spirituel », mais voudrait seulement « que tout docteur (!!!) convaincu d’avoir
tué fût brûlé vivant. Histoire de rafraîchir quelques ambitions »…
11 août
. Instructions pour relancer la vente de
Celle qui pleure
, et
envoi d’un nouveau communiqué de presse : « L’auteur appuyé sur l’Autorité infaillible de l’Église, invite son lecteur à méditer avec lui
sur le S
ecret
de
M
élanie
, tel que la Voyante elle-même l’a publié, en 1879 […].
Ce secret n’est pas à l’Index
 »…
12 août
, instructions après
des menaces judiciaires de la part de l’« éléphant » Bloud…
14 août
. L’abbé C
ornuau
propose de s’occuper de l’affichage publicitaire
à Lourdes à l’occasion du pèlerinage national…
[20 août]
. « Bloud se terre, la nuée puante a été crever ailleurs, non sans laisser du
dégât & des excréments, & la camisole de force est ajournée »…
21 août
. Les « horribles boutiquiers ecclésiastiques » font la guerre à
la Salette, et Bloy sera exécré pour des griefs contradictoires. « Quel stupéfiant épisode à mentionner dans l’
Invendable
, 4
e
volume en
chantier de la série autobiographique ! […] c’est ma bataille de Waterloo. Cornuau m’annonce que Grouchy est en vue. Tenons-nous
bien. Ça pourrait être Blücher, cette vieille crapule de Blücher ! »…
9 septembre
, commentaire d’une lettre d’Alfred V
allette
( jointe) :