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HUYSMANS
Joris-Karl.
Ensemble de 2 lettres autographes signées :
— « Samedi »
; 1 page in-12.
« Hélas, je ne vais pas du tout — et c’est pour cela que je ne suis pas allé vous voir
hier. Je crois que le traitement du Dr Robin m’a empoisonné avec ses strychnines et ses badianes, toujours est-il qu’hier j’ai eu des
douleurs de tête telles que j’ai dû revenir du bureau et me coucher. Ce matin, je les ai encore et je n’ose sortir de chez moi... et je
suis accablé d’épreuves d’imprimerie !!! »
— « Lundi matin »
; 1 page in-12 oblongue.
« Je suis si marmiteux, si abîmé par la grippe, que je rentre aussitôt un
vague repas fini. Je ne m’aventurerai donc pas dans les ténèbres glacées de la rue Férou, ce soir ; mais si vous venez, soyez donc
assez aimable pour me rapporter les épreuves. »
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HUYSMANS
Joris-Karl.
Lettre autographe signée. Paris, 11 septembre 1894 ; 4 pages in-12.
« Votre lettre a été vraiment la bienvenue. Je vous vois un peu remonté et celà me soulage car je n’ai guère cessé de
penser à vous, dans ces tristes heures que vous passiez.
[…]
Je vais voir à prendre quelques jours avant la fin du mois, nous
pourrions dans ce cas, aller à St Wandrille, voir le bon père Chamard et tous les amis de ce cloître. Ce serait consolant et doux.
Il y a dans les bois, une vieille chapelle du 12e siècle dédié à St Saturnin qui vous sera charmante, j’en suis sûr.
[…]
Vous ne
pouvez imaginer , bien cher ami, l’horrible vie que je mène. Imaginez un affolement de 7 heures de suite, des papiers à perdre la
tête, des télégrammes de toutes minutes, des appels incessants au téléphone, des huissiers venant vous chercher pour aller chez les
Directeurs, chez le Ministre. Et tout celà dans un bureau surmené ne voulant plus travailler - avec toutes les responsabilités sur le
dos, jouant tous les matins, sa place. Je sors de là, si abruti le soir, que j’ai à peine le courage de manger avant de gagner mon lit.
Et ce qui est pris, c’est l’obsession de ces tracas, l’âme idiotisée, incapable de balayer l’ordure de ces hantises. Le soir je vais parfois
à l’église. Hélas, c’est rare quand je parviens à me recueillir. Tous ces ennuis me ressautent dessus, j’ai beau tâcher de la chasser,
ils reviennent quand même, m’obsèdent, m’empêchent de penser, font de mes prières des prières toutes vocales. Ah ! il est vraiment
temps que celà finisse. Je vous assure que la devise Bénédictine Pax n’est guère la mienne. Ajoutez que, dans les ennuis véhéments
et prolongés, les idées dégoûtantes arrivent presque toujours et qu’il faut encore les refouler. On a l’âme tout à la fois engourdie
et saccagée dans ces moments.
[…]
Je vais mettre mon livre à l’impression et travailler là-dessus. Puis une fois revenu de St
Wandrille, je tâcherai de retirer 8 jours de congé et, si mauvais que puisse être le temps, j’irai voir mes vieux trappistes. Après
avoir subi tant de honteux, tant de stériles bavardages, j’irai faire une cure de silence, en cellule.
[…]
Il est vrai que j’ai trouvé
un petit avant-propos assez roublard qui empêchera le Gouvernement de prendre des mesures contre moi. Je vous montrerai cela
quand vous serez rentré, je ne dis pas que le ministère ne me cherchera pas noise, mais avec cela, je le défie bien de me révoquer.
[…]
Je ne dis point que je ne prie pas pour vous, mais mes oraisons sont de si mauvaise qualité que le Bon Dieu doit les rejeter
comme des loques ! »
1500 / 2000
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AUTOGRAPHES et MANUSCRITS