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ne certaine nostalgie imprégnera sans doute ces deux jours de vente
chez Piasa. Disperser aux quatre vents du marché les livres d’André
Tissot-Dupont et de son père Lucien n’ira pas sans évoquer, en effet,
pour sa famille comme pour de nombreux libraires et experts parisiens, des
souvenirs d’amitiés, de rencontres, et de conversations bibliophiliques sans fin
dont il était si friand.
Pendant plus d’un demi siècle, Lucien Tissot-Dupont, puis surtout, car plus
proche de nous, André Tissot-Dupont, parcoururent les librairies parisiennes,
interrogeant sans cesse Maurice Chalvet ou Claude Guérin (dont on verra
la « patte » sur certains beaux exemplaires de cette vente), ou tant d’autres
professionnels encore. André Tissot-Dupont fréquentait aussi les libraires
anglais ou américains. Il fallait l’entendre parler de ses rencontres au Ritz avec
Bernard Breslauer ou à New York avec John Fleming. On le croisait aussi dans
les salles de ventes, à Drouot ou à Monaco, toujours à l’affût d’un bon mot ou
d’un échange passionné. Les visites avenue du Maréchal-Lyautey permettaient
de découvrir le sanctuaire : cette magnifique bibliothèque de citronnier, l’une
des plus réussies que nous ayons vues, dont la photographie, tel un frontispice,
marque l’ouverture de ce catalogue.
Les piles de catalogues de libraires ou de maisons de ventes, lus, annotés,
découpés, montraient bien sûr que d’autres que nous avaient déjà eu la chance
de lever leur coupe de champagne à l’exemplaire de la
Caricature
de l’ancienne
collection Bordes, au précieux exemplaire Edmée Maus du
Rommant de la rose
de
1487, à l’
Agenda 1838
d’Alfred de Vigny qui lui arrachait un petit sourire gaulois,
à l’extraordinaire
Journal
de Cléry narrant la descente aux Enfers de Louis XVI,
dont la force dramatique et cruelle fait encore trembler son lecteur, quelles que
soient ses opinions. Ces livres si parlants semblaient là pour toujours. La vie –
ou plutôt la mort – en a décidé autrement. Certains avaient trouvé leur envol
quelques années auparavant déjà, comme cette mythique
Encyclopédie
« pomme
verte » à tranches dorées qui pour longtemps encore sera l'orgueil de la librairie
parisienne.
Ici, ce sont six cents numéros classés suivant l'ordre de l'alphabet qui sont offerts
aux amateurs. Certains sont d’un charmant goût légèrement suranné, d’autres
très à la mode. Tous ces livres ont été choisis, qu’ils trouvent maintenant de
nouvelles mains.
Jean-Baptiste de Proyart