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Goux, Victor C. Hemery, Camille Jenatzy, Christian Lautenschlager, Léon Théry, Louis Wagner et la plupart des

grands pionniers de la compétition ; cela lui permit par la suite de définir des classifications mondiales des

compétitions, des voitures de courses et des pilotes. Ses articles sur les Grands Prix de l’A.C.F. et la brochure

Cinquante Ans de Voitures de Grands Prix,

sortie à l’occasion du Salon de 1962, sont des exemples d’érudition

et d’exactitude historique.

Son goût pour la collection le fit s’intéresser dans les tout premiers à la voiture ancienne dont il rassembla

à une certaine époque près de 350 exemplaires, dispersés depuis. Il organisa également des compétitions de

voitures anciennes, notamment à Rouen.

A ces centres d’intérêt s’en ajoutaient d’autres : le tennis (sa connaissance du déroulement des coupes Davis

était ahurissante), la musique et notamment Wagner (il alla à différentes reprises au “Ring” à Bayreuth), mais

sa passion dominante fut l’estampe. Il commença à les collectionner en 1919. Les circonstances matérielles lui

rendant difficile de satisfaire son constant désir d’achat, il devint marchand en 1925. Installé à ses débuts 11, rue

d’Assas, il vint, fin 1933, 8, rue de Tournon, et eut pour collaborateur un de ses amis Etienne Chevroux jusqu’au

décès de ce dernier, fin 1951. Les connaissances d’Henri M. Petiet en matière d’estampes étaient mondialement

reconnues. Cela lui permit, aidé par son ami de toujours Jean Goriany, devenu son agent outre Atlantique

jusqu’au début de 1943, de jouer un rôle déterminant pour donner à l’estampe la place qui lui revenait dans

les grandes collections américaines, publiques ou privées, grâce à ses relations avec des conservateurs de

premier plan tels que Carl Schnewing et Harold Joachim à Chicago, Agnès Mongan au Fogg Museum. Elisabeth

Mongan, Eleanore Sayre à Boston, Adelyne Breeskin à Washington, des marchands tels que George Keller ou

des collectionneurs comme Lessing Rosenwald. Ce dernier a d’ailleurs laissé une remarquable et pittoresque

description de Henri Petiet, auquel il rend un hommage appuyé dans son livre.

Il est impossible en quelques lignes de citer tous les artistes avec lesquels il fut en relation, - et dont il édita

certains -, mais on peut nommer Pierre Bonnard, Jean-Louis Boussingault, Mary Cassatt, Eugène Clairin, Maurice

Denis, André Derain, Pierre Dubreuil, Raoul Dufy, Charles Dufresne, A. Dunoyer de Segonzac, Edouard Goerg,

Roger de La Fresnaye, Pierre Laprade, Marie Laurencin, Luc-Albert Moreau, Maillol, André Mare, Matisse, Pascin,

Picasso, Lucien Pissarro, Rouault, Roussel, Signac, Louis Sue, Jacques Villon, Vlaminck, Vuillard et Daniel de

Monfreid, l’ami de Gauguin, ainsi que Jean-Emile Laboureur et Marcel Gromaire, qui tous deux représentèrent

Henri M. Petiet au milieu de ses estampes, l’un par une gravure, l’autre par une peinture, tandis que Edouard

Goerg, Marie Laurencin, et Pierre Dubreuil laissaient de très bons dessins de lui.

En peinture, son acquisition la plus marquante fut celle de quinze grands panneaux décoratifs réalisés par

Odilon Redon pour le Château de Domecy et étudiés par Roseline Bacou qui dirigea pendant de nombreuses

années le Cabinet des dessins du Musée du Louvre. En 1988, les toiles entrèrent par dation au Musée d’Orsay.

Henri M. Petiet a été “découvreur de talents”, cherchant à encourager les artistes auxquels il croyait, et

désireux de les faire connaître et apprécier. Avec les amateurs, il s’efforçait de se mettre à la portée de ses

interlocuteurs et d’aider à leur formation. Son exigence de la qualité l’avait naturellement conduit à s’inspirer du

titre de la préface de Philippe Burty en prenant pour enseigne de son magasin, 8, rue de Tournon, l’appellation

“A la Belle Épreuve”.

La profonde culture d’Henri M. Petiet lui permettait de voir les liens et d’opérer les rapprochements entre

ses différentes connaissances et d’en faire la synthèse. Il était passionnant de le voir brosser des tableaux

d’une époque, d’un auteur, d’un artiste, d’un confrère, d’un collectionneur, ou d’un amateur ami, de distinguer

les influences, de restituer les hommes, les œuvres, les évolutions dans leur contexte. Il est regrettable que

n’aient été recueillies certaines de ces improvisations éblouissantes qui ouvraient des perspectives absolument

originales.

Au fond Henri M. Petiet avait les qualités d’un maître, au sens d’un grand enseignant : les connaissances et

la culture, les capacités d’analyse et de synthèse, l’esprit d’observation, l’exigence, la clarté dans l’exposition et

le goût d’enseigner. C’est ce qu’il a été pour ceux, trop rares, qui l’ont bien connu.

HERVÉ DUFRESNE †