La disposition des médaillons dans les Heures Petau est pour le
moins exceptionnelle puisque Jean Poyer les a conçues par paires
(recto-verso) au début et à la fin de chaque section des différentes
divisions liturgiques, prévoyant les feuillets intercalés avec un évi-
dement permettant une vision simultanée des deux peintures durant
toute la récitation ou lecture du texte. Cette mise en page tout à fait
remarquable et ingénieuse se retrouve dans un autre manuscrit
exécuté par Jean Poyer, conservé par la Bibliothèque Royale de
Copenhague, dit les Heures Thott mais dont les évidements sont en
forme de losanges et non ronds (Copenhague, Bibliothèque royale,
Thott 541.4). Les Heures Thott sont sans doute un peu plus tradition-
nelles et « chargées » dans leur réalisation avec des encadrements
peints et des initiales ornées qui scandent le texte. Dans les Heures
Petau, le texte – parfaitement calibré – et les médaillons donnent
une impression épurée, augmentant le pouvoir spirituel des images
suscitant une piété affective chez le fidèle.
Hofmann (2016) a consacré un article au présent manuscrit, datant
celui-ci de la dernière décennie du XV
e
siècle et le rapprochant des
Heures Ladore
qui présente des figures à mi-corps : « Cette formule
permet d’attirer le regard sur les protagonistes figurés au premier
plan » (Hofmann, 2016, p. 121). Hofmann rapproche la mise en
page ingénieuse et finalement très moderne d’un type de livre pour
enfants (sorte de livre à système) avec ce même jeu d’images qui
se répondent au fil des pages et conclue : « Le fait que l’on trouve
des solutions similaires uniquement au XX
e
siècle met en évidence
l’ingéniosité de Jean Poyer qui était bien en avance sur son époque,
non seulement par ses inventions picturales mais aussi pour son art
de la mise en page » (Hofmann, 2016, p. 126).
C’est un manuscrit en tout point exceptionnel, réalisé par un artiste
d’une grande originalité et qui a œuvré pour un mécène pour
l’heure inconnu, sans doute proche des cercles royaux, et qui osa
une mise en page complexe et somme toute assez moderne.
bibliographie
Avril, F. et N. Reynaud,
Les manuscrits à peintures en France, 1440-
1520
, Paris, 1993.
Hofmann, Mara. « Un chef-d’œuvre de Jean Poyer peu connu : les
Heures Petau de la collection Weiller », in
Art et société à Tours au
début de la Renaissance
, ed. M. Boudon-Machuel et P. Charron, 2016.
Hofmann, Mara,
Jean Poyer : Das Gesamtwerk,
Turnhout, 2004.
[Catalogue d’exposition].
Tours 1500, capitale des arts,
2012.
Médaillons :
taille réelle 65 mm
81
origine(s)




