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Collection Alfred de Vigny
RTCURIAL
15 novembre 2016 14h30. Paris
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Marie-Jeanne-Amélie de VIGNY
1757-1837
«Conseils à mon fils
[
…
]
».
Manuscrit autographe
[1815]. In-12 (14,7 x 9,8 cm), demi-
maroquin à long grain vert, dos lisse,
contre-gardes de papier vert clair à un
soufflet, gaine à crayon (
Henry
).
Précieux manuscrit de 50 pages rédigé
par Marie-Jeanne-Amélie de Vigny sur
un carnet de notes. Il est intitulé :
«Conseils à mon fils commencés le jour
de son second départ pour Versailles le
23 février 1815». Alfred de Vigny est
alors un jeune lieutenant de cavalerie
servant dans les gendarmes de la Garde
qui tiennent garnison alternativement
à Versailles et à Paris. C’est dans
l’uniforme rouge de ce corps prestigieux
que l’a représenté François-Joseph
Kinson dans le célèbre portrait conservé
aujourd’hui au musée Carnavalet et que
cite vraisemblablement madame de Vigny
au début de son texte. Celle-ci, voyant
son fils prendre son envol, se décide en
effet à mettre par écrit ses conseils
et rédige un long manuel de vie, d’une
grande densité : «C’est devant ton
joli portrait qui semble m’écouter
avec attention et douleur, que je vais
occuper le loisir que ton absence me
laisse, à essayer de t’être utile pour
tous les temps de ta vie. […] Notre
but en te prodiguant nos soins, mon
cher enfant, et en ne mettant point de
bornes à nos sacrifices pécuniaires, fut
toujours de faire de toi un honnête
homme, un homme recommandable par ses
vertus, ses talents en tout genre ; de
te donner enfin les moyens d’arriver
à la fortune par le mérite, seul moyen
honnête de parvenir. […] «L’inconstance
humaine me paraît donc entre mille
autres une preuve claire et suffisante
de l’immortalité de l’âme et que cette
courte vie est un temps d’épreuves
qui nous est donné pour mériter les
récompenses destinées aux gens de bien.
C’est l’opinion de tous les hommes
depuis Adam jusqu’à nous. […] Je ne te
dirai rien de cette espèce de femmes
aussi justement méprisées par leur état
que par leurs mœurs ; je veux parler
des comédiennes ; elles sont aussi
dangereuses que les filles publiques
pour la santé et pus encore par leur
cupidité sans bornes, j’espère bien que
tu ne les verras qu’au bout de ta lunette
de spectacle et que jamais tu ne leur
parleras, ces espèces-là y compris les
belles dames qui font trophée de leurs
folies ne peuvent attacher le moins du
monde un homme de goût, qui veut mettre
de la délicatesse dans ses liaisons.
[…] N’écouter que la vanité, l’amour
du plaisir qui entraîne celui de la
dépense et le désir des richesses, voilà
la source de toutes les sottises, de la
basse envie et d’un malheur véritable ;
toujours tu auras avec toi des amis plus
riches, plus élevés en grade, et
si tu n’as pas le bon esprit de voir
ta position du côté agréable, tu seras
mécontent de tout et feras le malheur
de tes parents […] réprime donc tes
plaintes sur ton avancement, ainsi que
toute idée de luxe et toutes les petites
dépenses journalières et d’imitation où
le désœuvrement entraîne, occupe-toi de
ton état, de bonnes lectures, vois la
meilleure compagnie, tu ne dérangeras
point tes affaires, et je te le répète
tu auras de l’argent de reste au bout
de l’année, et tout le bonheur qu’on
peut espérer dans ce monde». Quelques
corrections autographes et passages
soulignés au crayon noir par Alfred
de Vigny - il a notamment marqué d’une
croix dans la marge le passage sur les
comédiennes. Ce texte fut publié pour la
première fois par Marc Sangnier dans
Le
Sillon
(10 et 25 janvier 1925).
Calendrier imprimé de l’année 1815
collé en tête. Le soufflet contient une
«romance de Pétrarque» copiée par madame
de Vigny (4 p. in-8).
Reliure un peu défraîchie avec manque au
dos. Coins émoussés.
Bibliographie :
Madeleine Ambrière, Nathalie Basset,
Loïc Chotard et Jean Sangnier,
Alfred de
Vigny et les siens : documents inédits
,
1989, p. 176-184.
5 000 - 6 000 €




