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MASSILLON (Jean-Baptiste).
Lettre au cardinal de Bissy.
Sans lieu, 7 décembre 1734
.
Lettre autographe signée
“
J. B Eveq de Clermont
”, 8 pages in-4.
Longue et importante lettre, entièrement
autographe, de Massillon.
Elle offre un aperçu de ses positions théologiques, tant
sur le plan juridictionnel que spirituel, dans le sillage des
Mandements
du cardinal de Bissy.
De la doctrine de l’équilibre.
“
J’estois desja instruit par la lecture des premiers ouvrages de V.E. sur l’explication que vous donnez à vostre doctrine de l’équilibre. Je scavois que vous
n’exigez pas pour l’essence de la liberté un Equilibre de panchans, mais de forces et de secours mais cette explication n’a jamais pu guerir mes peines, que
je vous proposerai toujours avec tout le respect et toute la docilité d’un disciple.
[...]
Il m’a donc toujours semblé, supposé la doctrine de l’equilibre, que Dieu seroit obligé d’avoir toujours la balance à la main pour égaler ses secours à nos
besoins, et comme nos besoins augmentent à mesure que nous devenons plus vicieux, et plus corrompus, Dieu devrait par justice pour establir l’equilibre
entre nos forces et nos devoirs, redoubler ses bienfaits, à mesure que nous redoublerions d’impieté et de malice ; de sorte que nous n’aurions jamais plus de
droit à ses graces, que lorsque nous nous en serions rendu plus indigne. Cette doctrine m’a toujours paru révolter toute raison et toute bonne theologie
[...].”
De l’autorité de l’Eglise et des opinions particulières du clergé.
“D’ailleurs vous scavez vous mesme Mg que beaucoup des grands theologiens, dont l’autorité est respectée dans les Ecoles soutiennent que Dieu refuse
mesme quelquefois tout secours à certains pecheurs endurcis, qui se sont attirés cet abandon par une longue persévérance dans une vie impie, et abominable.
Le clergé de France a reconnu ce sentiment comme trez orthodoxe dans le corps de doctrine de
[1]
720 auquel vous avez-vous mesme souscrit. Or cette
opinion est heretique, si la vostre est la doctrine de l’Eglise.
[...].
Il me semble qu’un Eveque dans des instructions pastorales surtout adressées à son peuple,
ne devroit parler que le langage commun de l’Eglise. Nous sommes établis pour apprendre à nos peuples ce que l’Eglise les oblige de croire, et non nos
opinions particulieres. Nous avons tant d’autres armes pour confondre les novateurs, des armes que l’Eglise nous met en main, et que V.E. est plus en etat
d’emploier que personne ; qu’il n’est pas necessaire d’avoir recours à des opinions humaines et singulieres, plus capables d’affoiblir la bonne cause que de
la soutenir
.”
À propos des ultramontains, partisans de l’autorité temporelle et spirituelle des Papes.
“
Il semble que par là ils nous font grâce, que c’est uniquement pour menager nostre incredulité qu’ils nous tolerent, et ne font pas un nouveau simbole de
leurs opinions cependant qu’ils ne nous regardent pas moins en secret comme heretiques, nous autres françois qui iront les combatre, quoique pour ne pas
revolter une Eglise aussi considerable que celle de France, et eviter un schisme, ils ont la condescendance de s’abstenir de censures à nostre égard, et ne pas
declarer tout haut ce qu’ils pensent.
”
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