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Deux procès truqués et les débuts du reportage judiciaire

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[FUALDÈS].

Collection d’ouvrages autour de l’Affaire Fualdès

. 10 volumes in-12, 9 en demi-

chagrin noir moderne, 1 en demi-basane.

Précieuse collection de mémoires, témoignages, histoires des procès, comptes rendus d’audience, etc.

publiés entre 1817 et 1819.

Les ouvrages sont ornés, en tout, de 11 gravures hors texte, dont une en couleurs.

De tous les faits divers du XIX

e

siècle, l’assassinat du procureur Fualdès fut l'un des plus célèbres,

secouant l’opinion publique de toute l’Europe.

Le 19 mars 1817, on découvrit à Rodez, sur les berges de l’Aveyron, le cadavre égorgé de Fualdès, ancien

procureur impérial. Franc-maçon et révolutionnaire, il avait notamment siégé au procès de Charlotte

Corday. L’enquête mena très vite la police vers la maison Bancal, un lupanar crasseux planté au cœur

de cette cité puritaine.

Les tenanciers et quelques habitués passèrent rapidement aux aveux, puis on inculpa deux notables

locaux que des difficultés d’argent désignaient comme les instigateurs du crime. Le témoignage

accablant de Clarisse Manzon, fille d’un président d’Assises (qui prétendit avoir assisté au crime, puis

se rétracta) fut suivi par la déposition de près de 500 témoins ! Une sorte de folie furieuse s’empara

des 6000 habitants de la cité ruthénoise. Les pouvoirs publics, jusqu’au sommet de l’Etat, attisèrent

les rumeurs dans le difficile contexte de 1817 (en pleine Terreur blanche). Le deuxième procès eut

lieu à Albi en 1818 : trois hommes que les racontars avaient désignés comme coupables montèrent sur

l’échafaud dans la liesse générale.

L’affaire Fualdès n’était pas une erreur mais un complot judiciaire, un procès truqué ; prodrome des

grandes purges contemporaines. Pierre Darmon (La Rumeur de Rodez. Histoire d’un procès truqué.

Paris, Albin Michel, 1991) a démontré comment le procureur, au passé révolutionnaire et bonapartiste,

avait été victime d’une vengeance des royalistes ultra dans laquelle les guillotinés de 1818 n’étaient

absolument pour rien.

“Dans sa dimension archaïque, l’affaire Fualdès tient encore du procès en sorcellerie, mais dans sa

dimension politique, elle préfigure le maccarthysme et les procès de Prague.”

L’iconographie, assez curieuse, comprend aussi des portraits de personnages mêlés à l’affaire. On

relèvera le portrait-frontispice de

Mon plan de défense

, par madame Manzon (Albi, 1818) : il s’agit d’un

incunable de la lithographie dont les débuts parisiens remontent à 1817.

On assiste en outre à un phénomène éditorial qui préfigure les affabulations journalistiques de la fin

du siècle. Les éditeurs s’étaient eux-mêmes lancés dans la compétition, déléguant sur place un reporter,

alors appelé sténographe. Le plus célèbre était le polygraphe Touchard-Lafosse qui travaillait pour

l’éditeur Pillet de Paris. Ces comptes rendus furent des “best-sellers” sous la Restauration. “L’affaire

Fualdès marque ainsi les débuts du reportage judiciaire et des grands débats couverts en direct”

(Darmon, p. 138).

On joint :

- MANSON.

Mémoires de Madame Manson, explicatifs de sa conduite dans le procès de l’assassinat de M.

Fualdès

; Sixième édition. Paris, Pillet, 1818. In-8, veau porphyre, dos lisse orné, filets et roulette dorés

en encadrement des plats, tranches jaunes (reliure de l’époque).

Portrait lithographié en noir en frontispice, une vignette et un cul-de-lampe gravés sur bois et un fac-

similé de l’écriture de l’auteur. Ex-libris armorié gravé de la comtesse de Vaudreuil.

- PRAVIEL.

L’Assassinat de Monsieur Fualdès

. Paris, Perrin & Cie, 1922. In-12, demi-chagrin noir de

l’époque, dos à nerfs. Frottements à la reliure.

- LEPELLETIER.

Les Grands succès dramatiques

. Fualdès. Le Fils de la nuit. Paris, Librairie illustrée,

s.d. Grand in-8, reliure usagée.

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