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MARITAIN Jacques (1882-1973) Philosophe français, ambassadeur au Vatican de 1945 à 1948. Grand ami de Julien Green avec il échangea une abondante correspondance

Tapuscrit signé, avec corrections autographes, 8 pages in-4., daté à la ﬁn « Février 1946 ». Traces de scotch à une page.

« C’est au Pamphlet contre les Catholiques de France que je dois d’avoir connu Julien Green. Quand la petite brochure, introuvable aujourd’ hui, parut dans l’ éphémère Revue des Pamphlétaires, de Pierre Morhange… mon admiration pour la dureté de ces beaux contours pascaliens enfermant je ne sais quel tremblement de détresse, et le sentiment de me trouver soudain en face d’une âme exceptionnellement profonde me ﬁrent désirer de rencontrer l’auteur. Il aimait à se dérober ; je ﬁnis par le découvrir. Qui était ce Théophile Delaporte ? Un jeune homme de vingt-quatre ans qui avait déposé chez Plon le manuscrit de son second roman, Adrienne Mesurat,

paru dans la collection du Roseau d’Or… notre amitié se nouait dans les régions de l’ âme…Le pamphlet de 1924 restera comme un témoignage d’un moment étrange et mystérieux dans la vie intérieure de l’auteur, et d’un tournant décisif dans l’ histoire des lettres françaises. Seul Julien Green pourrait nous dire dans quel état d’esprit ont été écrites ces pages… ». Et, plus loin : « …Est-il besoin de noter que son pamphlet contient une bonne dose d’ injustice ? Il le fallait sans doute pour mieux sentir la vraie signiﬁcation de ce goût pour la conformité au siècle… qui semble avoir pris chez beaucoup la place du goût de la vérité. Il reste que si l’on a un peu voyagé par le monde, on est frappé de voir à quelle générosité évangélique et à quelle sensibilité aux appels des âmes répondent les initiatives dont les catholiques français sont capables. L’expérience de Théophile Delaporte était celle qu’un garçon de vingt ans affamé du paradis pouvait avoir du milieu intellectuel et bourgeois qui était le sien… », etc. Le 21 novembre 1986, Green écrivain dans son Journal : « Jetant après de longues années un coup d’oeil sur mon Pamphlet, je me persuade que j’en voulais surtout aux catholiques français de n’ être pas de bons protestants. Mais de cela je ne me rendais pas du tout compte. La qualité de foi protestante semble d’une étoffe plus solide ».

« … Si j’ai accepté de publier ma correspondance avec Jacques Maritain c’est d’abord et surtout parce que je la crois susceptible de servir sa mémoire et de la montrer sous un jour encore assez peu connu… ». Ainsi commence ce manuscrit de Green (comportant de très importantes variantes par rapport au texte déﬁnitif ) dans lequel l’écrivain raconte sa première visite àMaritain avant de rappeler longuement le précieux rôle que ce philosophe joua dans l’évolution de sa vie spirituelle. « Je dois à Stanislas Fumet de m’avoir mis en rapport avec Maritain (en 1925) … Pour la première fois je me trouvais en présence d’un laïc qui croyait avec force les mêmes choses que moi et qui en parlait avec une conviction bouleversante… A mon actif comme écrivain, je n’avais alors qu’un pamphlet incendiaire contre les catholiques de France. L’ idée d’une visite à un philosophe ne me séduisait guère, mais quand on m’apprit que par-dessus le marché ce philosophe était thomiste, je fus tenté de me dérober... L’ homme qui m’accueillit dissipa d’un coup toutes ces appréhensions….j’eus l’ impression immédiate de me trouver devant une âme très purement chrétienne. En une seconde je compris ce que pouvait être la sérénité intérieure alors qu’en moi tout n’ était que sourde inquiétude… depuis ma conversion en 1916, je ne m’ étais jamais entretenu avec un catholique de problèmes religieux… et voilà qu’un philosophe thomiste prenait au sérieux l’ étrange brochure et me posait toutes les questions auxquelles je brûlais de répondre… Avec une gaucherie qui m’ était naturelle, je déclarai à l’auteur des Degrés du savoir que je ne comprenais rien à ses livres… », etc.