Page 42 - cat-vent_ader14-06-2012

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que les louanges des femmes flattent bien plus notre amour-propre et prouvent par cela même doublement notre sensible
reconnaissance ; j’admire comment on a pu sympathiser avec tant de tact et de savoir dire avec mes idées et mes intentions
les plus secrettes, mais que l’on a de beaucoup embellies : dites donc à Madame
Georges
Sand, vous qui avez le bonheur de
la voir, que je la remercie sensiblement, et que je baise sa main qui a bien voulu écrire de si belles choses sur moi [l’article de
G. Sand,
M. Ingres et M. Calamatta
, avait paru dans
Le Monde
du 2 mars] : je m’en réjouis aussi beaucoup pour vous mon cher
ami. Je sais aussi que beaucoup d’autres se sont aussi occupés du peintre et du graveur dans des termes aussi honorables
qu’obligeans », et il charge Calamatta de les remercier, notamment Delécluze et « le bon papa Bertin »… Il se réjouit que
Calamatta apprécie le « talent du bon Flandrin. Je lui ai lu votre article il en est tout heureux, vous, qu’il admire tant. […]
Que vous faites bien de donner un beau pendant à la Joconde dans la Reine d’Aragon. Bravo, gravez, ne gravez que les
bons
.
Cependant, comme j’aime Scheffer, faites-lui mes sincères complimens de bon souvenir et que je me réjouis de ses succès »…
Reproduction page ci-contre
147.
Jean-Dominique INGRES
. L.A.S., Rome 4 août 1838, à Luigi Calamatta, « graveur en taille douce », à Paris ;
3 pages in-4, adresse, marques postales.
3.000/4.000
Il parle des travaux à la Villa Médicis : « depuis 3 mois à la tête de bon nombre d’ouvriers je fais restaurer notre belle villa
[…] Vous me direz que diable allait-il faire dans cette galère, c’est vrai, mon cher ami, mais j’i suis et je dois et veux en finir avec
conscience et honneur. J’ai cependant trouvé le moyen de finir le tableau de notre cher M
r
Marcotte, et un peu à d’autres,
mais peu de chose et voilà que le ministre vient de me charger par dessus le marché de fournir l’école de Paris des plus beaux
plâtres antiques de Rome. Autre administration et par conséquent autres doubles et triples soins qui décidément me font
changer de métier… (
mais chut
, tout ceci entre nous) »… Il félicite Calamatta d’avoir fini le dessin de M. Molé, et que celui-ci
en soit content : « j’ai autant envie que lui de le voir immortalisé en gravure ». Ils sont heureux de son succès. Il se plaint de
n’avoir pas reçu la copie du Raphaël, et raille gentiment Calamatta sur « la charmante sœur » de Mercuri, « si belle et si sage
et si Romaine dans tout ce que les romains ont de plus aimable et de bon naturel », en pensant aux
confetti matrimoniali
… Il
parle des « affaires de la Madonne [la gravure du
Vœu de Louis XIII
]. Il n’a pas tenu à nous que l’affaire ne soit meilleure dans
vos intérêts », et ce qui compte « c’est l’honneur et la réputation que vous a valu ce bel ouvrage, et c’est notre vraie joie pour
vous cher ami, tellement que vous me rendez fier aussi de mon propre ouvrage »… Il a perdu ses « bons Flandrin, vous verrés
leurs beaux ouvrages. J’ai promis au peintre d’histoire une belle Madonna, donnez-la-lui je vous prie en ami, car il est bien
le vôtre sous tous les rapports et si digne de l’être aussi je vous le recommande comme de mes
meilleurs
 »… Il prie encore
Calamatta, qu’on dit directeur des gravures du cabinet Aguado, de charger le bon Salmon d’une gravure pour ce cabinet :
« c’est avec toute discrétion que je vous demande ce service pour ce digne garçon »…
148.
Jean-Dominique INGRES
. L.A.S., [Rome début août 1839], à Luigi Calamatta ; 4 pages in-4.
4.000/5.000
Très belle lettre sur le portrait gravé d’Ingres par Calamatta, la gravure de son
Apothéose d’Homère
, et sur
Franz Liszt.
Il n’a pas au monde « un plus sincère et dévoué ami » que Calamatta, et son seul regret « c’est d’être
forcé de compter
avec vous
 »... Sa femme et lui vont mieux : « C’est toujours elle, ma bonne, mon excellente femme ! À la vue du portrait
admirablement
gravé que vous avez fait de son Ingres, elle s’est un peu calmée sur la propriété du dessin, et vous remercie
de tout son cœur. Quant à la liste de mes élèves, je suis assez embarrassé, je ne l’ai pas, et puis beaucoup ne payront pas »…
Il recommande d’en donner aux amis intimes : Roger, Blondel, Marcotte, Gattaux, Dumond, Orsel, Roger, Varcolier, Saulnier,
Franchet, etc., et de lui en faire passer : « ce portrait est
admiré au possible
par
moi
d’abord et
par tous
, qui me le demande
de tous côtés et les 3 douzaines ne seront pas de trop :
et altro che Calamatta lo potera fare 
! »… Il tient à payer « tout le
matériel
que cet ouvrage vous a fait dépenser »… Il presse Calamatta de finir sa gravure du portrait de Molé, regrette qu’il ne
veuille pas épouser la sœur de Mercuri, et évoque leur ami Taurel, qui reste à son poste [Amsterdam] mais qu’il espère voir
à Paris, « car je n’irai jamais dans un pays qui sent la
république
et où par conséquent le peuple n’y est même qu’
insolent
 ! »…
Il sera « toujours
heureux et glorieux
d’être gravé par vous », et voudrait voir Calamatta graver son
Apothéose d’Homère
et son
Colonna
, mais il prévoit des difficultés, en particulier la nécessité de modifier le dessin « d’abord comme
places de
figures
et
caractère de figures
, par conséquent
déterminer
un autre
cadre
et beaucoup plus
grand
, ce qui en devra faire
la
plus grande estampe connue
». Il veut modifier, ajouter et enlever certains caractères : «
Mon trait fait
, et
arretté
, le dessin ne
pourra donc être fait que par morceaux, d’après le tableau sur les morceaux qui ne devront subir aucune modification, mais
les autres me devront être soumis à Rome ou à Paris, pour que j’en termine l’effet, le caractère et le
modelé
 ». Dans deux
mois il pourra livrer en dessin « le
fond fait
entièrement à l’effet
, et le
trait
et
place définitive
et du
nombre des figures
 » …
Il est très déterminé à ne rien lâcher sur « ce qui me
concerne
dans mon
goût
et mes idées de Peintre de l’Homère, et parce
que naturellement il n’y a que moi qui sait ce qui comme on dit,
se passe dans mon soulier
», afin que Calamatta fasse « la plus
belle gravure du siècle
»…
Il termine en disant son bonheur de jouir à Rome de Liszt, « ce
grand musicien
 » qui a insisté pour qu’Ingres
l’accompagne : « J’étois comme l’agneau sous la protection d’un lion généreux ; enfin je suis enchanté, ravi, non seulement
de son admirabilissime talent mais aussi comme homme très bon, très aimable, très instruit , plein d’esprit […]. Sa compagne
M
e
 d’Agoult nous a charmés par tout ce qu’une femme du plus grand mérite en savoir et en grâces peut-être. Je lui ai fait un
mauvais portrait dessiné, que par cette raison vous ne graverez pas. Attendons que j’en aie fait un meilleur »…
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