ADER. Paris. Femmes de lettres et manuscrits autographes - page 10

« Sentir, aimer, souffrir, se dévouer, sera toujours le texte de la vie des femmes », écrit Balzac
dans
Eugénie Grandet
. Au fil des pages et des lettres, on pénètre dans l’intimité des femmes, des
plus grandes aux plus humbles, et l’on peut revivre, pour reprendre le titre du merveilleux cycle de
Robert Schumann,
L’Amour et la vie d’une femme
. Lettres intimes souvent, au père, à la mère, aux
grands-parents, au mari, à l’amant, au frère, à la sœur, aux enfants, aux amies et amis… Parmi les
lettres familiales, il faut citer la touchante lettre de Sainte Jeanne de Chantal à sa belle-fille (1631),
évoquant la « pauvre petite » Marie (future marquise de Sévigné) ; ou la correspondance si vivante
de la famille d’Orléans, de Marie-Amélie à Louis-Philippe ou à leurs enfants, et inversement, et des
enfants entre eux, ainsi qu’avec Madame Adélaïde, et les échanges autour de la rupture de Nemours
avec sa maîtresse la danseuse Albertine, à la veille de son mariage (1840).
Certains ensembles permettent de suivre le fil d’une destinée : Manon Roland, écrivant à
seize ans à son amie de pension (1770), annonçant son mariage avec Jean-Marie Roland (1780), ou
confiant les cahiers de ses Mémoires à Mentelle, quelques jours avant d’être guillotinée (1793) ;
Juliette Drouet et ses lettres d’amour à Victor Hugo sur près de cinquante ans ; George Sand, dès
ses débuts en littérature en 1832 où elle adopte son pseudonyme (avec un S au prénom), jusqu’à
une longue lettre de confidences à Flaubert en 1871. Citons encore la lettre autobiographique de
Madame Campan en 1816.
D’une quinzaine de lettres d’enfance ou de jeunesse, on retiendra celles, charmantes, des
filles de Louis XV : les jumelles « l’aînée » et « seconde », ou « la quatrième », s’adressant à « papa
Roy » par le truchement de « papa Cardinal » Fleury ; celle de la fille de la Pompadour, morte à neuf
ans ; ou les espiègleries de Minou Drouet.
Au temps des amours, on verra comment Juliette Drouet sait, avec génie et fantaisie,
renouveler sans cesse le langage amoureux. Parmi bien d’autres, il faut citer la brûlante lettre de
Renée Vivien à sa maîtresse Kérimé (1906). On lira aussi de beaux témoignages d’amitié, sous la
plume de Ninon de Lenclos : « Jay le même gout que vous à obliger mais il faut avoir des amis de
vostre sorte pour exerser cette bonne qualité. Je soray pourtent ne pas abuser de toute celles que
vous avez. Je tiens que cest le premier devoir de lamitié » ; ou sous celle de Julie de Lespinasse :
« jouissez bon Condorcet d’un avantage inapreciable, celui d’avoir un grand talent qui doit occuper
votre vie, l’amitié remplira votre ame qui est aussi sensible qu’elle est honête »…
Le mariage donne lieu souvent à de difficiles négociations (la princesse des Ursins) et à
de brillantes fêtes (comme celles narrées par la comtesse d’Egmont, ou Madame Tallien devenue
princesse de Chimay). Vient alors le temps de la maternité, évoquée avec humour par Yvette
Guilbert en réponse à une enquête. Christine de Lorraine, Grande-Duchesse de Toscane (1590) dit
de sa grossesse : « elle me laisse & bien dormir & bien manger & engraiser, qui sont tous contraires
effectz que sentent ordinairement les autres femmes »… Lui fera écho en 1942 Françoise Dolto
attendant le chanteur Carlos ! Sans oublier les touchants conseils de la comtesse d’Houdetot à
une jeune femme enceinte. D’autres grossesses sont difficiles, comme celle de la pauvre « Toto »,
Princesse des Asturies, qui fait une fausse couche en 1804 : « le Prince en était enchanté et depuis il
est de si mauvaise humeur que c’est un vrai tourment, c’est dire que les femmes ont bien à souffrir
appres etre incomodé elles ont à souffrir la mauvaise humeur des hommes »… Sur l’éducation des
enfants, on retiendra la savoureuse lettre à Marie de Médicis de la baronne de Monglat, gouvernante
du petit Louis XIII, atteint de la gale à huit mois (1602). Les brouilles et mésententes conjugales
sont aussi évoquées ; certaines amènent la séparation ou le divorce : Letizia Bonaparte annonce ainsi
le divorce de ses fils Napoléon et Louis (1809), Pauline Borghese s’inquiète de l’issue de son procès
en séparation (1825), Liane de Pougy explique pourquoi et comment elle divorce du prince Ghika
(1923).
Quand vient l’heure de la vieillesse, qu’évoquent une Mme du Boccage « ridée et ruinée »
(1796) ou une Yvonne de Gaulle qui se retire dignement de toute vie publique (1977), on prend
des dispositions avant de quitter ce monde : Madame Sophie, la sixième fille de Louis XV, ne veut
aucune cérémonie et interdit qu’on l’autopsie (1781) ; Louise de Prusse rédige pour son fils aîné
un testament moral d’une grande élévation : « La
véritable liberté
ne consiste pas en
faisant
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