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comment pourrais-je admettre de la voir maltraiter sous mes yeux ? Et approuver vos malgracieux procédés envers elle ? Vous
venez de réussir à faire de moi le belgophile le plus inattendu, le plus insolite et le plus consciencieux ». Il juge intolérable le ton
employé pour parler de ce pays « qui compte des artistes comme Meunier, Lambeaux, Frederic, des écrivains comme Lemonnier,
Eekhoud, Verhaeren, Giraud, etc… Des hommes de la haute valeur d’Edmond Picard et d’autres ». De plus il écrit que j’attends
toujours qu’on m’achète mon
Christ aux Outrages
. Pardon, Monsieur, c’est une chose que j’ai cessé d’attendre depuis quinze ans
qu’on en parle et qu’il est achevé »…
Au sculpteur Constantin M
EUNIER
, ancien élève de son père (Charles de Groux), disant « une bonne fois encore la vive et
profonde affection qui a toujours été en moi pour vous, l’ami de mon père bien aimé et l’admiration pour le grand artiste que
vous êtes. […] Après mon père que je n’ai malheureusement pas connu et que vous paraissez avoir tant aimé, vous étiez l’homme
pour lequel je me sentais la plus vive et la plus fidèle tendresse ». Il veut dissiper un malentendu, et dire l’immense chagrin qu’il
éprouverait s’il l’avait offensé, même à son insu. Il regrette les quelques faits passés qui auraient pu motiver ce sentiment, dont
principalement « ma lettre écrite autrefois à Jean L
ORRAIN
sur la Belgique et qui n’était nullement destinée à la publicité », où il
exprimait son douloureux désenchantement à propos de son pays natal…
À Rodolphe D
ARZENS
. Il lui envoie des documents et la reproduction d’un tableau de sa période nouvelle, le
Festin de
Balthazar,
qui lui paraît capable de détrôner son si célèbre
Christ aux outrages
, dont on a trop parlé. Il reproche aux critiques de
n’avoir pas vu l’évolution de son style depuis ce tableau de ses débuts, malgré ses énormes progrès : « Bien que je sois loin de
dédaigner cette œuvre de ma jeunesse dont le succès même s’est d’ailleurs longtemps retourné contre moi, […] elle n’en contient
pas moins, parmi beaucoup de défauts, la formule déjà très nette [...] d’un art que je devais m’efforcer de pousser beaucoup plus
avant », qu’il verra désormais s’enrichir et se perfectionner dans sa production future, comme l’attestent ses travaux de Marseille
qu’il espère exposer à Paris. Il est heureux que ce soit l’ami Darzens qui veuille réparer cette erreur dont il a été victime toute
sa vie, par l’ignorance et la mauvaise foi d’un grand nombre, et révéler aux yeux de tous « la réelle signification de mon activité
d’art, au milieu de la sotte mascarade, de l’absurde pagaïe où s’attardent aujourd’hui nos curiosités ? Que de ridicules chapelles !
Que de fourmilières, de taupinières »... Il pense n’avoir jamais aussi bien maîtrisé son art, que ce soit comme peintre, sculpteur
ou graveur…
Il remercie le Révérend Père L
ÉON
, tertiaire aux Frères mineurs, d’avoir parlé en chaire de son tableau le
Christ aux Outrages
et de l’avoir qualifié de « grand artiste ». Il se rappelle ses paroles « contre les ignobles manufacturiers de la rue Saint-Sulpice et
la décadence de l’art religieux ». Il lui raconte « l’attentat » qu’il vient de subir concernant ses fresques dans une chapelle, etc.
– À Louis D
UMONT
-W
ILDEN
, au sujet de l’œuvre de son père le peintre Charles de G
ROUX
, qu’il juge déconsidérée par l’administration
des Beaux-Arts de Bruxelles, traitement qui lui est « positivement odieux ». Il n’a pas demandé, en ce qui concerne Berlin, la
première place pour lui, « Mais j’ai parlé et je parle encore pour mon père, à qui elle revient, comme chef reconnu de l’École
Moderne en Belgique […]. Or l’œuvre de mon père n’a jamais été plus vivante, plus jeune qu’aujourd’hui, et c’est une honte qu’aux
yeux de l’étranger », il ne soit pas le premier, le favori… – À Edmond P
ICARD
: « Si la Belgique est réellement la grand patrie que
vous ne cessez d’encenser avec un dédain magnifique des injustices qu’elle eut envers vous-même, quelquefois, comment se fait-il
qu’un artiste qui depuis vingt ans est honoré par l’étranger, se retrouve en but aux mêmes avanies, aux mêmes luttes contre la
plus inexorable misère dès qu’il a remis le pied dans son pays, avec toutes les œuvres qui ont réussi à déchaîner l’enthousiasme
en d’autres pays ? »… Etc.
[Vers 1915]
, à un ministre. Après ses témoignages d’estime sur ses travaux de guerre, il désire les poursuivre en se rendant
sur le terrain, et demande « une autorisation régulière de visiter le front ou toute autre région de guerre féconde pour moi », sa
curiosité d’artiste ayant jusqu’ici dû se contenter de ce que lui rapportent des confrères plus chanceux… – À M. W
EIL
. Il a signé
chez lui un reçu de 150 francs « pour un de mes plus beaux dessins, avec un droit de reproduction concédé infiniment », en faveur
du Secours National aux blessés de la Guerre auquel il tient à montrer sa solidarité ; ce prix n’est pas du tout le tarif habituel
d’une telle œuvre … – Au sujet des suites « d’un accident survenu au cours de mes plus récents de sculptures [qui] nécessitent
une opération chirurgicale » ; il a un statut de réfugié belge pendant la Guerre : « Bien que français d’origine, par mon père, j’ai
opté jadis pour la nationalité belge »… – À Eugène M
ONTFORT
au sujet de la suppression du Canal des Douanes à Marseille :
« Je suis autant que vous hostile à tout ce qui tendrait à modifier la physionomie si caractéristique de Marseille et spécialement
du Lacydon »… – À G
INIÈS
, réclamant avec impatience le règlement d’un pastel… –
[1927]
, au directeur de la revue
Théâtre
, au
sujet de ses travaux pour le nouvel Opéra de Marseille, expliquant le choix du banquet de Trimalcion comme sujet de ses deux
compositions… – Au directeur du
Monde illustré
: « Invité à collaborer à ce chef d’œuvre de sottise et de médiocrité bourgeoise
dont
le Monde illustré
semble détenir la stricte formule sous votre diligente direction, j’ai fait de mon mieux sans réussir, c’était
fatal, à vous satisfaire ». En outre, son « charmant » collègue M. de Mandion s’est avéré « l’être le plus emmerdant que la terre ait
jamais connu ». Il est désormais convaincu de leur parfaite incompatibilité… – À son « cher Irénée », au sujet de l’affaire du
Christ
aux Outrage
, affaire « bien morte et qui est, certes, une des plus copieuses dégoûtations de ma carrière tant féconde en l’espèce ».
Il n’attend plus rien de la Belgique et des Belges, heureux en Provence où il habite à présent avec sa famille, dans trois châteaux
féodaux : « Saint-Pierre des Camoins, qui est un atelier et peut-être bientôt un domaine définitif. Le Château des Plaines, […] et le
Pavillon de l’Infant à Aix-en-Provence où je suis occupé, pour un cercle d’artistes et de littérature à la statue de V
ILLIERS DE
L’I
SLE
-
A
DAM
. Me sont encore commandés le buste de Frédéric M
ISTRAL
, commencé, et un monument au Félibre A
UBANEL
». Il voyage dans
toute la Provence… –
Castelnaudary
. Il est à Castelnaudary pour fondre des statues, « un travail véritablement cyclopéen dans la
touffeur constante des métaux en fusion ajoutée à celle de juillet », à la fonderie : il pense obtenir une assez belle statue et une
jolie statuette…