Page 89 - Bodin 20 MAI 14.indd

Version HTML de base

87
Deux pages de notes autographes préparent des scènes du film. La première concerne l’enterrement d’Estelle : « Elle marche :
des fleurs, j’en ai eu. Elle s’avance vers le noir. De profil et un peu en arrière, l’appareil marche avec elle. Cadrer sur le visage
d’Estelle »… Etc. L’autre concerne Garcin : « Un paysage vu d’avion ou d’une colline. On prend un petit groupe de tombes et une
tombe. Écriteau : Garcin. Enchaîné sur l’immeuble avec les grandes affiches : Le Phare, organe de la Fraternité Universelle »… Etc.
O
N
JOINT
une L.A.S. de Sartre à Jean-Bertrand Lefèvre-Pontalis, Vendredi (1 p. in-4, en-tête
Les Temps modernes
) : « Je suis
tout à fait opposé à mettre la scène du rouge à lèvres
avant
. D’une manière générale vous pouvez changer les détails mais je ne
signerai jamais un scenario qui ne suivrait pas
rigoureusement
l’ordre des scènes »… Plus 2 pages de critiques et remarques sur le
scénario (par Pierre Laroche ?) ; et 2 photographies : Gaby Sylvia, Michel Vitold et Tania Balachova dans
Huis clos
en 1944 (studio
Harcourt
), et René-Jean Chauffard dans un film d’amateur.
221.
Jean-Paul SARTRE
. M
ANUSCRIT
autographe, [1946] ; 1 page et demie in-4 (quelques légères mouillures).
2.000/2.500
R
ÉFLEXIONS
SUR
LE
J
UIF
, pour ses
Réflexions sur la question juive
(1946).
« Que choisira-t-il ? Rien ne permet de le prédire puisqu’il est libre. Toutefois la situation le réduit à cette alternative : il
faut choisir de nier sa situation ou de la revendiquer. Et c’est bien en effet l’un ou l’autre de ces partis qu’il prendra : mais il y a
mille et mille manières de refuser, mille et mille manières d’assumer. Aussi y a-t-il des milliers de “caractères” juifs – à vrai dire
on peut en concevoir une infinité. Car un Juif n’est rien d’autre que ce “projet” pour dépasser une situation intolérable. Ni race,
ni religion : mais un homme libre et qui cerné par la haine ou l’injuste mépris se jette, au-delà ce mépris et cette haine, vers ses
buts propres. Et s’il choisit de fuir, qui donc oserait le blâmer ? Cette fuite n’est pas une lâcheté, ni une désertion : c’est un essai
pour vivre sa vie comme si le problème juif n’existait pas, un effort de toute la personne, qui se manifeste dans le travail comme
dans les jeux, dans la solitude et dans la vie sociale, pour supprimer symboliquement en l’homme et hors de l’homme la
réalité
du problème juif. Cette fuite est un martyre, au sens propre du mot, car le Juif qui fuit tente de prouver avec sa chair que la race
juive n’existe pas. Ainsi est-il hanté sans répit par ce fantôme qu’il veut anéantir et, bien entendu, c’est cette tentative d’évasion
qui le constitue comme Juif, car c’est le Juif seul qui peut vouloir s’évader de la situation juive »… Etc.