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glorieuse d’avoir produit le premier homme de la Révolution, les républicains verront avec plaisir la résurrection 1° de Chaumette,
d’Anacharsis Clootz, des hommes courageux qui comprirent
que la Révolution était une religion
et ne pouvait composer avec nulle
autre sans périr. 2° de plusieurs Dantonistes, spécialement de l’illustre et infortuné Fabre d’Églantine – j’ai exhumé des archives
les preuves matérielles
de son innocence. 3° de la Montagne indépendante, je veux dire de ceux qui ne furent ni dantonistes,
ni robespierristes, ni hébertistes, tels que Romme, Soubrany, Baudot, Lacoste, Maure, Ruhl, etc. etc., fraction admirable de la
Convention qui, avant thermidor, craignit la dictature, mais qui, après thermidor, loin de partager la fureur des thermidoriens,
furent leurs victimes, et généralement se donnèrent la mort, pour ne pas survivre à la République. [...] Mon livre, comme vous le
verrez, est sorti presque entièrement des actes les plus secrets du gouvernement de la Terreur ».
O
n
joint
une L.A.S. du 12 février 1859 à un confrère, auteur d’articles sur l’Égypte.
123.
Honoré Gabriel Riquetti, comte de MIRABEAU
(1749-1791). L.A.S. « Mirabeau fils », Mirabeau 28 janvier
1774, à M. R
aspaud
, avocat au Parlement d’Aix ; 3 pages in-4, adresse, cachet cire noire aux armes (brisé, qqs petites
corrosions d’encre).
1.500/1.800
B
elle
lettre
de
colère
contre
son
père
,
évoquant
le marquis
de
S
ade
.
« Ceci passe la plaisanterie [...] et dès qu’on devient féroce, je montrerai les dents ; car j’ai bien pû me taire sur la dureté d’un
père, quand elle n’a touché que moi, mais j’atteste Dieu et les hommes que je dois plus à mon fils et à ma femme qu’à mon pere ;
j’atteste Dieu et les hommes qu’une femme qui n’a rien à se reprocher, qui nourrit son fils, qui a apporté plus de cent mille écus
de dot, mille écus de rente, et qui a épousé son égal, ne sçauroit etre privé, je ne dis pas du nécéssaire, qu’aucun être vivant ne
peut perdre, je dis d’un entretien honnête et decent [...] Tous ces gens là me croyent donc bien bête ou bien lache, s’ils ne me
supposent pas capable de réclamer pour ma femme, de plaider sa cause avec toute l’éloquence de l’indignation et de la fureur. Elle
n’est nullement ma complice ; quand elle le seroit, imagine-t-on de bonne foi que les véhémentes diatribes de mon pere m’ont
persuadé que j’etois coupable de leze majésté divine et humaine, et qu’il falloit m’interdire le feu et l’eau »... Il prévoit d’employer
de nouveaux coups d’autorité : « c’est la ressource des esclaves en credit, quand ils ont tort ; mais je ferai retentir assurément
l’ignominie d’un tel procédé, et, puisqu’il le faut, je plaiderai la cause de l’humanité contre l’ami des hommes »...
Il énumère ses besoins en fait de domestiques, parle des ouvriers à sa maison et déclare : « Je ne veux, ni ne puis croire que
M. le Marquis de M
arignane
, souffre que mon pere nous opprime jusqu’à nous ravir la subsistance, qu’il insiste serieusement
pour que sa fille me quitte ; on n’a pas ôté, ni pu ôter sa femme à M. de S
ades
souillé de tous les crimes. Envoyez lui donc ma
lettre ; il aura la bonté sans doute de nous dicter mes démarches, auxquelles je me conformerai très éxactement, pourvû qu’elles
nous fassent rendre justice que j’aurai à quelque prix que ce soit »...
Ancienne collection Robert G
érard
(1996, 216).
Reproduction page 57
124.
Honoré-Gabriel de Riquetti, comte de MIRABEAU
(1749-1791). L.A.S. « Gabriel », [donjon de Vincennes]
16 février 1779, à Sophie M
onnier
 ; 8 pages in-4 remplies d’une petite écriture (petits manques avec perte de qqs
lettres, pli fendu au dernier feuillet).
4.000/5.000
L
ongue
et magnifique
lettre
d
amour
écrite
de
la
prison
de
V
incennes
.
Il lui écrit par M. B.[Boucher, premier secrétaire du Lieutenant de police, leur « bon ange »] ; elle est pardonnée, mais il avoue
les affres qu’il a connues : « mon imagination impétueuse, qui toujours porte à l’extrême ce qui intéresse mon cœur, s’est mise
en mouvement. Je t’ai crue – que sais-je moi ? – morte, malade ou mourante ? »… M. B. pouvait seul éclairer le retard dans leur
courrier mais les hasards sont toujours contre Mirabeau : « on ne l’a trouvé que le mardi 9 ; parce que le Roi et la reine étoient
venus le lundi 8 à Paris [après la naissance de Madame Royale] essayer de faire 100 couples d’heureux, tandis que tant d’autres
couples d’innocens gémissent dans les fers (et voilà comme les Rois sont bons – comme on trompe jusqu’à leur générosité !) »…
Après dix jours et onze nuits dans les agonies de la douleur et de l’incertitude, uniquement occupé de Sophie et dans « les délires
même de cette imagination que toi seule embrase », il reçoit sa lettre qui calme son cœur assombri : « je dirois volontiers comme
Oreste :
mon innocence enfin commence à me peser
. Il n’est point de repos avec mes implacables ennemis ; il n’en sera que dans la
tombe. Aucune pitié ne sauroit pénétrer dans leur ame pétrie de fiel : aussi barbares qu’injustes, ce que leur iniquité refuse, leur
commisération ne l’accordera jamais. […] Je ne sais si proscrit par un destin supérieur, par cette nécessité fatale qui laisse triompher
le crime et gémir l’innocence, je suis destiné à mourir de désespoir, ou à mériter mon sort par un crime »…
Il exhale son indignation et sa haine contre son père, le commandant, le médecin, le chirurgien, etc. ; il ne se familiarisera
jamais avec l’idée de n’attendre le repos que de la mort d’un père ! Et de citer à propos de leur destin cruel quelques vers du
Démophon
de Métastase… Il s’inquiète des « 
bobos
 » de Sophie et de sa santé, des nouvelles vagues de leur enfant… Sophie a bien le
droit de se moquer du « babil des femmes » ; il n’en a jamais vu de plus silencieuse et dont le parler fût plus réfléchi. « Certes, les
observateurs vulgaires qui ne sachant de ton histoire que ce que tout le monde en sait, s’attendent à trouver en toi de l’impétuosité,
de la fougue, de la volubilité, en un mot une tête à grands mouvemens, sont un peu surpris de n’y appercevoir que la douceur, la
modestie, la pudeur d’une vierge. Pauvres gens ! qui ne savent pas que l’amour ne naît, ne germe, ne s’exalte que dans une ame
honnête, forte et concentrée ; qu’aucun sentiment n’est aussi chaste que l’amour ; aucun plaisir plus décent que la vraie volupté
et ses jouissances ; que les têtes les plus vigoureuses, et les cœurs les plus ardens sont ceux qui se repliant sur eux-mêmes, et se
nourrissant de leurs propres forces, n’ont aucun besoin des émotions extérieures et étrangères, et ne s’exhalent jamais en vains
discours »… Du reste, la volubilité féminine est voulue par la nature pour l’éducation des enfants ; il exprime quelques théories
là-dessus, car « M. T
issot
n’a pas dit tout cela »...