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140.
André PIEYRE DE MANDIARGUES
(1909-1991). P
oème
autographe signé,
Anhydre Solitude
 ; 1 page in-fol.
150/200
Poème de 19 vers daté du 8 septembre 1981 :
« Infime repentir de l’air
Poire minuscule d’angoisse »...
O
n
joint
une petite pièce autographe signée de 2 vers,
Cavalier
, et 2 photographies du poète lors d’un vernissage. Plus une
l.a.s. et un poème (
L’oiseau bleu
, dactyl. et signé) de Marcel B
éalu
.
141.
Pierre Joseph PROUDHON
(1809-1865). L.A.S., Ste Pélagie 2 octobre 1851, à un « cher et ancien collègue » ;
3 pages et demie in-8 à en-tête du journal
Le Peuple de 1850
.
1.200/1.500
T
rès
belle
lettre
de
prison
.
Proudhon a été transféré de la Conciergerie à Sainte-Pélagie, près de sa famille ; c’est « comme si j’étais aux arrêts dans ma
chambre » ; il peut voir sa femme de sa fenêtre et lui parler. Mais on ne lui permet plus les trois jours de sortie par mois... « J’ai
répondu que je me considérais comme
prisonnier de guerre
, non comme coupable mis en pénitence ; que je sortais
sur parole
, c’est-
à-dire sous la condition de rentrer à l’heure dite, et de ne me mêler en rien à la politique [...] et que je n’entendais subir aucune
prescription qui pût changer le caractère de la détention politique, telle que je la conçois et la comprends ». Mais, au ministère,
« on veut absolument que je sois un criminel, et que je me tienne pour tel. Si on use de modération envers ma personne, [...] c’est
qu’on espère obtenir ma
conversion
.
Prisonnier de guerre !
Cela sonne mal aux oreilles du Gouvernement, qui, comme l’Église, se
croit infaillible, et hors de lui, ne voit qu’erreur et délit »...
Proudhon est « double père de famille [...] avec la plénitude de l’existence, il me semble que j’ai acquis une plénitude de
volonté, de force, et d’idée, que nul célibataire n’obtiendra jamais. [...] ce qui a fait la force incomparable du Peuple Romain,
pendant 6 siècles, c’est que ces gens-là, soldats, consuls, sénateurs, etc., étaient tous pères de famille ; [...] nous n’avons plus ce
caractère. On se marie par intérêt, ou par amour ; on se marie pour être riche, ou pour nager dans la volupté. Double erreur, double
insulte au mariage ». II faut des femmes « simples, matrones, laborieuses, sévères, retirées, modestes, et soumises [...] Il n’y a plus
de pères de famille en France : et je vois approcher le jour où la France ne sera plus une nation... » Proudhon souhaiterait voir son
ami, malgré leur différence complète de convictions. Le système qu’élabore Proudhon sur la nature et la société ne lui est « pas
encore apparu dans son intégralité », mais c’est pour lui une certitude... « si mainte fois le spectacle d’un chrétien honnête homme
et père de famille m’a rendu respectable une foi qui n’est pas la mienne, j’ai l’ambition à mon tour de rendre respectable, par ma
vie privée, les opinions que je professe »...
142.
Pierre Joseph PROUDHON
(1809-1865). 2 L.A.S., [1
er
avril] et 22 juin [1860], à son ami Auguste R
olland
à
Bruxelles ; 2 pages et demie et 2 pages in‑8, une enveloppe.
1.500/1.800
B
elles
lettres
politiques
 ; la première semble inédite.
[1
er
avril]
. Il dit sa rage contre ses compatriotes : « Est-ce que 36 millions d’hommes ne sont pas un assez bel échantillon de
l’espèce [...] Non, non, 36 millions de lâches et de sans cœur ! Seulement je trouve, quoiqu’en dise M. Thiers, que le patriotisme
n’est pas la formule souveraine de la justice, et qu’il y a lieu de regarder encore au-delà. [...] Si je m’appelais Guizot, Thiers,
Changarnier, Cavaignac, peut-être pourrais-je exercer quelque petite influence dans le monde des partis et de la politique, et être
de quelque utilité aux gens que tout ceci dégoûte : mais je reconnais que les choses nous tournent le dos, et que nous sommes
de plus en plus écartés ». Selon lui, les derniers mois ont fait avancer les affaires de la restauration monarchique et reculer la
démocratie. Il parle du succès de l’évêque D
upanloup
qui soutient la cause pontificale, et du général L
amoricière
qui doit aller à
Rome ce qui donnerait au Pape une belle et bonne armée : « Lamoricière à Rome, c’est le parti orléano-légitimiste qui prend en
main, contre les bêtises impériales, la défense du Pape ». Il parle également des scandales provoqués par le livre de T
hiers
et la
protestation de Jérôme B
onaparte
-P
atterson
, du bonapartisme tourné en ridicule : « la campagne d’Italie a donné aux militaires
la mesure de Badinguet ». Les Républicains sont muselés mais il faut réchauffer le zèle des réfugiés restés à Bruxelles et leur
faire comprendre « que se refuser obstinément aux idées économiques, se poser en conservateurs, c’est servir la monarchie
constitutionnelle, absolument comme se poser en chauvin, c’est servir l’Empereur. Est-il écrit que la république ne parviendra
pas à se dégager de ces deux faces équivoques, l’orléanisme et l’impérialisme ? » Il faudrait voir le libraire Lebègue à propos d’une
réimpression, car Proudhon veut savoir « si je dois me renfermer dans mon initiative individuelle ou si je puis [...] former un
commencement de noyau [...] il faut parler et faire quelque chose »...
22 juin
. Il voulait présenter à Rolland un ami, le docteur Cook, espagnol d’origine « incarcéré à la suite du 13 juin, et depuis
exilé de France pendant deux ans ». Il prend en dégoût la réimpression de son ouvrage : « il me répugne de me remâcher comme
je fais » ; et à propos du journal
Le Nord
, il demande : « est-ce que vous ne vous apercevez pas qu’à l’allure de tout ce journalisme
plus ou moins lâche, vide, et bête que le monde tourne cependant, et que les esprits ne sont plus du tout au point où ils étaient en
1848 ? [...] Certes, ce ne sont pas les esprits qui ont marché, ce sont les choses ! Quels publicistes à citer que les La Guéronnière,
les Jourdan, les About, quels orateurs que les Fould, les Troplong, les Ollivier !... Mais, enfin, la vieille machine se désorganise ;
le monde change de forme »... Il a reçu une lettre de Marc D
ufraisse
qui veut encourager l’œuvre de Proudhon, estimant qu’il
est temps de flageller la nation française comme elle le mérite. Dufraisse pense aussi que la révolution italienne ne peut aboutir
à rien, il y a selon lui « trop de bonapartisme, d’intrigues, trop de fantaisie, et trop peu de vertu républicaine »... Proudhon parle
de ce que coûtent Nice et la Savoie à la France, et des affaires qui vont de plus en plus mal : « quel mépris, quelle colère soulève
aujourd’hui ce nom de N
apoléon
, si bien accueilli après le coup d’état ! Quelle magnifique position pour les républicains, si les
républicains étaient des hommes ! »...