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164.
George SAND
(1804-1876). M
anuscrit
autographe pour
La Comtesse de Rudolstadt
, [1844] ; 1 page in-8 (chiffrée
25) avec ratures et corrections.
500/600
Fragment de la « Lettre de Philon » qui conclut le roman, et publiée dans la
Revue indépendante
du 10 février 1844, avant
d’être reprise en volume (L. de Potter, 1844). … « Nous sûmes bientôt que nous étions au pied de la montagne et du château
des
Géans
, et, d’après ce nom, nous eussions pu nous croire transportés par enchantement dans la grande chaîne septentrionale des
Karpathes. Mais on nous apprit qu’un des ancêtres de la famille Podiebrad avait ainsi baptisé son domaine, par souvenir d’un vœu
qu’il avait fait dans le
Riesengebürge
. On nous raconta aussi comment les descendants de Podiebrad avaient changé leur propre
nom, après les désastres de la guerre de trente ans, pour prendre celui de Rudolstadt ; la persécution s’étendait alors jusqu’à
germaniser les noms des villes, des terres, des familles et des individus. Toutes ces traditions sont encore vivantes dans le cœur
des paysans bohêmes. Ainsi le mystérieux Trismégiste, que nous cherchions, est bien réellement le même Albert Podiebrad, qui
fut enterré vivant, il y a vingt-cinq ans, et qui, arraché de la tombe, on n’a jamais su par quel miracle, disparut longtemps et fut
persécuté et enfermé, dix ou quinze ans plus tard, comme faussaire, imposteur et surtout comme franc-maçon et rose-croix ; c’est
bien ce fameux comte de Rudolstadt, dont l’étrange procès fut étouffé avec soin, et dont l’identité n’a jamais pu être constatée »…
165.
George SAND
(1804-1876). L.A.S., Nohant 17 janvier [18]69, à Gustave F
laubert
 ; 7 pages in-8 à son chiffre.
3.000/4.000
T
rès
belle
et
longue
lettre
à
F
laubert
.
« L’individu nommé G. Sand se porte bien, savoure le merveilleux hiver qui
règne
en Berry, cueille des fleurs, signale des
anomalies botaniques intéressantes, coud des robes et des manteaux pour sa belle-fille, des costumes de marionnettes, découpe des
décors, habille des poupées, lit de la musique, mais surtout passe des heures avec la petite Aurore qui est une fillette étonnante.
Il n’y a pas d’être plus calme et plus heureux dans son intérieur que ce vieux troubadour retiré des affaires, qui chante de tems
en tems sa petite romance à la lune, sans grand souci de bien ou mal chanter pourvu qu’il dise le motif qui lui trotte par la tête,
et qui, le reste du tems, flâne délicieusement. – Ça n’a pas toujours été si bien que ça. Il a eu la bêtise d’être jeune, mais comme
il n’a point fait de mal, ni connu les
mauvaises passions
, ni vécu pour la vanité, il a le bonheur d’être paisible et de s’amuser de
tout. Ce pâle personnage a le grand plaisir de t’aimer de tout son cœur, de ne point passer de jour sans penser à l’autre vieux
troubadour, confiné dans sa solitude en artiste enragé, dédaigneux de tous les plaisirs de ce monde, ennemi de la loupe et de ses
douceurs. Nous sommes, je crois, les deux travailleurs les plus différents qui existent. Mais puisqu’on s’aime comme ça, tout va
bien. Puisqu’on pense l’un à l’autre à la même heure, c’est qu’on a besoin de son contraire. On se complète en s’identifiant par
moments à ce qui n’est pas soi ».
Elle a écrit une pièce,
L’Autre
, « mais je ne veux pas qu’on la joue au printems, [...] je ne suis pas pressée et mon manuscrit
est sur la planche. J’ai le tems. Je fais mon petit roman de tous les ans [
Pierre qui roule
] quand j’ai une ou deux heures par jour
pour m’y remettre. Il ne me déplaît pas d’être empêchée d’y penser. Ça le murit. J’ai toujours, avant de m’endormir, un petit quart
d’heure agréable pour le continuer dans ma tête, voilà ».
Puis elle parle de S
ainte
-B
euve
qui a quitté
Le Moniteur
, journal officiel de l’Empire, pour
Le Temps
de l’opposition libérale :
« S
te
Beuve est extrêmement colère, et, en fait d’opinions, si parfaitement sceptique, que je ne serai jamais étonnée, quelque chose
qu’il fasse dans un sens ou dans l’autre. Il n’a pas toujours été comme ça, du moins tant que ça ; je l’ai connu plus croyant et plus
républicain que je ne l’étais alors. Il était maigre, pâle et doux. Comme on change ! Son talent, son savoir, son esprit ont grandi
immensément. Mais j’aimais mieux son caractère. C’est égal, il y a encore bien du bon. Il y a l’amour et le respect des lettres, et
il sera le dernier des critiques. Les autres sont des artistes ou des crétins. Le critique proprement dit disparaîtra. Peut-être n’a-t-il
plus sa raison d’être. Que t’en semble ? ».
Puis elle ajoute : « Il paraît que tu étudies le pignouf. Moi je le fuis, je le connais trop. J’aime le paysan berrichon qui ne l’est
pas, qui ne l’est jamais, même quand il ne vaut pas grand chose ; le mot pignouf a sa profondeur, il a été créé pour le bourgeois
exclusivement, n’est-ce pas ? Sur cent bourgeoises de province, quatre-vingt-dix sont pignouflardes renforcées, même avec de
jolies petites mines, qui annonceraient des instincts délicats. On est tout surpris de trouver un fonds de suffisance grossière dans
ces fausses dames. Où est la femme maintenant ? Ça devient une excentricité dans le monde »...
Elle « aime » et « embrasse » son « troubadour »...
Correspondance
(éd. G. Lubin), t. XXI, p. 311.
Correspondance Flaubert-Sand
(éd. A. Jacobs), p. 212.
Anciennes collections Alfred D
upont
(VI, 211), puis Daniel S
ickles
(VII, 2899).
166.
George SAND
(1804-1876). L.A.S., Nohant 3 mars 1876, à C
harles
-E
dmond
 ; 3 pages in-8 à son chiffre.
1.200/1.500
L’
art d
être
grand
-
mère
[elle mourra le 8 juin suivant]... « le carnaval m’a empêché de finir plus vite mon gros travail sur les
marionnettes. N’a-t-il pas fallu pour complaire à ces demoiselles les faire danser au piano jusqu’à extinction de chaleur naturelle et
m’affubler pour cet office des déguisements les plus insensés ? me transformer en vieux turc avec un faux nez et en vieux Pierrot
avec la figure enfarinée ? Enfin, nous voilà sortis de ces divertissements auxquels sont venues s’ajouter les noces de notre bonne
petite cuisinière avec un chef cantonnier qui a l’esprit d’accepter une chambre chez nous et de ne pas nous priver de notre gentil
cordon bleu »... Elle parle ensuite de son article sur le théâtre de marionnettes de son fils Maurice, qui a « pris des proportions
effrayantes »...
Correspondance
(éd. G. Lubin), t. XXIV, p. 548.