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dans un autre tems. Mais n’est-il pas affreux qu’il tombe avec la France et que nous ayons en commun avec ses partisans de dater
nos larmes du même jour. Ah la France n’a pas assez de vertus pour que l’adversité lui soit honorable. Il lui falloit des lauriers
pour tout faire oublier à présent la haine tombe à plomb sur elle, maintenant Genève lui déclare la guerre, la Suisse lui envoye ses
guerriers pour la tuer quand elle est à terre, enfin chacun s’essaye contre elle comme contre le lion qui n’a plus ni ses griffes si ses
dents. Il y a des provinces d’avis divers il n’y a plus de France »... Elle se désole tout le long du jour et ne peut se résoudre à revenir
à Paris. Elle envisage d’aller en Italie « et d’y rester jusqu’au départ des étrangers si jamais ils partent ». En Grèce sévit un autre
fléau, la peste ; mais elle ira peut-être en Sicile «  à cause du séjour que Richard Cœur de Lion y a fait ». Elle attend des nouvelles
de son fils qui est reparti en France, elle écrit son ouvrage « sur la révolution de France. Sans l’occupation on se dévoreroit à force
de penser ». Elle parle d’Alexis de N
oailles
qui aurait refusé d’être secrétaire des Affaires étrangères : « il se met du parti de la
cocarde blanche et verte c’est à dire des ultra-royalistes. Vous avez beau l’admirer il lui manque quelque chose et quelque chose de
nécessaire ». Elle s’intéresse à la santé de Custine, tout comme sa fille Albertine, et ajoute qu’elle aime ce qu’il dit « sur l’identité.
Cent fois j’ai pensé que la mienne tenoit au souvenir de mon père je ne vaux la peine d’être ressuscitée que par là ».
Ancienne collection Robert G
érard
(1996, n° 461).
Reproduction page ci-contre
174.
Germaine de STAËL
(1766-1817). L.A., à Adrien de L
ezay
 ; 3/4 page in‑8, adresse (petite fente réparée).
400/500
Elle l’invite à dîner avec Liveron. « Pardon de ne pas signer comme vous, et de supprimer beaucoup d’autres formules, qui
séparent, et rendent étrangers l’un à l’autre »...
175.
Henri Beyle, dit STENDHAL
(1783-1842). L.A., [Paris juillet 1804], à sa sœur Pauline B
eyle
, à Grenoble ; 5 pages
et demie in-4, adresse.
5.000/7.000
T
rès
belle
et
longue
lettre
à
sa
sœur
,
avec
des
conseils
de
lecture
et
des
réflexions
sur
l
histoire
,
dont
une
vive
critique
de
L
ouis
XIV.
Il a « de grandes peines d’Ame », sachant que Mme de [N
ardon
] va mourir. Il s’est « mis à étudier l’histoire [...] Je suis toujours
porté à croire les gens que j’aime. Mais je vois chaque jour qu’il n’y a point de bonheur sans connaissance. [...] Je me suis fait une
règle de n’aimer que les gens vertueux ; avec les autres, je tâche de n’être qu’excessivement poli. [...] Ici, on ne cherche que la
Vérité
ditte sans offenser la
Vanité
. L’hom. du meilleur ton est celui qui sait le plus de vérités et qui offense le moins la Vanité voila le
modèle. Pour offenser le moins la Vanité il faut souvent dire en 4 pages ce qu’on eut exprimé en 3 phrases. Voila pourquoi je suis
tranchant dans mes lettres. Je veux dire beaucoup en peu de mots. Mon ton est sérieux, autrement il serait badin »...
Stendhal recommande à Pauline la lecture des
Lettres de cachet
de M
irabeau
. « Ce livre de 300 pages bien lu vaut mieux
qu’un plein couvent de nigauds ou de traitres [...] Tu y verras ce que je t’ai écrit il y a 3 mois avant de le connaitre que souvent
M
ontesquieu
avait menti p
r
ne pas se faire mettre en prison. Son
esprit des Lois
est plein de mensonges de ce genre »... Puis
Stendhal parle de L
ouis
XIV : « J’ai étudié Louis XIV ces jours-ci, nommé le grand par les bas coquins, Voltaire et Comp
ie
, et
bassement flatté par Boileau, Molière, Quinault &
a
.
J’ai été étonné de sa bassesse, et de sa bétise. C’est le grand roi des sots,
comme l’Iphigénie de Racine est leur belle tragédie. Le meilleur roi pour les gens sensés c’est Henri IV après lui Charlemagne
après ce dernier personne. L. XIV était dissimulé jusqu’à l’horreur. Arrestation de Fouquet. A la mort du card. Mazarin, il vole à
son hoirie 15 millions, le voila bas voleur [...] Il ne lui reste de vertu que la bravoure et il n’y était pas ferme. Simple particulier
il eut été le plus lache des hommes. [...] tout hom. qui le vante est ou un traitre payé, ou un sot qui ne réfléchit pas et qui prend
pour vrai ce qui est imprimé par Voltaire sous son successeur Louis XV. [...] Ce prince eut un caractère singulier du reste il fut le
plus médiocre des hom. et souvent le plus méchant. V
oltaire
dans son histoire est un bas coquin, d’autant plus dangereux qu’il
eut assez d’adresse pour se faire passer pour philosophe »...
Stendhal donne enfin une liste de livres qu’il conseille de faire lire à son cousin Gaétan : « Son imagination a besoin d’être
secouée ; il est bon, mais n’a pas de force dans sa bonté. Il faut retremper son âme, autrement ce ne sera qu’un faible, et, avec son
gros nez, on se moquera de lui. [...] Qu’il lise P
lutarque
et ne croie pas tout ce qu’on lui fait lire de moulé, la Religion toujours
exceptée je n’en parle jamais et crois bien sincèrement à l’enfer. Mais je le remplis autrement qu’on ne fait communément, je le
remplis de tous les scélérats quels qu’ils ayent été »...
Correspondance
, Bibl. de la Pléiade, t. I, p. 128.
Reproduction page 81
176.
Henri Beyle, dit STENDHAL
(1783-1842). L.A.S. « Hy », [fin mai 1808], à
sa
sœur
Pauline P
érier
-L
agrange
née
B
eyle
à Grenoble ; 3 pages et quart in-4, adresse, marque postale
N° 51. Grande-Armée
.
5.000/7.000
T
rès
belle
lettre
sur
le mariage
de
sa
sœur
P
auline
(25 mai 1808).
« Hé bien, ma chere amie, qu’en dis-tu ? Valait-il la peine d’avoir tant peur. J’avoue cependant que le moment où M. Stupi
chantait l’épitalamme a dû être un peu scabreux pour une femme surtout. Mais si cette journée t’a donné quelqu’embarras, elle m’a
fait un bien vif plaisir dans la description charmante que m’en a donné notre excellent grandpère. Voila une des grandes affaires
de ma vie à bon port. Te voila déjà voyageante c’est fort bien, épargne sur des bijoux et autres niaiseries pour aller voir Milan ou
Paris. Mais d’avance fixe une somme de 2 ou 3000
F
qu’il ne faudra pas excéder. Je tressaille de joie comme un enfant »...