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l’a abreuvée ». Il lui rappelle l’époque de son départ de Ste
Hélène et le moment où il fit connaître à l’Angleterre et à
l’Europe entière la rudesse avec laquelle l’Empereur et sa
suite étaient traités. Il fut reçu par le Vice-Roi [Eugène] qui
l’écouta avec sensibilité mais l’abandonna sans conseil, sans
argent ni protection. Il gagna alors l’Italie pour sonder « les
esprits de la famille de l’Empereur », mais se fit arrêter et
conduire en Moravie où il resta prisonnier durant cinq ans.
Libéré en décembre 1821, il se rendit à Rome pour espérer
de la « famille Napoléon » quelque récompense de sa
fidélité. Madame Mère lui fit connaître que l’Empereur lui
avait fait un legs de 25.000 f mais « eut le sang froid » de
lui refuser la pension que son correspondant avait fixée à
1.200 f par an sur ordre de l’Empereur, disant qu’elle n’avait
pas « un bajoreo » à lui donner, que Bertrand pouvait
bien alléguer tout ce qu’il voulait mais qu’elle voulait bien
lui offrir une place de domestique chez elle. Les autres
membres de la famille ne firent pas mieux, exceptés Mme
Caroline et le Prince Jérôme qui lui avaient fait parvenir
quelques secours durant sa détention. Les ordres de
l’Empereur à Ste Hélène n’ont donc valu qu’à lui produire
de l’avilissement et de la misère ! Il en implore à la justice
de son correspondant.
b) PS « Santini » donnant copie conforme d’un ordre de
l’Empereur sur son livret, donné à Ste Hélène le 19 octobre
1816 et signé du Général Bertrand, stipulant au Sieur
Santini que « celui des parents ou amis de l’Empereur
auquel il s’adressera lui fera toucher ce qui lui reviendra de
ses gages en l’écrivant sur le présent livret ». Passé 1817, il
jouira d’une pension du tiers de ses gages, et ce jusqu’à sa
mort naturelle. « C’est la volonté de l’Empereur Napoléon
pour être exécutée par tous ceux que cela concerne ».
c) PS « Giovani Natale Santini », Bastia, 21 août 1822,
donnant pouvoir au Comte Bertrand de le remplacer en
tant que légataire de Napoléon dans tous traités entre les
exécuteurs testamentaires et le banquier Laffitte.
d) LAS « Jean Noël Santini », 4p in-fol, Bastia, 23 août
1822, au Général Bertrand. Touchante missive, écrite avec
application (mais bien sûr avec de nombreuses fautes
d’orthographe et de syntaxe), dans laquelle il lui exprime
sa reconnaissance et l’informe, selon sa demande de tout
ce qu’il a reçu de la famille de l’Empereur. Il reprend donc
le récit de sa vie depuis le départ de Ste Hélène, rapportant
précisément toutes ses ressources : le maigre viatique
fondu rapidement à Londres, le produit de ses brochures
donné par Lord Holland, les 32 ducats donnés par la Reine
Caroline, les 900 f du Prince Jérôme (qui en passant l’avait
reçu « brusquement » quand il fut libéré des Autrichiens),
les 40 louis de la Princesse Stéphanie. Il fustige la manière
d’agir de la Famille, tant d’ingratitude ! Ils font honte aux
« Cendres Sacrées de l’Empereur » ! Ils manquent à leurs
promesses, mais lui n’est pas leur débiteur, il se fait une
gloire éternelle de ne l’être qu’à l’Empereur ! etc.
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veut pas écrire aux Bonaparte de peur que ses lettres ne
soient interceptées. Il donne son adresse où lui écrire sous
le nom de Henry Porter.
b) LAS, 1p in-4 plus page d’adresse, Londres, 2 avril
1817, au père du Général Bertrand à Paris, chez Monsieur
Dufresne. Il lui annonce qu’un vaisseau arrivé de Ste
Hélène a porté la nouvelle que la Comtesse Bertrand avait
accouché d’un joli garçon et que l’Empereur lui avait fait
une visite, ce qui est une grand marque de bienveillance
de sa part, car il n’était sorti depuis longtemps. Il donne
l’adresse à Londres où lui écrire sous le nom de John
Hinxmann.
c) LA non signée par précaution, 1p in-4 plus page
d’adresse, Londres, 28 avril 1817, à Dufresne à Paris, pour
le père du Général Bertrand, mention en bas de lettre :
« Pour Monsieur H… B… ». Il a reçu sa lettre et attend avec
impatience « l’autre réponse dont vous faites mention ».
Pour l’avenir, il lui recommande bien de ne pas écrire
« Monsieur » sur l’adresse et de la rédiger comme telle :
« John Hinxmann Esq. » : « c’est un nom supposé qui
épargnera une enveloppe, car les simples lettres sont moins
exposées que les doubles ».
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SAINTE HELENE
-
LES COMPAGNONS
- Jean Noël
SANTINI
- [1790-1862] - Tambour à 14 ans dans le bataillon
des tirailleurs corses, il voit la première fois Napoléon au
Camp de Boulogne. Il fait toutes les guerres, Austerlitz,
Iéna, Eylau…durant la Campagne de Russie, il fait déjà
figure à 22 ans de vétéran et est choisi comme courrier
du quartier impérial. Impossible pour lui de ne pas suivre
l’Empereur, son héros, à l’Ile d’Elbe : c’est le Général
Bertrand qui prendra sur lui son passage en surnombre. Il
s’y rend indispensable à Napoléon qui lui confit la garde
de son portefeuille. Il est donc des suivants à Ste Hélène
où Napoléon adore parler avec lui en corse. Mais Santini
se met à détester les autorités anglaises et surtout le
gouverneur Lowe, dont il ne supporte pas les vexations
qu’il inflige à son Empereur. Il veux même l’assassiner, mais
cette intention étant parvenue à Napoléon, ce dernier
l’en dissuade vertement. Il l’entretient cependant d’une
grande mission. Comme les Anglais réduisent le train de
vie de l’Empereur sur l’île, Santini va être débarqué. Dès
lors, Napoléon lui confit une protestation écrite de sa main,
dans lequel il exprime les conditions insupportables de sa
détention, qu’il coud dans son vêtement et qu’il est chargé
de diffuser dans l’Europe entière. Santini à Londres réussit
à convaincre Lord Holland de publier le précieux document
en mars 1817. Le gouvernement anglais reste inflexible,
mais la cause de l’Empereur devient politique et Santini
doit quitter l’Angleterre. Dès lors, il ne cessera pas de
courir l’Europe pour la cause de son Empereur. Les années
passant, un autre Napoléon vient au pouvoir, qui n’oubliera
pas le brave corse, en lui confiant la garde du Tombeau de
l’Empereur aux Invalides.
Ensemble de 4 documents rarissimes
a) LS « Santini ci-devant huissier de l’Empereur », 2p in-4
plus page d’adresse, Livourne, 2 avril 1822, au Général
Bertrand. Dans un style ampoulé (émanant du rédacteur,
Santini était peu lettré), il se dit « l’homme fidèle et
malheureux » venant verser « dans le cœur de l’homme
Juste » qu’est son correspondant, « jusqu’à la dernière
goutte le calix amer, dont l’ingratitude la plus inattendue
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