Binoche et Giquello. albert ROBIDA Collection Michel François. - page 4

CHASSE AU
«
TRÉSOR
»
DANS LE MONDE DE L
EXTRAORDINAIRE ALBERT ROBIDA
La présente vente consacrée au seul Albert Robida, réunissant autant d’œuvres de grande qualité et de trésors
bibliophiliques, est une grande première. Les ventes comportant des ouvrages d’Albert Robida sont généralement très parcellaires,
à la différence, par exemple, des ventes des romans de Jules Verne. J’ai donc saisi l’occasion de cet événement exceptionnel pour
replacer de façon précise certaines des oeuvres présentées à la vente dans le contexte complexe de l’ensemble de son œuvre, sans
bien sûr paraphraser le beau catalogue établi par Dominique Courvoisier.
Albert Robida (Compiègne 14 mai 1848 - Neuilly-sur-Seine 11 octobre 1926) est effectivement un personnage qui sort
de l’ordinaire. Ce dessinateur, illustrateur, mais également aquarelliste, lithographe, aquafortiste est aussi un auteur dont
l’ensemble de l’œuvre est considérable par son volume, 60 000 dessins estimés !, et on en découvre toujours de nouveaux, 150
livres illustrés - il est l’auteur d’une soixantaine d’entre eux -, participation en tant que caricaturiste à plus de 70 revues. Cette
œuvre est aussi originale par la variété des thèmes abordés et magistralement traités, « six personnages en quête d’un biographe »
plaisantait l’un de ses fils. Mais son originalité concerne aussi son « style », conjugaison harmonieuse de la plume et du crayon.
Dans ses principaux romans, ceux d’anticipation en particulier, textes et illustrations - pour lesquelles il n’est pas chiche - se
complètent, c’est un véritable «romancier graphique», ce qui lui permet de manier l’humour ou la jovialité sur les deux tableaux.
Son œuvre respire l’imagination et la fantaisie, qu’il sait brider et organiser de façon cohérente - « j’ai réfléchi, en m’amusant » -.
Par contre, lorsqu’il croque des vieilles pierres, son crayon sait conjuguer la restitution la plus parfaite des architectures avec une
touche de rêve et de fantastique. Ajoutons que Robida est un autodidacte doté d’une grande curiosité, il en a le dynamisme, il
sera d’ailleurs considéré, grâce à ses facultés d’assimilation et à sa mémoire prodigieuse, comme un érudit, Maître Robida.
Venons en à son œuvre.
En 1866, le jeune clerc de notaire fou de dessin qu’est Albert Robida réussit à quitter Compiègne pour Paris et entre
au
Journal amusant
comme dessinateur de presse. Il poursuit cette carrière jusqu’à la fin des années 1870 dans différentes revues
satiriques. Sa rencontre avec l’éditeur de
La Librairie illustrée,
Georges Decaux, constitue le grand tournant de sa carrière. Il fonde
avec lui en 1880
La Caricature,
revue hebdomadaire qui se veut « politique, satirique, drolatique, atmosphérique et littéraire »,
dont il sera le rédacteur en chef pendant plus de douze ans. Il va réussir cet ambitieux programme en mettant lui-même la main
à la pâte - ainsi la première année, 1880, interviendra-t-il sur 42 numéros, avec 33 couvertures couleur et une planche dépliante
-, mais aussi en réunissant autour de lui une brochette de jeunes dessinateurs, Caran d’Ache, Job et Ferdinand Bac, entre autres.
Les neuf premiers volumes de cette revue présentés ici constituent par la variété des sujets traités la meilleure entrée dans l’univers
d’Albert Robida, un premier « trésor » auquel on peut assortir les trois années de
L’Année comique,
qui réunit les primes
distribuées aux abonnés de
La Caricature.
Mais la confiance que met Decaux dans son brillant poulain va permettre à la carrière de Robida d’exploser dans
plusieurs directions.
En 1883 paraît
Le Vingtième siècle,
roman d’anticipation jugé « des plus curieux », voire « extravagant », mais qui
rencontre beaucoup de succès ; Robida se fait le chroniqueur humoristique de la civilisation du futur vingtième siècle : prévoyant
l’évolution des mœurs, l’émancipation de la femme devenue électrice et éligible, les progrès technologiques dus à la fée électricité
bouleversant les télécommunications avec l’apparition du « téléphonoscope » qui n’a rien à envier à notre actuelle télévision. Ce
« téléphonoscope » est représenté d’ailleurs dans la belle aquarelle du faux-titre des
Contes pour les bibliophiles,
un autre
« trésor », écrit par son compère Octave Uzanne. En 1892,
Le Vingtième siècle - La Vie électrique,
suite du
Vingtième siècle,
et
son « extrait »
Le Voyage de fiançailles,
reprend les mêmes principes en les nuançant. Entre temps, en 1887 est parue
La Guerre
au vingtième siècle,
où Robida est le chroniqueur prémonitoire d’une guerre future mettant en scène aéronefs de combat,
blockhaus roulants, mais aussi armes chimiques et « miasmatiques ». Voici ainsi complétée la beIle trilogie de l’anticipation
avec ces trois ouvrages sous cartonnage vert d’Engel et gravures de Souze, un autre « trésor ». Plus tardivement, en 1908, Robida
illustre
La Guerre infernale,
écrite par le journaliste-auteur Pierre Giffard, un autre de ses compères. L’exemplaire, truffé de
dessins originaux, est lui aussi un « trésor ». Robida sera consacré en 1916 « Caricaturiste prophète » par l’ouvrage de son ami
Beraldi, titre mérité. Mais Robida se remet alors difficilement du terrible destin qui frappa son jeune fils Henry en septembre
1914. En 1920, il publie ainsi
L’Ingénieur Von Satanas
qui, à travers la chronique d’une deuxième guerre mondiale, est un terrible
pamphlet de « la gueuse de science ». On peut rappeler qu’en 1889, dans sa pièce d’ombres présentée au Cabaret du Chat noir,
La Nuit des temps
ou
L’Elixir de rajeunissement,
les aéronefs chinois apparaissaient dans notre ciel, mais il faut plutôt parler d’une
amusante jonglerie du temps que d’une véritable anticipation.
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