Page 182 - Mise en page 1

Version HTML de base

178
En 1925, Schmied donne
Le Cantique des Cantiques
. C’est sans aucun doute un des ouvrages les plus
curieux du point de vue de la construction et de l’illustration. Nous y retrouvons des gravures
imprimées sur fond or, tantôt dans une harmonie enveloppante de couleurs douces et tendres, tantôt
dans une splendeur foudroyante de tons riches et chauds. Les illustrations s’intègrent par faitement
au texte, et l’on éprouve une réelle joie à lire et à regarder ce livre.
Vers cette époque, il décide de travailler sur la traduction des
Mille et une nuits
du Dr J.C. Mardrus.
F.L. Schmied est fasciné par cette interprétation. Il semblait inévitable que ces deux êtres, également
passionnés par l’Orient finissent par se rencontrer pour travailler ensemble. L’un évoquant l’esprit
poétique des Livres sacrés orientaux, l’autre en fixant les formes harmonieuses et colorées. Le premier
ouvrage qu’ils réalisèrent ensemble fut
Histoire charmante de la Princesse Boudour.
Ce conte oriental
de J.C. Mardrus fut tiré à 20 exemplaires, ce qui d’une certaine façon est regrettable pour un aussi
bel et grand effort, mais compréhensible, lorsqu’on sait que les illustrations imprimées au trait bistre
sur papier, furent entièrement laquées à la main dans les ateliers de Jean Dunand. La beauté de ces
laques sur papier est inouïe. Une typographie, plus sobre que dans le
Cantique
ou
Daphné
, orne
ces compositions originales avec un tact par fait. L’Orient est présent par le texte comme par ces
illustrations qui évoquent les miniatures persanes. Avec
La Création
, les formules de F.L. Schmied
deviennent encore plus audacieuses. Au milieu d’un décor de lignes et d’aplats, par dégradés et
crachis dorés,
« Il fait jaillir du sol des jets d’eau argentés retombant en un ruissellement de perles,
s’éparpillant en une poussière humide du plus somptueux effet »
. Ces réalisations synthétisent une
époque luxueuse, amoureuse de lignes pures, de tonalités chaudes, de raffinements extrêmes dont
on serait bien en mal de trouver quelque trace aujourd’hui. Cet art minutieux de l’orient qui a cherché
à concilier l’amour de la couleur à la sobriété des formes est par faitement interprété par Schmied
qui illustre ainsi l’attachement des occidentaux pour cette belle civilisation.
Sans cesse à l’affût de formules nouvelles, Schmied travaille sans jamais se répéter et son perfectionnisme
est toujours en veine de renouvellement. De tels livres se regardent autant qu’ils se lisent, et l’on a
plaisir à jouir de ces précieuses harmonies ornementales. Sur ce plan
Le Livre de la Vérité de Parole
est un des ouvrages le mieux compris. Le texte devient illustration, et les compositions décoratives
qui se déchiffrent page à page sont là pour appuyer le texte, mieux le faire sentir, afin de pénétrer
dans un univers merveilleux et poétique. Le Paradis Musulman est l’illustration d’une prière invocatrice
des astres par une giration d’or au milieu d’une préciosité bleue et rouge. Ses paysages féériques,
traités comme des miniatures, ses personnages vêtus de pourpre et d’or, la somptueuse bigarure des
fleurs, l’éclat rutilant des dragons et des chimères, l’ingéniosité des motifs, constituent un ensemble
éblouissant pour ce nouveau conte inédit du Docteur J.C. Mardrus. D’un format plus petit,
Les aventures
du dernier Abencérage
, est un ouvrage délicat dont le tirage fut exécuté par Théo Schmied. C’est un
prodige de gravures en couleurs et un modèle de cohésion entre le texte et les lettrines ornementales.
Tous les hors-textes présentent des trouvailles rythmiques d’inspiration orientale. Dans
Ruth et Booz
l’atmosphère est biblique, et chaque scène est enveloppée de mystère et de Divin. Les pages y alternent
deux par deux de façon différente. D’amples illustrations sur la moitié de la page succèdent à deux
feuilles de texte sur 25 lignes, dont seul un réseau de filets aux combinaisons rectilignes vient rompre
la monotonie.
É
dité par les XXX de Lyon,
Peau-Brune
est le journal de bord de F.L. Schmied. C’est aussi le nom de
la goélette de quatre-vingt dix tonneaux sur laquelle, yachtman, l’artiste entreprit en compagnie de
Jean Dunand une croisière de Saint-Nazaire à la Ciotat. Le bateau était très beau, une tête de bélier,
laquée rouge et noir par Jean Dunand, en guise de proue, un aménagement étudié par Dunand également,
des voiles ocre et jaune au vent, Schmied comptait faire le tour du monde aux frais d’un groupe de
bibliophiles pour en rapporter les illustrations d’un prochain livre.
Malheureusement, des évènements imprévisibles allaient contrecarrer ce projet. Il se contenta alors
de transcrire dans Paysages méditerranéens, les splendeurs des voyages précédents. Mais c’est
dans
l’odyssée d’Homère
qu’il exprimera le mieux tous ses rêves sur la civilisation hellénique, éditée
en quatre volumes, sur vélin animal (il ne fallut pas moins de 1.200 brebis pour fournir ce support).
Les illustrations furent réalisées au pochoir par Saudé, tandis que le trait était gravé sur bois.