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Cela m’a fait plaisir car vous savez qu’il est pour ce Monsieur. Cette faiblesse d’une partie de l’émigration ne me surprend pas.
Hélas ! ce qui nous manque en France c’est le caractère, la vigueur continue […]. Mon Dieu, mon Dieu, que vous devez souffrir !
car le génie, de même qu’il pense de toutes les pensées, souffre aussi de toutes les souffrances, et s’humilie de toutes les hontes. Il
me semble même que ce qu’a ressenti l’humanité avant lui, il le sent comme il pressent ce qu’elle ressentira quand il ne sera plus
là ! […]. Je savais par MICHEL DE BOURGES combien vous aviez été bon pour ce très faible poème de Mettray [
La Colonie de
Mettray
, par Louise Colet, publié en 1852].
Je savais qu’un vers vous avait ému et j’en était fière, Ayons de ces grands cœurs où
bat le cœur de tous
. J’avais dû gardé le plus strict incognito car sans cela ce prix [de l’Académie française] qui m’était si nécessaire
(il a payé le tombeau de mon mari et les frais d’un indigne procès) m’aurait été refusé.
Si vous saviez quand mon nom a été trouvé
dans le billet cacheté quels cris d’irritation et de surprise ont poussé les ANCELOT et les MONTALEMBERT, la bêtise et la
haine !... Et pourtant ils avaient voté pour moi
. Trois fois j’ai tenté ce concours de poésie, qui je vous l’avoue ne m’allait guère,
et trois fois j’ai réussi. J’en ai remercié Dieu. Dieu savait que la nécessité me pressait et que la réussite m’était urgente […] ». Elle
n’hésitera jamais à lui demander son appui et espère recevoir quelques lignes, mais craint toujours la censure. « La voie de Londres
est très sûre et il me semble qu’il doit vous être facile de faire passer vos lettres à Londres pour qu’on les y jette à la poste ? Je crains
seulement que les lettres qui viennent d’Angleterre à mon adresse ne soient décachetées et
je voudrais que vous eussiez la bonté
de m’écrire sous le couvert de Mr FLAUBERT à Croisset près Rouen
. Les lettres mises à la poste de Londres et envoyées ainsi
directement en France me parviendront plus vite qu’en passant par Mr Simon et m’éviteront de grosses lettres (à mon adresse) de
Londres qui certainement éveilleraient l’attention et seraient ouvertes. Il y a dans la famille de Mr FLAUBERT une institutrice
anglaise et la correspondance avec Londres est très suivie [...]. Je remets celle-ci à Mme Hugo, elle vous dira encore mieux de
vive voix tous mes vœux et ma profonde admiration. Permettez-moi d’ajouter affection ;
le cœur ne peut rester froid pour ce qui
enflamme l’esprit
».
Il est joint un article sur la correspondance échangée entre Victor Hugo à Louise Colet.
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[V
ICTOR
H
UGO
]
. L.A.S. à son
« cher et glorieux maître » Victor Hugo
, 4 pp. in-16. Paris, 6 mai 1869. Hugo a coché la
lettre comme répondue. En-tête gaufré à ses initiales.
La publication de
l’Homme qui rit
.
« Quelle joie et quelle fierté me cause ce grand livre [
L’Homme qui rit
, publié en avril-mai
1869] qui me vient de vous et où votre nom immortel est écrit. J’ai été malade tout l’hiver, je le suis encore ; mais comme les douleurs
de l’esprit sont pour beaucoup dans mes souffrances,
il me semble que votre œuvre puissante va me guérir. Vous êtes la douceur
et la force
[…]. J’ai des tristesses immenses. Je quitterai Paris à la fin de l’année pour aller en Espagne, puis en Italie [elle se rendra
en Egypte sur les traces de Flaubert] ;
je ne voudrais pas partir sans vous dire adieu car il me semble que je ne reviendrai pas
.
Pourrai-je accomplir ce vœu si cher. A distance, partout, vous avez dans mon cœur la place la meilleure, celle des grands souvenirs
et de l’inspiration.
A vous qui vivifiez les esprits tous les élans du mien
».
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