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qu’il aurait mijoté lui-même »… Bloy cite longuement une lettre de
Rachilde,
« femme de la plus rare distinction
intellectuelle », sur cette soirée des Bouffes-du-Nord, où elle rapproche Bloy et Tailhade, tous deux victimes ou du
silence ou du déchaînement de l’injure… Il signale aussi qu’on avait lancé un tract signalant « un livre que vous étiez,
disait-on, sur le point de publier et qu’“en digne
élève
de Léon Bloy, vous auriez intitulé :
En pleine m...
 !” Faut-il,
ô Tailhade, que nous les embêtions pour leur inspirer tant d’esprit. Avez-vous remarqué, cher
convalescent
, la haine
infinie, la haine d’exception, tragique et surnaturelle, intraduisible, même en patois carthaginois, dont l’humanité
généreuse rémunère tout promulgateur d’
Absolu
? […] Tel est le secret, l’unique secret. Un homme peut avoir du génie
et n’être pas universellement abhorré. […] Mais si quelque lueur d’Absolu se manifeste en n’importe qui, à propos de
n’importe quoi, les cailloux ou les blocs de marbre dont toute âme humaine est pavée s’insurgeront à la fois contre le
pauvre mortel assez férocement élu du Seigneur pour colporter sur notre fumier ce néfaste rayon mourant du septième
ciel. Il faut croire que nous sommes gravement infectés de ce mal, puisque tant de gens eurent la bonté de nous avertir
en déployant autour de nous le cordon sanitaire des calomnies prophylactiques. Nul n’ignore désormais que nous
sommes des envieux, des traîtres, des scatologues, des insulteurs de fronts olympiens, des assassins disponibles et, s’il
faut tout dire, des
ratés
sans pardon ». C’est « le juste salaire d’écrivains dénués de richesses, mais assez impertinents et
assez cyniques pour préférer, au besoin, toutes les tortures à la prostitution de leur pensée. […] ô Tailhade, ne crevons
pas ».
Exposition
L
éon
B
loy
(Jean Loize 1952, n° 179).