Page 93 - cat-vent_maigret15-05-2013-cat

Version HTML de base

91
abandon dans sa dernière agonie  et nous autres, les spéculateurs découragés d’une espérance si lente à venir, nous
n’aurions rien à vociférer dans notre abandon ». Le Christ a promis de revenir, mais les hommes attendent depuis deux
mille ans : « Toute la création est dans la douleur de l’enfantement et elle s’agite dans cette douleur sans pouvoir jamais
enfanter parce que l’Esprit du Très-Haut ne descend pas en elle ». Après la mort du Christ, « La Douleur franchit
d’un bond l’abîme idéal qui sépare l’accident de la substance et devient
nécessaire
[…] Pour tout dire en un mot, le
genre humain se mit à souffrir
dans l’Espérance
et c’est ce qu’on appelle l’ère chrétienne ». Il attend le dénouement :
« Pour moi, je l’appelle plus que personne, je l’attends, je le désire, j’en suis affamé et altéré, je ne peux plus attendre
et maudite soit l’espérance elle-même si ce dénouement tarde plus longtemps à venir ».
177.
Léon BLOY
. L.A. (minute), 27 août 1880, à Zoé
Hello
 ; 2 pages in‑8 remplies d’une minuscule écriture.
700/800
Confidences pathétiques sur sa vie avec Anne-Marie Roulé, qui lui inspira
L
a
F
emme
pauvre
.
Sa situation est inconnue de tous ses amis ; depuis plus de deux ans il la tient cachée, dans les angoisses les plus
poignantes. « Il s’agit d’A.M. […] Je l’ai connue il y a 3 ans passés. […] j’étais le misérable esclave de plusieurs démons
et nos premiers rapports furent aussi criminels que vous pouvez l’imaginer. […] L’appartement habité à cette époque
par A.M. était si sensiblement hanté par le démon que j’y mourais de terreur »… Au bout de trois ou quatre mois, il
eut « un désir éperdu de sauver cette âme »… Il résume ce qui advint alors : l’inscription de la fille sur le registre de
l’Archiconfrérie (« prodige divin »), les subventions désormais exclusives de Bloy (« non sans péché »), la conversion
de la fille en septembre 78, après une visite au Sacré-Cœur, « son chemin de Damas »… « à dater de ce jour commença
cette histoire étonnante de relations fraternelles, de prière sans relâche, de communication surnaturelle et de souffrances
dont le récit détaillé paraîtrait invraisemblable. En 7
bre
78, j’avais déjà perdu le misérable emploi qui nous faisait vivre
très mal tous deux. Je revenais de la Trappe où j’avais passé deux mois horribles ayant vainement cherché là un refuge
contre une situation qui m’aurait fait trouver la mort désirable. Nous étions absolument sans ressource, de plus
j’étais forcé de tout cacher à mes amis. Je ne pus trouver aucune sorte d’emploi. […] Eh bien ! nous avons été soutenu
miraculeusement
»… Leur vie, « 
inapprouvable
selon les vues ordinaires de la prudence chrétienne », fut soutenue par
des voies inattendues, et cela sans gêner « le travail de purification ou d’expiation que Dieu voulait opérer en moi par
la douleur »… En effet, il a souffert « intolérablement malgré le spectacle magnifique qui m’était montré dans l’âme
de cette étrange fille »… Ces derniers mois, leurs privations se sont aggravées, et A.M., « habile ouvrière », a repris du
travail, mais sa vue s’est obscurcie. Ses meubles ont été saisis, et au terme d’octobre, sa protégée n’aura plus d’asile ;
« dans ma détresse j’ai pensé à vous ». Il prie Mme Hello d’accueillir Anne-Marie à Kéroman : « ce serait une œuvre de
miséricorde supérieure très certainement à tout ce que vous pourriez imaginer, car cette fille simple et profondément
ignorante,
n’est pas ce qu’elle paraît être
. […] M. Hello a remarqué plus que personne le passage de l’évangile où il est
dit que Jésus naissant ne trouva pas de place dans l’hôtellerie. L’enseignement qui ressort immédiatement de ce texte,
c’est qu’on ne sait jamais qui est Celui qui vous demande asile »…
Exposition
L
éon
B
loy
(Bibliothèque Nationale 1968, n° 50).
178.
Léon BLOY
. 3 L.A. (brouillons), septembre-octobre 1880 ; 3 pages in‑12 sur papier à en-tête et vignette
de
Notre-Dame de la Salette
, et 1 page et demie in‑8, remplies d’une écriture serrée à l’encre violette.
600/800
L
éon Bloy est chassé de la Salette, où il avait trouvé refuge avec sa compagne Anne-Marie Roulé
[Bollery I 450-452, la 2
e
lettre inédite].
13 octobre 1880
, au Père
Berthier
, du monastère de La Salette. Il se plaint des agissements du P. Perrin, l’économe,
qui lui a demandé de régler son compte : « Ce procédé que rien ne motivait, puisque je n’avais pas parlé de quitter la
Sainte Montagne, me parut d’autant plus offensant que quelque temps auparavant j’avais eu l’imprudence de dire que
j’étais un peu gêné ». Il a aussi demandé « sans aucune politesse » à sa « parente » Mme Roulé de régler son propre
compte : « Nous avons dévoré comme nous avons pu cet indigne affront. Aujourd’hui, le P. Perrin me chasse. Il me fait
dire par le portier qu’il me faut songer à décamper, que le temps du pèlerinage est passé, etc.[…] Est-ce donc ainsi que
des pèlerins doivent être traités dans une maison bâtie pour les pèlerins et par les aumônes des pèlerins. […] la présence
de cette parente qui m’accompagne et ses fréquents rapports avec moi, circonstances qui ne peuvent scandaliser que
les personnes qui ont le péché dans le cœur, ont été l’occasion des plus malpropres et des plus injurieuses insinuations.
[…] Tout le monde sait fort bien que j’ai donné ma vie et mon âme à la Salette et que depuis un an je travaille par ma
plume et par ma parole à propager ce grand miracle »… Etc.
28 septembre 1880
, à Jean
Tardif de Moidrey
, à l’occasion de l’anniversaire de la mort de son frère l’abbé,
évoquant « le souvenir de ce rare et généreux esprit par qui mon intelligence et mon cœur furent ouverts aux choses
de Dieu », et le livre qu’il prépare sur la Salette… – Au comte de
Gobineau
 : « ma situation n’en est pas beaucoup
meilleure, mais vous avez eu pour moi un mouvement de cœur et je vous dois pour cela des actions de grâces. Je vais
donc rentrer à Paris comme je pourrai. Il serait déplorable qu’un excessif et un violent de mon espèce ne fût pas témoin
des choses charmantes qu’une galante démocratie nous tient en réserve. Il est clair que le goujatisme automnal de 1880
va nous donner tout à l’heure ses fruits les plus savoureux. J’espère que toute cette vile société de lâches et d’imbéciles
…/…