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LETTRES ET MANUSCRITS
1) Carnet « 1934 »
. 137 pages, toutes numérotées. A la suite de 2 pages de notes (adresses d’amis et de correspondants : Rosenberg,
Louis Gérin, Louis Ducreux, Gabilanez, etc., tâches à effectuer, livres à envoyer), le journal commence le 6 février à Syracuse et se
termine à Cuverville le 1er octobre par ces lignes qui diffèrent sensiblement de l’édition établie du vivant de l’auteur, dans la collection
de la Pléiade, en 1947 (pp. 1220-1221) : « J’ai délaissé ce carnet, l’esprit occupé par cette pièce (sans titre encore) dont j’ai achevé de
brouillonner le 1er acte. Lu la Fortune des Rougon ; relu l’Assommoir. Relu avec le plus grand profit le Discours de la Méthode. On
trouve la fautive expression « quoi qu’ils en aient », pour « malgré qu’ils en aient » dans Balzac - Député d’Arcis, p.198 (Flammarion)
que nous avons la constance de lire à haute voix sans en sauter une ligne. (Excellents morceaux d’une écriture remarquable dans les
premiers chapitres ; du Sur-Balzac) et point de ralliement pour quantité de personnages de la Comédie Humaine. Somme toute,
enchanté de cette lecture, que je me promettais depuis longtemps.» On relèvera dans ce carnet d’autres passages ne figurant pas dans
l’édition originale du premier tome du journal (1889-1939) : « Mais inadmissibles toutes, presque toutes, les pages écrites en vue de
mes Nouvelles Nourritures. Projet que, décidément, j’abandonne. Tandis que je croyais, au contraire, devoir abandonner Geneviève.
J’y pourrai verser ceci dans cela. » (6 février) – A propos des jeunes élèves d’un « collège de prêtres » en promenade : « J’imagine quelle
instruction l’on va pouvoir donner à ces cancres ; quelles graines faire germer sur ce terreau… » (8 février) – « Méphisto fait le jeu de
Goethe ; mais c’est Goethe qui tient les cartes, et, pour jouer, il ne s’en remet pas à Méphisto. » (lignes biffées à la suite de la relation
de la journée du 11 février) – « On voit ici, chez des fleuristes, des « haemanthus » couleur corail, qui me rappellent certaines fleurs
du Congo (dont je parle, du reste, dans mes notes de voyage.) Le héros de roman que l’on peint à sa ressemblance, on lui fait faire ce
que l’on aurait voulu faire, ce que l’on aurait peut-être fait si… bref ce que l’on n’a pas fait ; et il serait imprudent d’en induire. Il y a
quatre jours je me suis offert un chapeau de marque anglaise, assez coûteux, mais vraiment à ma convenance. Il est si rare de trouver
un chapeau qui vous plaise ! Je me souviens d’être entré chez Adrienne Monnier certain jour (il y a déjà longtemps) à la suite d’un
jeune homme qui portait un chapeau si séduisant que je ne pus me retenir de lui en demander la provenance. Et deux ans plus tard,
passant à Oxford, j’en commandais deux d’un coup, encore qu’ils coûtassent fort cher. L’un devait être pour Théo [le peintre Théo van
Rysselberghe]. Mais finalement je gardais la paire. Mes Caves étaient déjà écrites ; c’est un pareil chapeau que je voyais à Lafcadio. Il
eut l’heur de plaire à Colette, certain soir de Ballets russes ; elle me demanda de le lui abandonner un peu et en resta coiffée pendant
l’entracte. Celui que je viens d’acheter ne le vaut pas. Très bien tout de même. Il se trouve que, pour la première fois de ma vie, je suis
parti en voyage avec trois chapeaux. Et pour la première fois de ma vie, depuis que j’ai acheté ce dernier, je sors sans chapeau du tout,
ce qui est fort agréable suivant l’usage de Karlsbad où les ombrages constants le permettent. » Gide termine ces remarques futiles par
l’expression anglaise « Not worth noticing » qui justifient évidemment leur suppression dans la version publiée du Journal (21 juillet).
– « Mais d’excuses L. G. n’a-t-il pas ? [Louis Gérin, vingt ans, mineur du Borinage et écrivain séduit par la littérature de Gide.] Il y
aurait de ma part une sorte d’ingratitude à n’en point tenir compte. Evidemment un grand besoin d’amour et de vénération gonfle
208.
GIDE André
[Paris, 1869 - id., 1951], écrivain français.
Ensemble de 2 carnets autographes, format 16 x 12 cm (1934) et 16,5 x 10 cm (1935), reliés en toile souple. Il s’agit de fragments de
son « Journal » pour les années 1934 et 1935.
30.000 /35.000 €