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140.
Frédéric MISTRAL
. L.A.S., [juillet 1862, à Joseph Roumanille] ; 6 pages in-8.
1.200/1.500
Longue lettre sur le suicide de son neveu François Mistral, qui inspirera Daudet pour
L’A
rlésienne
. Le drame eut
lieu le 6 juillet 1862, au Mas du Juge, maison natale de Mistral.
« C’est une désolation ! Pauvre enfant ! Il a été entraîné à la mort par une
fatalité
invincible, et c’est une victime de l’amour
et du dévouement flial ! »…Mistral passe rapidement sur l’origine de la catastrophe – le jeune homme amoureux d’une jeune
flle de Béziers, le père ne voulant pas s’en séparer, mais cédant enfn : « le mariage est conclu, le cadeau est donné, tout est prêt,
les deux fancés sont restés vingt jours ensemble, en tête à tête… quand tout à coup, le coup de tonnerre ! Un ancien amour
qui se présenta, puis des bruits odieux sur la famille de la jeune flle. Le mariage ne pouvait plus avoir lieu. L’honneur de notre
famille nous le défendait. Mon neveu lui-même, un enfant étrange, qui poussait le culte de sa famille jusqu’à l’adoration, fut le
premier à dire : Je ne l’épouserais pas, quand elle aurait des millions ; et si le mariage était déjà fait, et qu’on m’apprît ce que l’on
m’apprend, je mourrais de chagrin »… Cependant, à la suite de la rupture, « il y eut des discussions pour la reddition du cadeau,
menaces de procès, etc. Tout cela bouleversait l’enfant. Il se croyait la cause de la ruine de sa famille. Mais il y avait autre chose.
Malgré ses dénégations et ses protestations, il était resté
amoureux
»… Ses parents, effrayés de le voir si altéré, lui proposent
de passer sur tout. « Mais l’enfant, trop grand par le cœur, se disait : si tu l’épouses, tu déshonores ta famille ; si tu ne l’épouses
pas, tu en mourras à petit feu »... Là-dessus, deux émissaires de la famille de Béziers « sachant bien où il fallait frapper, lui dirent
que la jeune flle allait ou mourir ou devenir folle, et qu’elle les envoyait pour savoir et pour lui faire signer s’il la croyait ou non
coupable. C’était un piège affreux ! »…Mistral raconte la soirée faussement gaie qui s’ensuivit, culminant en une farandole où
le fls donna la main à son père… Puis le lendemain matin, le jeune homme monta au grenier. Sa mère, « pressentant sans doute
le désastre, se lève en chemise, trouve la porte du grenier fermée à clef, l’enfonce, et ne voit pas son fls ! Elle descend éperdue ;
et le trouve gisant devant le mas, ensanglanté, mort ! »… Cet enfant si vertueux, si chaste, était un
saint
, « peut-être une de ces
victimes pures nécessaires pour faire pardonner les crimes des autres hommes. Je pleure depuis lors. Lis ces détails à ceux qui
l’ont connu, à Aubanel, à Grivolas […] mais ne livre ces lignes à personne ».
141.
Frédéric MISTRAL
. L.A.S., [août ? 1862], à son « brave secrétaire » [Joseph Roumanille] ; 4 pages in-8.
600/800
Belle et longue lettre sur le Félibrige et les fêtes d’Apt.
Mistral croit que la fête d’Apt fera parler d’elle : « Tout va comme la pierre à l’anneau. La ville est provençale comme les
Baux ou Cassis, les félibres sont les maîtres des champs, les lutteurs me paraissent rudement disposés, et ce qu’il en pointe
déjà est adorable ». Il donne la liste du jury : «
Counsistòri felibren
. Roumanille, Aubanel, Mathieu, Gaut, Légré, Crousillat
et Mistral. – Qu’on essaye de trouver sous la cape du soleil sept mainteneurs plus compétents. – Et Marseille
elle-même
est
représentée. Anaïs [Gras, la future Mme Roumanille] aura la
joio
de la violette, c’est incontestable, et c’est joli comme ses vingt
ans. Son cantique est d’ailleurs parfait et plein d’une pudeur, d’une adolescence que les curés qui s’amuseront à concourir ne
risquent pas d’attraper »… Jusqu’au concours cependant il faut bercer d’espérance le brave petit Ranquet ; sa pièce n’est pas
vilaine et aura une belle couronne… « Soumets à la jeune Clémence Isaure les corrections que j’ai essayé de faire à sa pièce, et
ne les lui impose pas. Dis-lui aussi de garder encore quelque temps son cantique, de le polir, etc. Et quand elle se sentira prête
de pied en cap, qu’elle l’expédie, dans les conditions voulues au maire d’Apt »… Il parle aussi du prix pour une scène de mœurs
provençales, puis avoue son désarroi face au silence de Charpentier, à qui il a demandé des nouvelles de la nouvelle édition de
Mireille
. « Aurait-il envie, par quelque expédient infernal, de me souffer même les six cents francs de ses 1500 exemplaires ? –
As-tu reçu des
Mirèio
? »… L’
Armana
s’est bien vendu à Beaucaire, et Mistral brûle d’être au mois d’août, pour voir la moisson
de poésies que le concours mûrit. « Mais que de capots ! Aubanel a fait une belle pièce au pape qu’il allait faire imprimer. Je l’ai
déconseillé. Il s’en rend à mes raisons. Il risquait fort de perdre son procès et peut-être son brevet d’imprimeur. Cela prouve que
mieux vaut, quand on est félibre, chanter la patrie provençale »…
142.
Frédéric MISTRAL
. L.A.S., Maillane 11 janvier 1863, [à Joseph Roumanille] ; 2 pages in-8.
250/300
« L’individu sur le compte duquel Monsieur Mouret te prie de me demander des renseignements, possède un certain avoir.
Mais c’est un bon
bedigas
qui à coup sûr manquera son bien, si M. Mouret traite avec lui. Il est incapable de faire valoir ses
propres terres. Que sera-ce de celles des autres ? Je conseille donc à ton ami d’éconduire honnêtement le sieur Aubergier s’il
ne veut avoir le désagrément de se voir ruiner en peu d’années »… Mistral parle ensuite de Laincel, qui a recommandé à Azaïs
la brochure d’Artaud : « coalition évidente. Avis. Je vais partir pour Béziers, où je passerai 5 ou 6 jours pour régler une affaire
concernant mon frère. Il faut maintenant laisser répondre les Artaud et se taire.
L’òli vèn au dessus
»…
143.
Frédéric MISTRAL
. L.A.S., Maillane 26 janvier 1863, à Joseph Roumanille ; 4 pages in-8.
700/800
Importante lettre sur les finances de l’
A
rmana
prouvençau
.
Il veut lui parler d’une chose qui lui pèse depuis longtemps. « Tu sais que, pour retirer l’
Armana
des mains d’Aubanel, ce
fut moi qui employai les grosses pièces d’artillerie », afn que « l’
Armana
soit œuvre commune et proftable au felibrige et non
à un seul ; peu importe l’imprimeur ; tous frais payés, le bénéfce doit entrer dans une caisse félibréenne, dans laquelle nous
prendrons pour nos dépenses ordinaires qui sont frais de voyage, frais de banque, frais d’impressions diverses, et amélioration de
la forme de l’
Armana
»... Aubanel accepta et prit note de ces raisons, mais plus d’une fois demanda à savoir ce que devenaient les
bénéfces de l’
Armana
. Or Mistral ne reçut de Roumanille que des réponses dilatoires, et il est très embarrassé car il comprend
qu’Aubanel, « naturellement piqué du retrait de l’
Armana
(dont il avait fait les premiers frais et la première clientèle), tienne
à avoir une explication. […] voilà 6 ans que tu exploites l’
Armana
. Quelles sont les
dépenses 
? Quelles sont les
recettes 
? Que
je sache à quoi m’en tenir ! Fais donc un règlement, et dis-moi : à telle date, il y a tel bénéfce en caisse. Ce bénéfce net, – où
nous pourrions trouver le petit budget félibréen, – a toujours été mon rêve, et je voudrais le voir réalisé »… Il le rassure : « Je
ne viens pas t’envoyer l’huissier. Je demande qu’on ouvre la caisse
félibréenne
[…]. Si nous voulons fonder sérieusement notre
œuvre, notre académie, notre amitié et notre estime réciproque, il ne faut pas laisser accréditer que le félibrige est l’exploitation
des poètes provençaux au proft d’un seul. Moi qui entends tout, je puis tout te dire »…